Rencontre du troisième type [PV]

La sorcière avait quelques cinq cent trente-deux ans. Et ce n'était pas la première fois qu'elle venait visiter la Terre.
Elle s'appelait Iris, mais certains avait pour coutume de la nommer Iris aux yeux Rouge, quoi qu'on on lui préférait encore le surnom plus grandiloquent de Iris Glövas, qu'on aurait pu vaguement traduire en langue humaine par Iris dévoilant les Terre et les Eaux, ou quelque chose s'en rapprochant.

Mais de simples surnoms renseignent mal sur la sorcière. Car sa notoriété aurait tendance à raconter qu'elle est cruelle, folle et particulièrement puissante.

Elle n'a jamais vraiment cherché à démentir ces on dit. Après tout, ils se rapprochaient de la réalité.

Il faut savoir que la peur n'existe pas vraiment dans le monde des sorcières. Il n'y a qu'appréhension, parfois doute, mais jamais une peur aussi féroce que chez les Hommes. D'ailleurs, assez peu de représentantes de la race sorcière ne s'aventure dans ces contrées lointaines, pensant éviter ainsi la contagion de ce mal.

Mais Iris n'était pas de celles-là. La magnifique et intrépide sorcière aux cheveux de cuivre adorait vagabonder sur cette Terre tant fuie, parce que rien n'était plus intéressant selon elle que les Humains. Même si quelques siècles auparavant, ils les avaient décimées.

Mais le fonctionnement de la société sorcière n'est malheureusement pas ce qui nous intéresse aujourd'hui, alors je vais m'arrêter là dans mes explications.

Entrons dans le vif du sujet.

Deux raisons avaient poussé Iris à se rendre sur Terre ce jour là : l'ennui et la curiosité.

Elle savait depuis déjà longtemps que les Humains s'intéressaient de près à la race sorcière, depuis qu'une vague était apparue au moyen-âge qui s'en été suivie de la Chasse aux sorcières, décimant une lourde partie de la population dont les maigres pouvoirs étaient scellés sur Terre. De ce temps, Iris était encore une gamine qui n'avait pas l'autorisation de sortir du Centre, mais elle écoutait ce que les Grande disaient sur la Terre et une centaine d'années plus tard, elle s'y rendit elle-même par pure curiosité. Malgré sa discrétion, l'Histoire de son grand pouvoir fut répandue sur Terre par le bouches à oreilles, et elle parvint à s'échapper avant que les choses ne s'enveniment.

Aujourd'hui, des centaines d'années plus tard, l'attaque et la chasse des sorcières n'était plus qu'un vieux mythe et avait inspiré une célèbre écrivaine Anglaise dans une saga appelée Harry Potter, popularisant une version altérée de ce qu'étaient véritablement les sorcières.

Mais son mythe à elle avait été réécrit par un certain Japonais, et elle n'avait jamais eut l'occasion de le feuilleter. C'était donc dans cette simple optique qu'elle se rendit sur Terre. Depuis quelques temps, le Royaume des Sorcières était devenu bien morne, et elle devait s'occuper.

Ses renseignements la menèrent dans la ville de Seikusu, près de la mer et de la capitale Tokyo. Elle se balada pendant un certain temps dans la ville, ne sachant où trouver la bibliothèque où se trouvait son livre et totalement absorbée dans sa contemplation de ses habitants.

Enfin, elle tomba nez-à-nez face à un immense établissement, et elle sut qu'elle était enfin tombée sur la bibliothèque. Étrangement surexcitée, la belle sorcière pénétra dans le bâtiment, se dirigea droit vers les tables d’accueil et exigea le livre sans préambule. Devant la consternation de la dame qui tenait l’accueil, Iris revit sa tactique à la baisse et se rappela de la place des formules de politesse dans ce monde. Elle prit donc un air contrit propre aux humains et reprit :

-Excusez moi, vraiment. C'est un livre que je dois acquérir de toute urgence et je suis très pressée... Vous savez ce que c'est, les études...

Pas vraiment rassurée, la femme tapa quelque chose sur un clavier et lui indiqua le chemin. Un grand sourire transforma le visage de la sorcière et elle partit dans la direction indiquée, sûre de son pas.

Lorsqu'elle arriva enfin à l'étage supérieur, elle se mit à chercher son livre par ordre alphabétique, mais se trompa certainement plusieurs fois car elle retomba sur la lettre A par trois fois sans s'en rendre compte.

Un peu contrariée, elle se releva pour observer les alentours et repéra un jeune homme qui se trouvait non loin de là. Se parant de son sourire le plus enchanteur, elle se dirigea vers lui et lui demanda de sa voix chantante aux drôles accents :

-Bonjour à vous ; je cherche un livre du nom de...

Ces yeux tombèrent sur le livre relié qu'il tenait entre les mains, et elle s'arrêta au beau milieu de sa phrase. C'était le livre qu'elle cherchait.

Se creusant la tête pour trouver une expression Japonaise polie pour récupérer son livre, elle continua :

-Justement, il s'agit du livre que vous tenez entre vos mains ! Puis-je le feuilleter ?

C'était tout juste si elle ne lui arrachait pas des mains.

Elle jeta un coup d’œil sur la page ouverte et fronça les sourcils. Depuis quand avait-elle un balais et un bout de bois pour exercer son art ?

Chez elle, pour voler, on utilisait un tapis.

Cela faisait maintenant quelques jours, peut-être quelques semaines même, que le jeune homme avait commencé sa quête. Loin d'être une quête héroïque, devant alors libéré une princesse d'un dragon maléfique, Senri était juste en quête de réponse. Des réponses qu'il devait trouver pour ne pas laisser toutes ces questions l'envahir et le consumer. Les derniers évènements de sa vie avait laissé bien des interrogations et il ne pouvait laisser les choses ainsi. Ce n'était pas dans sa nature. Pour cela, le jeune homme avait fait la seule chose qu'il pouvait faire : se renseigner partout où il le pouvait. Il avait farfouillé sur Internet et avait cherché dans quelques bouquins, mais il fallait différencier le vrai du faux. La fantaisie de la réalité. Une tâche bien difficile qu'il n'avait jusque là pas réellement réussir à accomplir ou du moins, qu'il n'avait pas vraiment pu accepter, après tout, comme savoir si cela était bien réel ?

Aujourd'hui, le jeune homme avait suivi une autre piste. Enfin, l'une des innombrables. Senri s'était rendu à la bibliothèque, comme souvent ses derniers temps, et s'était rendu directement dans la section sorcellerie et autres fantaisies de ce style. Il avait d'abord prit un livre, le feuilletant pour le reposer ensuite, certain qu'il n'y trouverait rien dedans. Il répéta l'occasion et reposa au total trois livres avant de tomber sur un qui semblait déjà plus intéressant. Il le feuilletait depuis déjà quelques minutes et le style de l'auteur l'avait captivé, le forçant alors à le lire davantage. Enfin, il l'aurait fait si quelqu'un n'avait pas fait irruption. Une jeune femme venait d'arriver et cherchait également un livre, visiblement sans succès. Elle n'avait alors pas tarder à l'interpeller avant de lui demander un livre. Enfin, c'est ce qu'elle avait sans doute prévu de faire mais elle s'était arrêté net en voyant qu'il tenait le livre qu'elle recherchait. Quelle ne fut pas la surprise de Senri quand elle lui demanda de le feuilleter. Quelle audace. Prenant le temps de la détailler, le jeune homme finit par soupirer et lui tendre le libre tout en répondant.

