♫Une souris verte, qui courait dans l'herbe...♫ {PV Tessia}

L'immeuble était immense. Mais d'ici, on pouvait tout de même appercevoir des pigeons qui se penchaient en avant.

Ce fut avec un grand sourire aux lèvres que la jeune femme s'était approchée de la bâtisse. L'allure de son pas, qu'elle avait empruntée au loup, était plus que jamais silencieuse. Elle avait l'habitude. Mais cet immeuble là avait l'air plus luxueux que les autres. Plus protégé. Ses yeux sombres n'avaient pas croisé un habitat si imposant. Ses souvenirs la ramenaient au temps où elle vivait dans la belle Ville, traversant les quartiers riches avec fougue.

De quels trésors l'immeuble regorgeait-il ? A quel étage allait-elle accoster? La personne qui habitait ici était-elle si riche qu'elle possédait des caves immenses de richesses en tous genres ? Mais au fond d'elle, ce n'était pas vraiment ce qu'il y avait à ravir qui l’excitait. C'était plutôt le défi qu'elle se lançait et l'idée que ce vol était bien plus dangereux que ceux qu'elle exécutait à son habitude. Car elle savait d'avance qu'elle ne pourrait pratiquement rien ramener, condamnée à sortir de la même manière qu'elle était entrée : sous forme animale.

Rêveuse, la petite souris se glissa dans l'ouverture d'une porte. Elle était montée sans problème et avait trouvé une fenêtre ouverte. Ouverte sur une salle de stockage en tous genre, ce qui expliquait la fenêtre entre-ouverte. Etant transformée en moucheron, aucun dispositif ne se detecterait à son encontre.
Malgré sa chance, la fameuse pièce de stockage n'avait rien de bien intéressant à chaparder. Pas de nourriture, simplement un amas monstrueux de balais et de seaux pour le ménage. Que les habitants ne devaient pas toucher eux-même, à son avis.
Cependant, le reste de l'appartement était un peu plus attirant. Respirant la richesse et le savoir-vivre, le moucheron devenu souris pu examiner toutes sortes de choses qu'elle n'avait jamais pu immaginer voir avant. Des fourchettes à une pique et-demi? Serieusement? Elle continua donc sa visite, toujours plus ravie à la vue de toutes ses choses innintéressantes.

Soudain, quelque chose attira son attention. Un rayon vert, venu du plafond, créait un champs lumineux qui aveugla sa vue décuplée. Elle se reteint de pousser un cri et recula prestement.

Sous forme humaine, elle ne l'aurait certainement pas vu. Ce n'était pas une bonne nouvelle pour sa future et rêvée collecte, mais son cœur s'accéléra.

Reprenant ses maigres pensées, la souris se terra dans un coin mort et observa sagement la scène.

Rien à signaler à part cette satané lumière verte fluorescente.

Prudemment, elle commença à s'éloigner de son emplacement, mettant un soin maniaque à ne pas effleurer la zone suspecte.

Mais elle n'avait pas remarqué le projeteur qui lui faisait face et qui distribuait un autre type de rayon, indétectable pour son œil de rongeur. Lorsqu'elle voulut faire marche arrière, il était bien trop tard. Elle entra sans une hésitation à l'intérieur du rayon. Un sourd retentissement résonna.

Fait chier !

De panique, la souris redevint une jeune femme de 25 ans à la longue chevelure rouge. Jo grimaça en entendant la douce sonnerie d'alerte.

-Et merde !

Rien d'autre ne lui venait.

Elle ne sut pas directement si c'était sa transformation ou le fait d'avoir pénétré la zone indétectable qui l'avait trahie, mais elle décida qu'il était de toutes manières trop tard pour en décider.

En effet, quelques secondes plus tard, un filet sortit des enfers lui tomba dessus.

Elle n'eut pas le temps de se demander comment un tel dispositif avait pu avoir eut raison d'elle et de son habitude à voler. Certainement que son réel don n'était pas d’éviter des dispositifs de sécurité ;  mais plutôt de savoir de quelle manière les gens pensaient protéger leurs biens.

Même pour cette appartement, elle l'avait su. Mais cela ne l'avait en rien arrêtée. Bien au contraire.

Et elle n'avait pas vu un seul joyau.  

Tessia était au lycée lorsque son téléphone portable vibra pour signaler l'arrivée d'un email. Comme elle était en salle des enseignants, elle sorti l'appareil de sa pochette et en ouvrit le clapet afin de consulter le message. Celui-ci était laconique, envoyé par Cortana.