Allez-y, mais vite. J'aimerais bien le lire aussi. Il m'a l'air plutôt intéressant.

Il attendit alors qu'elle ne prenne le livre en question tout en continuant de la détailler discrètement. C'était une belle jeune femme mais elle dégageait quelque chose d'étrange. Un étrange sentiment de malaise ? Non, c'était autre chose. N'arrivant pas à mettre le doigt dessus, il écarta l'idée de trouver la réponse à cette question, pour l'instant du moins. Il reprit alors la parole rapidement.

D'ailleurs, il a l'air de vous intéresser aussi. Je peux savoir pourquoi ?

Apparemment, sa technique avait marché. Elle jeta un coup d’œil intrigué à l'homme qui était tombé sur son livre, se demandant ce qui avait pu le mener là. Il était grand, légèrement plus qu'elle qui dépassait déjà la taille normale, et il avait l'air en bonne forme physique. Même si elle savait que son histoire pouvait être des plus passionnante, elle se demandait comment un simple humain inconscient pourrait bien en comprendre une traître mot.
La sorcière se prit à observer un instant la surface de ses pensées, et elle fut étonnée de voir qu'elles n'étaient pas aussi calmes que l'homme lui-même.

Mais là n'était pas la question, et elle détourna son attention de l'humain pour lire un extrait du livre. Qu'avait-on pu raconter à son sujet ? Il faudrait qu'elle fasse une copie de ce livre, à moins qu'elle ne puisse le prendre définitivement à cet homme. Si il en valait la peine.

Elle se rendit alors compte qu'il lui adressait la parole et, sans détacher les yeux du livre, répondit :

-Pourquoi ce livre m'intéresse ? Puis elle leva les yeux vers lui, étonnée, comme si elle s'adressait à un imbécile. Et bien, parce qu'il raconte ma vie ! Pour quelle autre raison m'intéresserait-il ?

Elle soupira, légèrement agacée, et continua sa lecture, sans se rendre compte qu'un humain normal se serait certainement senti moqué et n'aurait certainement pas apprécié.

D'après ce que racontent les sources, la Sorcière Ipris était peu puissante à son arrivée sur Terre. Elle resta longtemps dans l'ombre, se cachant dans de multiples villages et étant obligée de changer d'identité régulièrement. Mais la sorcière, revancharde, s'accrochait à son maigre pouvoir et...

La sorcière Ipris ? Etait-ce bien d'elle que parlait le livre ? Elle fronça le sourcils. La suite ne concordait pas, même si les dates étaient globalement vraies. Elle ne se serait jamais abaissée à vivre avec les humains pour récupérer du pouvoir... Cela n'avait aucun sens. Elle émit un bruit de mécontentement.

Elle prit un autre passage au hasard vers le milieu du livre et lu le début d'un autre chapitre.

Le mal se répand.

La sorcière frappa alors dans de multiples villages du Japon profond, déchaînant sa cruauté. Ainsi, de nombreux villageois périrent face à des incendies dont le déclenchement était plus que douteux, et quelques temps plus tard une terrible maladie contagieuse qui s’abattit sur les contrées, provoquée par la Sorcière tueuse.
Un épisode relate aussi son apparition à Gokayama, où elle décima la récolte annuelle des rizières par un tour connu d'elle seule avant de s'enfu...

Avec un rire ironique, Iris coupa court à ce passage tout aussi truqué. Elle, détruire des rizières et déclencher des incendies ? Certes, elle n'était pas totalement innocente de la maladie bubonique-, ayant grandement contribué à sa création sur des rats de laboratoire – du moins les ancêtres de ceux d'aujourd'hui-, mais elle n'avait jamais été chargée de les surveiller et leur fuite n'était certainement pas de son du.

La fin était pire encore : l'auteur racontait qu'elle mourrait dans d'atroces souffrance quelque part en Occident, en Angleterre précisément, brûlée vivante sur un bûcher humain.Elle ferma le livre d'un claquement, déçue. Il ne s'était même pas écoulé une minute et elle releva la tête vers l'humain.

-Sottises ! C'est moi qui devrais brûler ce livre, bougonna-t-elle soudain.

Surpris, c'était le mot. Surpris et sceptique. Voila les deux mots qui définissaient le mieux l'état d'esprit du jeune homme. La jeune femme, en face de lui, avait été pour le moins étrange. Quand Senri avait demandé pourquoi elle s'y intéressait, elle avait répondu que c'était parce que ce bouquin parlait de sa vie. Sur le coup, le jeune homme ne sut s'il devait éclater de rire ou appeler une ambulance. Était-elle sérieuse ? Plaisantait-elle ? Difficile à dire. De son attitude, elle semblait sérieuse. Elle croyait alors vraiment à ce qu'elle disait ? Difficile à dire. À moins qu'elle ne se moque de lui et là... Le jeune homme serait quelque peu contrarié.

Patient, le jeune homme croisa les bras, se laissant taper du pieds régulièrement en attendant qu'elle ne finisse son feuilletage. Lorsque, enfin, elle referma le livre. Non content d'exiger, ou presque, un bouquin, elle en critique le contenu et parla de le bruler. Quelque peu agacé, le jeune homme attrapa le livre et le prit de ses mains, l'arrachant presque de ses mains. Enfin, elle n'avait vraiment opposé de résistance alors ce n'était pas bien difficile. Le regardant à son tour, il le retourna pour le mettre dans le bon sens et l'ouvrit pour le feuilleter un peu. Vraiment, il ne voyait pas ce qui pouvait être aussi épouvantable. Gardant le livre toujours ouvert, il releva les yeux et prit alors la parole d'un air suspicieux.

Et pourquoi brûler ce livre ? Il m'a l'air très bien moi.

Tournant quelques pages, il relit silencieusement quelques pages avant de relever les yeux. Apparemment, son interlocutrice était toujours là. Bizarre. Pourquoi ? Si ce livre ne lui plaisait pas, pourquoi elle restait là, plantée devant lui ? Qu'importe, Senri avait autre chose à penser pour le moment. Son regard se reposa sur une ligne qui semblait décrire les capacités communes des sorcières. Lisant avec un peu plus d'attention, il finit par poser son doigt sur la ligne en question et ajouta alors, presque enthousiaste.

Là, par exemple, il décrit bien ce que cette sorcière pouvait faire. Comme beaucoup d'autres sorcières apparemment. Moi je trouve ça bien, c'est exactement ce que je recherchais. Sur ce. Je vais le lire plus attentivement. Bonne journée à toi.

D'un coup, bien que doucement, il referma le livre et s'excusa auprès de son interlocutrice pour aller prendre place à une table. Il savait que ce n'était pas très poli de clore une conversation ainsi mais il s'en moquait un peu. Pour elle qui avait apparemment aucun intérêt pour se livre, la conversation était finie non, et ce, même si elle disait être la personne dont le livre parlait. Ce qui en soi était hautement improbable.

Décidément, les Humains se montraient bien stupides. A moins que ce ne soit ce représentant en particulier qui montrait une ignorance excessive et une non-réaction à ce qu'elle lui disait. Comment osait-il ne pas l'écouter et partir, cette abomination en main, pour lire une histoire sans queue ni tête qui avait été retapée et presque totalement imaginée, usurpant son nom ? Elle ne pouvait pas croire qu'on gobe ces sottises.

Iris observa l'homme s'éloigner vers la table, coupant court à leur discussion. Elle n'était pas le moins vexée du monde par l'arrêt brusque de leur conversation, même plutôt par le fait qu'il préférait s'intéresser à ce maudit bouquin plutôt que de croire ce qu'elle lui en disait. Et elle voulait finir sa lecture, peut être retrouver l'auteur pour lui poser elle-même ses questions.

Malheureusement, elle oubliait souvent que les règles n'étaient pas les mêmes ici que sur ses terres d'origines. Chez elle, chacun connaissait la puissance des autres, et hiérarchiquement personne ne désobéissait à quelqu'un de puissance supérieure, du moins pas de cette manière. On pouvait dire ce que l'on pensait, mais jamais aller physiquement à l'encontre de ses désirs. Et elle avait l'habitude d'être obéie.

Elle fronça légèrement les sourcils. Elle se rendit compte que cet homme l'intriguait plus qu'elle ne le pensait.

S'approchant lentement de la table où il était assis, elle asséna :

-Pourquoi croirais-tu plus un stupide livre qu'une personne … réelle ? Et ce n'est absolument pas hautement improbable que ce livre parle de moi. C'est la vérité, humain.

Son ton était beaucoup plus intrigué qu'en colère. En réalité, elle pouvait très facilement reprendre le livre, par de nombreux moyens ; attirer le livre à elle, le téléporter dans un endroit plus propice, ou bien tuer, blesser d'une quelconque manière l'homme qui l'empêchait d'y avoir accès.

Ces idées lui vinrent naturellement, car dans sa société, c'était pas la puissance et l'intelligence qu'on s'exprimait. Mais chez elle aussi, où une telle situation n'aurait jamais eut lieu, elle ne se serait jamais rabaissée à utiliser sa force pour convaincre quelqu'un, encore moins contre un pauvre humain inoffensif.

De plus, elle préférait observer son comportement pour l'instant. Le livre pourrait attendre.

Sur ce, elle se rapprocha un peu plus de l'homme, sans pour autant s'asseoir à sa table. Son regard effleura la page ouverte du livre, qui expliquait les sorcière pouvaient faire.

-Ce qui est écrit là est totalement faux. Les pouvoirs des sorcières ne se trouvent pas dans une baguette de bois, même si certaines ont eut la fantaisie de tester ce support, jadis. Personnellement, pour l'avoir déjà essayé, c'est très aléatoire et surtout dangereux car incontrôlable. D'ailleurs, ça ne marche pas souvent. Elle pointa du doigt un passage. Et cette stupidité sur les malédictions est particulièrement écœurante. Une malédiction ne s'effectue pas en égorgeant sauvagement quelques poulets. C'est bien plus complexe.

Songeant un instant aux différentes méthodes de malédictions et autre prédictions, ses yeux se perdirent dans ceux de l'humain, d'une couleur d'un bleu si sombre qu'il virait presque au violet. Puis elle secoua légèrement la tête et attendit une quelconque réponse de la part de l'inconnu.

Senri s'était assis en pensant pouvoir lire le livre en question tranquillement, hélas, il s'était lourdement trompé. Son interlocutrice ne semblait vouloir mettre fin à la conversation. Non, elle l'avait même relancé en lui demandant pourquoi il croyait plus un stupide livre qu'une personne réelle. Question un peu stupide, peut-être au moins que ce livre. Dans l'idée, un livre était écrit par une personne tout aussi réelle qu'il pouvait l'être. Alors pourquoi faudrait-il accordé plus d'importance aux propos d'une personne qu'à une autre ? C'était ce qu'avait pensé répondre le jeune homme avant de l'entendre rajouter qu'elle était la personne dont parlait le livre. Elle venait de perdre toute crédibilité, si tenté en avait-elle eu à un moment.

Soupirant un peu, pas vraiment agacé mais plutôt perplexe, ne sachant sur quel pied danser, le jeune homme hésitait entre mettre fin à la conversation d'une manière brutale ou en l'écoutant et répondre une bonne fois pour toute à ses élucubrations. Feuilletant une page, celle-ci ne tarda pas à être démonté par la jeune femme qui, encore une fois, voulait donner l'impression de s'y connaitre. Finalement, la décision du jeune homme était prise. D'un coup, toujours aussi rapide bien que doux pour ne pas l'abîmer, Senri referma le livre et se tourna vers son interlocutrice avant de dire non sans avoir inspirer un bon coup.

Bon, vu que visiblement vous semblez avoir tant à dire, je vous écoute.

C'était la seule solution. L'écouter et voir ce qu'elle avait à lui dire, après tout, écouter le discours d'une femme venue de nulle part ne pouvait au pire que lui faire perdre une demi-journée. Mais bon, après tout, il avait le temps non. D'autant plus que d'un certain côté, rien ne disait que ce bouquin était véritablement bon et qu'il l'aiderait. Pire encore, elle avait raison d'un certain côté, le coup des poulets ne faisaient pas apparition dans un autre livre que le jeune homme avait lu quelques jours avant. Difficile de savoir où était le vrai du faux. Enfin pour l'heure, il allait l'écouter un peu plus. Lorgnant sur le livre et son titre, le jeune homme reporta son regard sur son interlocutrice et reprit rapidement.

Bon, alors, Ipris. C'est comme ça que vous vous appelez du coup ? Racontez moi, si vous ne tuez pas de poulet, que faites-vous ? Expliquez moi, je suis curieux. Je veux savoir.

Sa voix avait sonné plus provocante qu'il ne l'avait d'abord voulu, mais ce n'était qu'un détail, enfin, espérons le. Dans le fond, il n'était vraiment pas convaincu de la véracité des propos de son interlocutrice et même s'il avait commencé à douter des mythes et des légendes et par conséquent des hypothétiques existences de créatures ou simplement de sorcières, le jeune homme ne pouvait pas croire la première folle qui passait par là. Folle ou hystérique qui y croyait réellement suite à un petit trouble psychologique. Il fallait juste attendre pour voir.

Apparemment, son petit monologue avait capturé l'attention de l'inconnu, qui ne semblait pas réellement convaincu. En réalité, cela n'avait pas d'importance pour la sorcière ; mais elle n'avait pas l'habitude de se retrouver face à un être ignorant tout de son monde, ou du moins de sa réelle existence.

Mais n'était-ce pas ce qu'elle cherchait sur Terre ? Des êtres ignorants et naïfs ? N'était-ce pas ce qu'elle aimait par dessus tout ?

Bien sur que oui.