De : Cortana(cortana@alexanders.jp)
À : Tessia(tessia@alexanders.jp)
Sujet : intrusion

- 17.05.2015 17:34:28, détection de mouvement, nombre de contact(s) : 1, lieu : salon, origine : rongeur, type: souris.
- 17.05.2015 17:34:33, détection de mouvement, nombre de contact(s) : 1, lieu : salon, origine : humanoïde, type: humain.
- 17.05.2015 17:34:33, Erreur : 100456XNC : Nombre de contact(s) inadéquats.
- 17.05.2015 17:34:34, Rafraichissement Nombre de contact(s).
- 17.05.2015 17:34:34, Erreur : 100456XNC : Nombre de contact(s) inadéquats.
- 17.05.2015 17:34:34, Conclusion : phénomène E.S.P.er ou supérieur.
- 17.05.2015 17:34:34, Exécution : protocoles de défense, contrôle confié à : administrateur\Cortana.
- 17.05.2015 17:34:34, administrateur\Cortana : execution: C:\system\appartement\périphérique\défense\ZoneConfinement.exe.
- 17.05.2015 17:34:34, administrateur\Cortana : execution: C:\system\appartement\périphérique\défense\FiletInfernal.exe.
- 17.05.2015 17:34:37, administrateur\Cortana : execution: Analyse : confirmation capture. Nombre de cible(s) : 1.
- 17.05.2015 17:34:37, administrateur\Cortana : execution: SendReport : mailto:tessia@alexanders.jp.
- 17.05.2015 17:34:37, administrateur\Cortana : execution: Standby.

Tessia haussa un sourcil surpris. Une intrusion d'une souris qui se transformais en intrusion d'un humain ? Voilà qui n'était ni banal ni bienvenu. La succube regarda autour d'elle d'un air songeuse. Elle ne connaissait personne capable de se transformer en souris, qui plus est, suffisamment téméraire pour risquer d'activer les protocoles de défense d'une quasi-IA dotée de sorts démoniaque pour riposter.

Un accident ? Avec un E.S.P.er ? Le problème c'est qu'il a déclenché des systèmes de défense que l'humanité ne possède pas... Si ça avait été un simple cambrioleur, l'alarme silencieuse aurait sonné chez la police, mais Cortana ne l'a pas activée en identifiant la menace comme étant capable de capacités surnaturelles...

Moralité de la chose, elle avait une personne dont elle ignorait tout, prisonnière de son appartement par son IA. Tessia se fit la réflexion que c'était bien de protéger sa vie privée, mais que pour le coup c'était peut-être un peu fort.

Bon d'un autre côté Cortana n'a pas de sentiments, elle n'a que des processus logiques... Elle a juste appliqué la méthode de riposte indiquée à la menace détectée...

Soupirant, la succube rangea ses affaires avant de saluer ses collègues pour ensuite aller chercher sa voiture pour rentrer chez elle. Il lui fallut une bonne demi-heure entre le moment où l'alarme lui avait été envoyée par mail et le moment où elle s'identifia à la serrure électronique de son appartement.

La porte s'ouvrit avec le claquement sec du verrou magnétique et la démone passa son propre champ de protection en entrant dans l'appartement. Elle passa dans le salon et la vit. Elle qui pensait qu'elle aurait affaire à un simple cambrioleur avait affaire en définitive à une jeune femme semblant un peu plus de la vingtaine, aux cheveux rouges comme le sang qui tourna vers elle des yeux couleur azur. La succube nota pour elle-même que la nouvelle venue étaut nue en-dehors d'une culotte et d'un petit sac à dos, une courte robe abandonnée dans un coin.

La succube regarda la jeune fille sous le filet semblant constitué de feu liquide qui la maintenait plus efficacement que n'importe quelle cage contre le sol.

- Et bien, et bien... Qu'avons-nous là ? Demanda Tessia à haute voix. On ne t'a pas lu assez de contes quand tu étais petite ? On ne t'a jamais dit qu'il valait mieux éviter l'antre de la méchante sorcière quand on est une aussi jolie fille ?

Ce disant, Tessia posa son sac dans l'un des deux fauteuils du salon et s'assit dans l'autre.

- Sauf que maintenant tu as vu ce que tu n'étais pas supposée voir... Soupira la démone en la regardant. Que vais-je bien pouvoir faire de toi ? Une idée sur la question ? Est-ce que tu comprends le Japonais au moins ? *Tu comprends ce que je dis ?* Essaya-t-elle aussi en français. Do you undertsand what i say ? Termina-t-elle en anglais.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, 10 minutes exactement avaient passé.