Cependant, ces pensées ne résolvaient pas la question. Ici et maintenant, son but n'était pas vraiment déterminé. Voulait-elle seulement le livre, maintenant qu'elle était là, ou bien l'humain en supplément ?

Il y eut un silence, le temps qu'elle prenne sa décision. Elle jaugea l'homme d'un autre regard, plus critique et scrutateur, comme on juge d'un coup d’œil une salade sur le marché. Peut-être était-ce l'impression qu'elle donnait, debout, le regard baissé vers l'humain. Il était attirant, elle ne pouvait le nier. Mais valait-il le coup ? Serait-il assez intéressant et réceptif pour ses pensées si étrangères aux Hommes ?

Elle pressentait que oui. De toutes manières, si il la décevait, elle n'aurait qu'à le ramener dans sa réalité et aller voir ailleurs.

Elle eut un drôle de sourire, mi-carnassier, mi-amusé. Étrange mélange. Mais un mélange franc, du moins.

-Tu ne me crois pas le moins du monde, n'est-ce pas ? Bon, je ne m'appelle pas Ipris, mais Iris. Déformation d'usage. On pourrait bien traduire par Malédiction le terme que l'on emploi dans notre langue. D'où l'accent. Mais les malédictions sont en général données par des Sorcières spécialisées dans ce domaine, qui sont en fait chargées du jugement lorsque l'une de nous commet un crime envers les Lois. Elles ont beaucoup de pouvoir.

Elle fronça légèrement les sourcils, une main appuyée sur la table dans un léger déhanché. Elle n'avait plus envie de parler de cela, et encore moins de raconter comment fonctionnait sa société. Cela la dérangeait de parler ainsi de ses coutumes, dans une vulgaire bibliothèque humaine.

-Alors, que puis-je faire pour que tu me croies plutôt que ce maudis bouquin ? Vas-y ; innoves, penses à quelque chose d'impossible et qui dépasse ton esprit d'humain. Y arriverais-tu ?

Elle plongea une nouvelle fois son regard dans celui de l'homme au nom inconnu. Il ne devait rien comprendre à son charabia, ni son raisonnement, et encore moins à quoi elle voulait en venir. Mais c'était son jeu, et elle trouvait amusant de le voir déboussolé, alors elle continua à l'observer de son sourire mystérieux, se demandant ce qu'elle pouvait bien espérer d'un humain.

La réponse n'avait pas tardé et il fallait l'avouer, elle avait été un peu décevante. Non. Pas vraiment décevante, juste, différente. Senri s'était attendu à autre chose. Quoi ? Bonne question. Il s'était attendu à autre chose, voila tout. Après tout, il n'avait eu que peu d'information, voire aucune. Il avait juste après qu'elle s'appelait Iris et non Ipris. Enfin, supposément, car après tout, elle pouvait être aussi bien Iris la sorcière que Roberta la postière. Au final, rien ne prouvait ses propos. Partant du principe qu'elle ne mentait pas sur ça, le jeune homme avait écouté la suite, plus sceptique qu'autre chose. Les Malédictions seraient donc une branche à part ? Difficile à imaginer. Quant à cette histoire de jugement, Senri avait tout simplement du mal à imaginer une espèce de tribunal pour sorcière. Il ne doutait pas de ça, après tout, c'était possible, mais l'imaginer et l'accepter tel quel était une chose bien plus difficile.

Toujours sceptique, le jeune homme essayait malgré tout de ne pas paraitre trop refermé aux propos de son interlocutrice. Même s'il doutait forcément, il ne pouvait non plus ignorer ses propos et adopter la même attitude qu'un docteur adopte quand il parlait à une folle. Non, d'un certain côté, son esprit répétait encore : "et si c'était vrai ?". Mais ce n'était qu'une infime partie de lui et pour l'heure, seul son esprit critique œuvrait. Une autre part de lui qui allait devoir se mettre de côté pour laisser place à son répondant et à son esprit créatif visiblement. En effet, la jeune femme, non sans avoir plongé son regard dans le sien, venait de le mettre au défi. Un défi étrange, tout comme le reste de cette rencontre d'ailleurs. Iris venait de lui proposer de lui demander de faire quelque chose qui lui accorderait plus d'importance qu'au livre. En somme, elle voulait lui montrer ses pouvoirs ? Tiens donc.

Intéressé, le jeune homme la regarda alors avec plus d'intensité. Son esprit s'éveillait et une nouvelle vague de question lui venait en tête. Qu'allait-il demander ? Pourquoi proposait-elle ça ? Quelle était encore cette façon de parler ? Vite submergé par ces questions, le jeune homme fit un balayage rapide pour mettre les choses au point. Écartant la drôle de façon qu'elle avait de parlé, l'associant à son rôle, si cela était bien un rôle, le jeune homme se pencha sur la question suivante : Que pouvait-elle faire pour lui montrer la véracité de ses propos ? Une réponse simple était comme faire bouger un stylo, allumer un feu, enfin, quelques conneries du genre, mais elle voulait de l'originalité, de la grandeur. Non ? Senri n'allait pas lui demander de tuer tout ce qui bougeait, ou de changer l'eau en vin. Un tour ridicule, n'est-ce pas ? Finalement, après quelques minutes et face à toutes les possibilités, le jeune homme eut une première idée. Il ne savait pas si cela était possible, mais après tout, c'était le but non ? Voir si elle était réellement capable de chose ou non.

Très bien, sorcière.

Un mot qu'il avait employé en toute connaissance de cause. S'il doutait encore que ce soit vrai ou faux, il avait surtout usé de cette nomination pour balancer avec le fait qu'elle s'amusait à l'appeler "Humain".

Si tu veux que je t'accorde plus d'importance que ce bouquin, il faut que tu me montre ce dont tu es capable. Mais tu ne vas pas le faire là n'est-ce pas ? Que dirais-tu alors de nous emmener ailleurs ? Cela devrait être dans tes cordes non ? Nous emmener dans un endroit plus sure, à l'abri des regards indiscrets.

Iris observa l'humain alors qu'il réfléchissait frénétiquement à ce qu'elle venait de lui annoncer et à la proposition qu'elle venait de lui faire. Il semblait ne pas pouvoir décider entre ce scepticisme typiquement humain qui lui soufflait qu'elle ne lui disait pas la vérité, et l'envie profonde de la croire.

Il sembla faire rapidement son choix, pensant qu'il n'aurait de toutes manières rien à perdre. Enfin, c'était ce qu'elle parvenait à conclure de son raisonnement d'après ce qu'elle savait de la race Humaine. Ce n'aurait certainement pas été le sien mais elle ne dit rien et attendit impatiemment sa réponse.

L'emploi de ce surnom sonnait étrangement à son oreille et son ironie non-cachée la fit sourire. Peut-être ne s'était-elle pas trompée sur la personne. Mais il était encore trop tôt pour en décider.

Il enchaîna par sa proposition. Soudain redevenue sérieuse, Iris lui jeta un regard où se mêlaient gravité et curiosité. Comme le génie d'Aladin, elle lui avait proposé de réaliser un tour de magie de sa fantaisie. Il aurait pu choisir quelque chose à son avantage, que se soit de l'argent, des biens, ou quelques réussite personnelle. Mais rien de cela. Il lui demandait là une démonstration vraie de vraie, quelque chose d'assez original en soit.

Cependant, elle était un peu déçue. Elle aurait adoré qu'il lui demande de réduire un immeuble en cendre, ou bien de séparer la mer en deux, comme le racontait une des croyances humaines. Elle devrait se contenter de transporter l'inconnu dans un autre lieu.

Mais où ?

L'idée lui vint tout naturellement, et cela excita un peu plus encore son tempérament. Un autre sourire n’acquit sur ses traits.

-Ca me paraît être une très bonne idée, humain dont-je-ne-connais-pas-le-nom.

Alors la sorcière plongea son regard dans le sien, et son attention se concentra entièrement dans ses deux pupilles qui la regardaient avec un scepticisme franc. Cette attention qu'elle lui portait était pratiquement palpable.

Pas à pas, avec une lenteur exaspérante, elle s'approcha de lui, envoûtante. Enfin, elle arriva à sa taille, lui toujours assit. Sans quitter son regard, elle tendit la main vers le livre laissé ouvert et l'attira à elle, le coinçant sur son bras. Pas question de l'oublier ici. De sa main gauche, elle entoura le poignet de l'humain.

A ce contact, des images arrivèrent instantanément à son esprit, qu'elle ignora par automatisme. C'était ce que provoquait un contact entre deux êtres de races différentes pour les sorcières aussi douées qu'elle.

Sûrement l'esprit de l'humain réagit-il à ce contact, mais la voix de la sorcière du rompre ses pensées.

-J'espère que tu ne le regretteras pas, lui souffla-t-elle avec un clin d’œil avant qu'ils ne disparaissent de la pièce.

Vu d'un grand lit à baldaquin

L'endroit dans lequel ils atterrirent n'était pas vraiment situé sur Terre.

Ni vraiment chez les Sorcières.

C'était un entre-deux mondes, coincé dans une vaste Chambre magique.

Il faut savoir que les sorcières ont la capacité de créer ce qu'elles appellent des Chambres intra temporelles, permettant pour les plus puissantes de voyager dans d'autres galaxies. Seulement pour ce faire, elles doivent respecter à la lettre d'innombrables conditions d'utilisation, la création d'une Chambre n'étant pas dénuée risques. La plupart ne s'y aventurent pas ou utilisent des chambres fabriquées par d'autres sorcières qu'elles.

Ce n'était pas le cas d'Iris. Pour sa part, elle avait tout fabriqué elle-même, ignorant effrontément les conditions à respecter. Ainsi, la Chambre allait au grès de ses envies, la sorcière adaptant sa décoration aléatoirement et en fonction de sa folie imaginaire. Aujourd'hui, la Chambre avait un certain style arabe, dans un espace ouvert où la température était chaude et exquise. Un grand mur faisait face au paysages, tapissé de dizaines de tiroirs dont certains étaient ouverts, dévoilant toute sortes d'objets entassés et qui n'appartenaient pas au monde des humains.

La vue que la Chambre offrait aujourd'hui n'était même pas réelle. Mais Iris l'avait si bien conçue et imaginée qu'on aurait pu avoir envie d'escalader la barrière pour s'enfoncer dans le paysage envoûtant.

-Qu'en dis-tu, humain?

Pour prouver qu'elle était bien une sorcière, la jeune femme devait les emmener dans un endroit plus discret. À ce moment, Senri avait bien sur pensé à un petit coup de téléportation, un pouvoir qui l'avait toujours fasciné et qu'il rêvait de posséder dans ses rêves les plus fous. Évidemment, son scepticisme le voyait déjà en train de juste marcher ou d'être dans une voiture qui le mènerait ailleurs. Mais non, l'idée de téléportation avait bien lieu. Il n'avait fallu que quelques secondes et rien de plus qu'un silence pour que cela se produise.

En un instant, le paysage avait changé et le jeune homme n'aurait pu définir la sensation. Avait-il des petits gazouillis dans l'estomac ? Avait-il vu le décor se fondre dans un nuage de couleur aussi étrange qu'artistique pour devenir ce qu'il avait maintenant sous les yeux ? Impossible à dire. Cela n'avait duré qu'un clignement d'œil et il avait fallu que le jeune homme ne cligne justement des yeux à ce moment là. Enfin, qu'importe. Arrivé dans un lieu qu'il n'aurait pu nommé, le regard de Senri se perdit rapidement devant la pièce dans laquelle il se trouvait. D'atmosphère Milles et une nuit, la pièce ressemblait étrangement à une chambre hormis quelques détails. La première, le manque de porte. Malgré la présence d'une terrasse donnant sur un paysage pour le moins magnifique, il n'y avait aucune porte et le petit doigt du jeune homme lui disait que c'était normal. Cet endroit ne devait être accessible que par la téléportation, sans doute.

Assis sur un grand lit à baldaquin qui semblait des plus confortables, digne d'accueillir les plus grandes orgies, Senri se releva rapidement pour faire le tour de la pièce. Des tapisseries ornaient les murs. Des meubles étaient placés ici et là, les tiroirs de ceux-ci probablement remplis de bien des choses.   Certains d'entre eux étaient à moitié ouvert, dévoilant alors un contenu tantôt basique tantôt érotique. Des choses que le jeune homme ne pouvait qualifier ou des choses qu'il ne pouvait que remarquer. Toujours curieux, observateur, il avait continué sa petite visite. Il regarda un miroir avant de s'en détourner pour poser ses doigts sur le bois finement travaillé d'un meuble et en suivre les tracés décoratifs du meuble. Se tournant alors vers son interlocutrice, il répondit enfin, ne pouvait répondre d'aucune autre façon.

J'en dis que je trouve ça... Remarquable. J'admet que tu n'es peut-être pas aussi folle que je le pensais.

Un léger sourire ornait ses lèvres. Jouait-il encore ? Peut-être un peu. Mais une nouvelle part de son esprit voulait le rappeler à l'ordre, le mettre ne garde. Si elle disait vrai, si elle était vraiment une sorcière, alors il fallait peut-être ne pas trop se moquer d'elle. Peut-être détesterait-elle son audace. Sa manière de parler, son attitude. Préférant ignorer ces quelques pensées, le jeune homme reprit doucement sa petite exploration, allant près d'un autre meuble, caressant du bout du doigt certains objets qui dépassaient. Leur forme était reconnaissables, en revanche, il doutait soudainement de leur utilité. Se détournant de ceux-ci, le jeune homme reprit finalement.

Ce qui voudrait dire que tu es réellement une sorcière, hm ? Ce qui veut dire que j'aurais beaucoup de question à te poser.

Comme depuis quelques minutes déjà, il évaluait, il jaugeait. Que ce soit l'endroit, les meubles que son interlocutrice elle-même. Il l'avouait sans mal, il la regardait d'un œil nouveau. Si auparavant il la considérait comme une folle, maintenant, il pouvait la considérer comme une source d'information. Peut-être avait-elle les réponses qu'il cherchait. Mais pour l'heure, une autre curiosité le poussa. Doucement, il ouvrit un tiroir et trouva quelque chose qui l'intrigua au plus haut point. Dans ce tiroir, il y avait une collection de bâillon qui disait devant lui. Divers, variés, tous plus excitants les uns que les autres. Un peu surpris de trouver cela, il plongea ses doigts dans le tiroir et caressa toujours un peu plus les objets qui s'y trouvaient. Attrapant la lanière d'un ballgag, il le sortit du tiroir et le laissa pendre au bout de ses doigts tout en se tournant vers elle pour rajouter.

La première est de savoir pourquoi il y a autant d'accessoire dans ces tiroirs. Tu m'explique ?

Iris regarda avec intérêt l'humain détailler la pièce dans laquelle elle l'avait téléporté. Il ne semblait étrangement pas très étonné par le changement de lieu et sa démonstration magique. C'était étrange.. Elle avait emmené quelques humains par ici – bien que ce fut très rare – et à chaque fois, ils avaient été bouleversé au point de ne souvent pas vouloir la croire. Le dernier homme a être venu ici s'était évanoui sur la literie et elle s'était vue obligée de le ramener sur Terre. Elle l'avait d'ailleurs abandonné au fond d'une ruelle sale et s'en était revenue chez elle, un peu déçue.

Cependant, l'homme qu'elle avait emmené aujourd'hui paraissait certes quelque peu ébranlé, mais pas si étonné qu'on aurait pu le croire. Il tournait lentement sur lui-même, détaillant chaque parcelle de la pièce avec un intérêt non feint.

Enfin, il s'arrêta de tourner pour ce placer droit devant elle. La tête légèrement penchée, la sorcière ne le lâchait pas du regard, un grand sourire aux lèvres. Il lui évoquait une petite souris à qui on ouvrait enfin les barreaux de sa minuscule cage et qui s’aventurait à l’extérieur, un peu hésitante, le nez reniflant frénétiquement les alentours.

La sorcière, appuyée sur un pan du lit, écouta ses paroles sans rien dire. Puis, au bout d'un court silence :

-Des questions ? Il me semblait que tu avais eu ton quota de réponses pour aujourd'hui, cher invité.

En effet, les réponses qu'elle lui avait fournies tout à l'heure semblaient déjà un énorme cadeau qu'elle ne donnait certainement pas à tout le monde. Sentant l'attention du visiteur piquée à vif, elle reprit :

-Mais pour te faire plaisir, voilà ma réponse à ta première question : c'est un humain qui me l'avait offert, il y a quelques années de cela. Les autres sont de ma fantaisie. C'est très inventif comme méthode pour se procurer du plaisir. Elle fit une pause et dit : Bien. A partir de maintenant, si tu veux des réponses, tu te doutes qu'il va falloir les mériter.

Son ton était badin, comme on annonce que le temps est gris et que l'on va devoir rester chez soi toute la journée. Enfin, elle se détacha du lit, faisant tournoyer plusieurs voiles à son passage. Sans quitter des yeux l'humain, elle se plaça en face du lit, face à son invité. Maintenant qu'elle observait ses sentiments autant que sa posture et son visage, elle lui trouva un air de défi, comme si il pouvait lutter contre elle, quelque part. Comme si il n'avait pas peur d'elle. Elle trouvait parfaitement attendrissant.

Ayant son entière attention, elle continua alors :

- Maintenant que tu es ici, c'est à moi que tu devras obéir, Senri Dokkyo. Ici, je suis toute puissante. Rien ne peut entrer, rien ne peut sortir, rien ne peut vivre sans ma permission.

Elle ne se ventait pas en disant cela, car c'était la pure et simple vérité. Ici, c'était comme un prolongement de sa personne, comme un bras ou un organe de son corps. Et le fait qu'elle connaissait son nom n'était pas anodin, cela faisait aussi partie de ses pouvoirs que d'avoir accès à ce genre d'information. Mais elle n'en avait pas abusé pour lui, trouvant plus intéressant de le découvrir selon les usages humains, par la parole.

Alors qu'elle prononçait ces mots, elle s'approcha doucement de lui qui se tenait bien en face du lit, posa ses mains contre ses deux épaules et le poussa doucement en arrière, avec un force plus que douteuse. Le lit s’affaissa légèrement sous le poids, moelleux. S’installant à cheval sur son corps, les jambes de part et d'autre de ses reins, elle leva les bras et un filet de lave compact et étrangement froid vint s'enrouler autour de la taille de l'homme, le rendant dans l'incapacité de bouger. La sorcière se pencha et récupéra le ballgag qui s'envola doucement vers un tiroir déjà ouvert.

Ses penchant encore plus en avant, elle plongea son regard dans celui de l'humain. Bien que son sourire eut disparu, une lueur invincible d'amusement brillait encore dans ses yeux. Elle avait reprit son apparence normale, son regard étant maintenant d'un violet envoûtant et ses cheveux cuivrés reprenant une couleur presque semblable à celle de ses yeux.

-Est-ce bien clair ?

Un humain qui lui avait offert ? Amusant. Lui avait-il offert autre chose ? Comme son corps, ou son âme ? D'ailleurs, les sorcières volaient-elles les âmes des humains ? Difficile de deviner. Qu'en feraient-elles ? Décidément, une question en entrainait toujours une autre si bien que le jeune homme avait pour l'heure une multitude de question en tête. Se faisant violence pour ne pas les énoncer les unes après les autres, il écoutait le reste de la réponse et ne put que sourire un peu. Tout le reste était de la pure fantaisie, visiblement là par sa seule envie pour se procurer du plaisir. Amusant. Ainsi donc même les sorcières succombaient au pêché de la luxure. Qui pouvait y résister ? Au final, la luxure était un gêne associé à la survie non ? La survie de l'espèce pour être plus précis. Enfin, le jeune homme n'avait pas la tête de se plonger dans toute une théorie.

D'autant plus que maintenant, le jeune homme avait un intérêt tout autre. Son interlocutrice venait d'énoncer que toute nouvelle réponse devrait être mérité ? Surprenant. Quelle était cette idée de négociation ? Ne voulait-elle pas prouver ses dires ? Enfin. Ce n'était qu'un détail, encore. La jeune femme, ou plutôt la sorcière venait encore de monter d'un cran dans l'intérêt que Senri pouvait lui accorder. Comment connaissait-elle son nom ? Difficile à dire. Mieux encore, elle énonçait une vérité qui le mettait dans une situation peu enviable. Il n'avait aucune idée de comment s'en aller d'ici et cela ne dépendait au final que de son bon vouloir. Hum, intéressant. Malgré la situation qui s'annonçait désastreuse pour lui, le jeune homme ne put réprimer un léger frisson qui vint se loger contre sa nuque. Pourquoi son esprit se tournait-il vers quelque chose de totalement libidineux ? Ce n'était clairement pas le moment. Quoique ?

En un instant, il fut poussé et rejoint le lit qui le réceptionna avec brio sans le moindre soucis. Allongé, le jeune homme ne put pas même bouger. Tout aussi vite, son interlocutrice, s'était placée au dessus de lui ou plutôt, sur lui avant de lever les mains pour faire apparaitre un lien plutôt solide qui immobilisa le jeune homme. Ce dernier avait tenté, par réflexe, de s'en débarrasser, en vain. Pire, il se demandait en quelle matière était fait cette chose. De la lave ? Froide ? Mais non. Quoique, c'était peut-être une marque de puissance ? Pour lui prouver qu'elle était réellement toute puissante. Un peu comme ce changement d'apparence qui s'opéra chez elle, dévoilant alors un nouveau visage. Le plus voyant était sans doute ses yeux et sa chevelure qui avaient changé du tout au tout. Bien plus troublant, son regard était captivant, hypnotisant. Déglutissant alors qu'elle reprit la parole, il hocha simplement la tête en rajoutant rapidement.

Plutôt oui.

Il fallait bien l'avouer, Senri, face à cette petite démonstration, ne pouvait plus être aussi provoquant que précédemment. S'il avait appris quelque chose avec le temps, c'était bien qu'il ne fallait pas contredire les mauvaises personnes. Mais alors que faire ? Simplement se taire ? Non, ce n'était pas dans sa nature. Il avait toujours été du genre bavard enfin, pas vraiment bavard mais plutôt taquin, lançant quelques mots ici et là. Et malgré la situation, il n'allait pas changer. Gesticulant alors un peu, il finit par souffler tout en la regardant bien que cette fois, il n'y avait pas de provocation dans son regard, juste une lueur d'amusement et d'intérêt.

Mais, et maintenant ? Tu ne m'as pas amené ici, avec toute cette luxure, juste pour me montrer que tu étais toute puissante, hum ?

Il n'était sur de rien mais il ne fallait pas être un génie pour comprendre qu'un petit détail clochait. Si elle voulait juste l'impressionner, elle aurait pu l'emmener ailleurs. Mieux encore, si tout était de sa création, pourquoi avoir tant de chose porté sur la débauche et le plaisir ? Non, il était presque évident qu'elle avait une petite idée derrière la tête. Bien décidé à savoir s'il avait raison ou à lui faire avouer, Senri reprit alors rapidement.

D'ailleurs, si tu compte me garder attacher, tu ne voudrais pas pour me montrer ta toute puissance, trouver autre chose ? Ces liens sont grossiers et peu agréables. Je suis sur que tu peux mieux faire.

Cela sonnait plus comme une provocation. Et flute. Voila que ça lui revenait. Encore et toujours. Il ne restait plus qu'à espérer qu'elle ne prendrait pas ça comme un affront mais juste comme un défi. Oui, un défi, c'était plutôt pas mal comme idée.

La démonstration était tout ce qu'il y avait de plus clair, et le jeune homme le comprit rapidement car il tenta de hocher la tête et articula brièvement son accord. Accord qui, il fallait bien le dire, avait littéralement été arraché à la bouche de l'humain. Mais lorsqu'on invitait quelqu'un dans sa Chambre, on se devait d'être clair sur les conditions de chacun, et maintenant c'était bel et bien clair.

-Bien.

Elle ne s'était toujours pas relevée, observant l'humain avec un intérêt nouveau. Voilà qu'il prenait un ton plus léger, et même si il était dénué de toute impertinence, Senri ne semblait pas si effrayé que ça. Est-ce que les sorcières se faisaient tout un mythe sur la peur des Hommes ou bien, au final, leur peur était semblable à celle des sorcière ? Il faudrait qu'elle mène des recherches là-dessus. Des idées d’expériences fleurirent dans son esprit qu'elle repoussa pour se concentrer sur la situation.

Elle lui fit un grand sourire carnassier.

-Mais c'est que t'es perspicace, en plus d'être un poil trop arrogant... !

Bien installée sur l'humain, les genoux s'enfonçant dans le doux lit moelleux, elle continuait à observer l'homme entortillé entre ses lianes.

Cependant, elle ne lui répondit pas encore. Il ne semblait pas inquiet, mais surtout curieux. Un peu comme elle, somme toute. Elle trouvait cette idée très amusante.

Et le voilà qui la provoquait encore une fois, insinuant maladroitement que sa démonstration n'avait pas été des plus claires et impressionnantes. A moins que ce ne soit une vulgaire tentative d'un quelconque défi.

Apparemment, c'était le genre d'humain qui aimait se fixer des objectifs. Il devait être bien plus perdu sans compréhension de la situation que lorsqu'il avait découvert l'endroit et entendu quelques explications sur la société des Sorcières.

Elle sourit encore sans répondre et se relava doucement avant de sortir du lit, ne le quittant pas du regard. Sa chevelure dansait autour d'elle lorsqu'elle vint se placer juste en face du lit, ses de mains s'appuyant de part et d'autre du sommier.

-La raison pour laquelle je t'ai emmené ici est des plus simples : j'adore les humains. Ils me fascinent.

Son sourire s'effaça un instant, et elle continua :

-Chez nous, les Sorcières ont peur des humains. C'est un vieux mythe, et c'est aussi dû à la Chasse aux sorcières qui en a fait fuir plus d'une. Mais je ne suis pas de celles-là. Les humains sont des créatures bien plus intéressantes qu'on ne se l'imagine.

Sa tirade ne devait pas être forcément très claire pour l'humain, mais elle n'en avait rien à faire.  Ou du moins, ça l'amusait de le voir se poser toutes ses questions sans avoir de réponse.

Elle s'approcha de nouveau.

-Si ces liens sont grossiers, c'est bien voulu. Je ne te pensais pas si stupide pour me provoquer aussi inconsciemment. Je t'avais dis que tu risquais de le regretter.

Au lieu de changer de forme, les liens se forcirent autour du corps de l'humain jusqu'à ce que des marques rougeâtres apparaissent.

-Tout ceci n'a qu'un seul et unique but : mon amusement. Éveiller mon intérêt.

Elle lui tourna le dos et, une seconde plus tard, les liens se desserrèrent pour s'évanouir et disparaître. Le fait qu'elle ne puisse plus voir Senri pouvait donner à l'humain un regain de confiance en lui, comme si elle l'avait à la fois libéré de ses liens et de son regard.

Fixant la vue qu'elle avait imaginé, elle fit naître un doux vent chaud qui s'engouffra gentiment dans le balcon.

-Tu m'as dis que tu avais des questions. A toi de voir si tu es prêt à en payer le prix.

Sur l'instant, Senri n'aurait pu dire si cette situation était agréable ou non. Elle n'était pas à son avantage, c'était évident, mais même ainsi, elle aurait pu tourner d'une agréable façon. Malgré l'étrangeté de la situation et de ses liens, une vérité persistait : il était attaché sur un lit avec une jeune femme à califourchon sur lui. Comment son esprit-il n'aurait-il pu ne pas imaginer des choses bien plus agréables qu'une simple discussion ? Hélas, pour l'heure, cela ne ressemblait qu'à une simple discussion. À peu de chose près.

Iris s'était relevée, rompant alors le contact entre eux pour se placer devant le lit. Incapable de se redresser, le jeune homme s'était alors contenté de baisser les yeux et de redresser accessoirement la tête pour continuer de l'observer. Observer ou regarder. Quelque chose susurrait à l'oreille du jeune homme, lui conseillant de ne pas trop la quitter des yeux. Pourquoi ? Bonne question. Enfin, cela n'avait aucune importance et l'esprit du prisonnier, s'il en était réellement un, était focalisé sur les propos de son interlocutrice. La peur des Sorcières pour les hommes. Bizarre. Senri aurait bien eu quelques questions à ce sujet comme savoir pourquoi des êtres aussi puissants avait peur de simples humains. La Chasse aux sorcières ?  De vieilles histoires qui remontaient du Moyen-Âge. De ce qu'en pensait le jeune homme, on ne savait pas réellement de vraies sorcières avec des pouvoirs mais plus des personnes capables de choses que les autres ne comprenaient pas. Incapables de l'expliquer, on le définissait comme magique et on en avait peur. Il y avait ça et les personnes qu'on voulait simplement éliminer, les accusant de sorcellerie pour les exécuter et libérer le chemin. Enfin, tout cela n'était que des histoires.

Elle ne semblait pas du même avis et prenait ces choses pour l'Histoire, avec un grand H. Le passé, le vécu. Difficile à dire. Allait-il douter de sa parole ? Pas vraiment mais cet histoire d'intérêt pour le genre humain était amusant. C'était parfait, il y avait dans cette pièce deux êtres qui étaient intéressés par l'espèce de l'autre. Fascinant, n'est-ce pas ? Enfin, Senri n'eut pas l'occasion de s'y intéresser davantage. Les liens qui le maintenaient immobiles semblaient se resserrer, montant légèrement dans l'échelle de la douleur. Rien de bien méchant, pas de quoi faire hurler ou pleurer, juste de quoi sentir qu'elle ne plaisantait réellement pas. De quoi faire comprendre au jeune homme que cette manière de faire ou de parler allait lui couter cher. D'ailleurs, voila qu'elle venait de lui parler de prix.

La sorcière s'était relevée et avait tourné le dos au lit, se tournant vers le paysage au loin avant de faire disparaitre les liens. Chouette. Se redressant pour s'asseoir sur ce grand lit, le captif avait regardé ses bras pour vérifier leur état. Des petites traces rouges. Rien de bien méchant. Son regard se posa alors sur son dos et sa longue chevelure tandis qu'elle parlait de payer le prix de ses quelques questions. Le prix ? Quel prix. Voila le genre de phrase qui naissait dans l'esprit du jeune homme. Devait-il réveiller son côté commercial ? Contrat, finance, remboursement, assurance ? Non, au diable tout ça. Il fallait sauter les pieds joints dans le tas, c'était bien plus amusant. Ce que Senri fit en un instant en reprenant la parole.

Je crains ne pas te suivre. Payer le prix ? Quel genre de prix ? Et ne me dis pas "ton âme" ce serait ridicule.

Lentement, il se rapprocha du bord pour laisser ses pieds rejoindre le sol. Une position assise bien plus confortable à ses yeux qu'il quitta malgré tout pour se relever et faire quelques pas. Il la rejoint et si son esprit eut un instant l'idée de se caler contre son dos pour l'enlacer, il s'en abstint. Il vint simplement à sa droite, à la même hauteur, sentant alors une légère brise sur sa peau. Agréable sensation que voila. En profitant un instant, il rajouta alors, les yeux clos pour mieux profiter du toucher délicat du vent. Un élément qu'il avait toujours apprécier.

Je n'ai pas grand chose qui pourrait servir de prix. Je suis pas particulièrement riche bien que je doute que l'argent soit un réel problème pour toi.

Rouvrant les yeux, il tourna légèrement le visage vers elle pour chercher à nouveau son regard du sien, ajoutant pour clore le fond de sa pensée.

Alors, quel genre de prix me ferais-tu payer pour répondre à mes questions ?

La sorcière eut un sourire, tendis qu'elle continuait à observer le paysage dont elle transformait sans s'en rendre compte divers aspects, par automatisme. Elle entendait d'ici le torrent des pensées de l'humain, sa confusion et son ardente envie d'en savoir plus. Tout comme elle l'entendit descendre du lit et s'avancer vers elle. Là, tout de suite, elle eut envie qu'un puissant souffle le jette de nouveau sur le lit, pour se téléporter sur lui et l'embrasser sans plus de précision. Peut-être qu'elle l'aurait déshabillé d'un clin d’œil, le chevauchant, et sûrement que dans cette pensée qui vint à son esprit, elle se faisait pénétrer avec hardeur, directement, avec fougue.

Cette pensée, subite, la surpris un peu elle-même. Mais elle se connaissait, elle était du genre impulsif. Elle peinait à garder son calme, sans en comprendre la raison. Évidemment, accomplir cette pensée aurait absolument tout gâché.

Elle soupira distinctement, appuya son déhanché et sentit l'humain passer derrière elle pour venir à sa gauche, comme pour observer ce faux paysage en sa compagnie. Sa question devenait bien claire maintenant, ses pensées transformées en mots audibles pour la sorcières.

Elle se tourna doucement vers lui, rencontrant encore son regard. Mais ce n'était pas le même regard qu'elle lui lança cette fois-ci. Maintenant, il était empli d'un désir non caché, ainsi qu'une lueur invincible de curiosité franche. Elle s'approcha lentement vers lui. Il ne recula. Alors elle pencha la tête sur le côté et passa un bras sous sa nuque, sans le quitter des yeux et son grand sourire aux lèvres, son souffle se mêlant au sien. Enfin elle approcha ses lèvres et lui donna un long baiser, franc et langoureux à la fois. Peut-être était-ce un baiser magique, surdimensionné, pour quelqu'un qui ne venait pas de chez elle. Ou tout simplement... Exotique. Exotique pour son origine. Pour elle, rien n'était plus naturel.

Quelques secondes plus tard, elle se retira, le goût exquis de ses lèvres sur les siennes, et son sourire mystérieux revint. Elle s'écarta un peu, et dans un autre de ses tours de magie, elle troqua sa tenue d'humaine japonaise pour quelque chose de plus oriental : un haut qui lui ne lui cachait que les seins en cuir et métal, et une jupe orientale cintrée par une ceinture du même type de métal, jupe cuivrée comme ses cheveux et ses yeux.

Elle recula encore un peu, mais l'impression d'attirance était toujours aussi présente. Le baiser avait réveillé toutes sortes de sensations en elle. Enfin, elle répondit, un sourire malin aux lèvres :

-Le genre de prix qu'il te faudrait payer ? Celui de m'obéir. Au doigt et à l’œil. Et à d'autres endroits du corps... Voilà les conditions du jeu. Tu gagnes des réponses, et moi aussi – à ma manière. Qu'en penses-tu ? Toujours aussi d'accord, humain-sans-sou ?

Puis elle ajouta :

-Et il se pourrait aussi que je vole ton âme... Je n'ai pas encore décidé de ce détail.

Lui laissant le soin de deviner si cette supposition pouvait s'avérer plausible ou non, elle s'appuya à un des piliers de marbre, les reins creusés, curieuse d'observer sa réaction.