Ses yeux s'habituèrent rapidement à l'environnement. Elle se trouvait dans une pièce spacieuse où on aurait pu tenir à plusieurs allongés et debout. Jetant un coup d’œil à la ronde, elle ne remarqua aucune décoration spécifique, simplement une porte de fer et des murs lisses et polis. Il n'y avait aucune fenêtre et la porte ne laissait passer aucun espace où un mouche aurait pu se glisser. Sa tentative d'ouvrir la porte manuellement fut évidemment un véritable échec.

Elle était enfermée.

Aucun moyen potentiel de sortir. Fenêtre, porte, mur épais, lumière artificielle qui l'empêchait de savoir si il faisait jour ou nuit. La température était agréable, le lieu était donc prévu pour recevoir des humains captifs, et rien d'autre. Pas d'instrument de torture – qu'il aurait cependant été amusant à observer, peut-être moins à tester – pas de lit où s'allonger non plus.

Cependant, il y avait trois caméras. Elles ne laissaient aucun espace mort et étaient munies d'une petite diode verte clignotante qui prouvait qu'elle tournaient à l'instant.

Satané lumière verte.

Si elle savait faire une chose, cependant, c'était désactiver des caméras comme celles-ci.

Même si c'était à priori absolument inutile puisque la personne résidant ici était déjà au courant de son intrusion, elle n'avait rien d'autre à faire pour l'instant.

Elle tira sa robe noire volante du sac qu'elle avait emmené, et la lança sur un des globe voyeur. Espérant que cela suffirait, elle se plaça dans un coin mort et emprunta ses jambes à la girafe pour atteindre la deuxième caméra située un peu en hauteur. Ses doigts experts s'insinuèrent dans l'appareil et trifouillèrent dans les fils qui s'y trouvaient. Attrapant enfin celui qu'elle cherchait, elle tira dessus de toutes ses forces et l'appareil eut un sursaut sonore avant de s'éteindre doucement.
Elle ré-itéra l'opération pour les deux autres caméras, récupéra sa robe et l'enfila doucement ; ne portant sur elle rien d'autre qu'une culotte en dentelles.

Enfin, elle chercha des yeux le coin le plus attirant. Elle eut un sourire et s'assit dans le coin de gauche, tellement plus favorable à son avis que celui de droit.

Étrangement, c'est au moment où elle s'assit calmement que le filet revint.

Elle qui avait cru que la pièce était totalement hermétique, elle s'était apparemment bien trompée.

Comment cela était-il possible ? Elle venait de désactiver les caméras de la manière la plus naturelle qui soit, et c'était seulement maintenant que le filet se ré-activait ?

Elle n'eut pas le temps de s'écarter, ce qui n'aurait d'ailleurs pas servit à grand chose. Alors, prisonnière d'un filet à la consistance plus qu'étrange, elle attendit, ne pouvant rien faire d'autre. Elle tenta bien de se transformer mais le filet l'en empêchait. Entourant de ses longs bras ses jambes avant, perdue dans ses pensées, sa main se perdit dans un boucle rougeoyante, l'entortillant autour de son index, l'air absent.

Cela faisait peut-être une vingtaine de minutes qu'elle attendait dans cette position, avant que la porte ne s'ouvre dans un déclic artificiel. Même l'ouverture de la porte semblait gérée par un ordinateur à distance. Il faudrait sûrement que la jeune femme se renseigne un peu plus sur ce genre de technologie qui ne cessait de l'étonner.

Continuant l'observation du filet qu'elle avait commencé d'entreprendre quelques temps avant, les paroles de la personne qui venait de rentrer lui passèrent comme une bruine sur le cerveau, la dérangeant dans son activité. Alors elle seulement elle leva la tête, légèrement agacée.

Changement de centre d’attention.

Il s'agissait d'une femme ayant une bonne trentaine, perchée sur de magnifique talons noirs. Ses cheveux noisette étaient attachés dans un simple chignon dont sa mère aurait rêvé, et son visage parfaitement dessiné portait des lunettes sobres à la monture sombre.

Dans l'esprit de Jo, elle n'avait pas l'air très humaine. Mais on ne pouvait nier qu'elle était belle. Que vient-elle faire ici ? Se questionna la jeune femme, comme si la réponse n'était pas évidente.

-Do you undertsand what i say ?

Elle cligna un instant des yeux. Joana parlait plusieurs langue : tout d'abord le russe, sa langue maternelle, puis le japonnais qu'elle avait apprit du fait de son emplacement géographique et des clients qui fréquentaient la maison close. Elle parlait aussi l'anglais que sa mère lui avait apprit. Cependant, ses mots étaient toujours saupoudrés d'un léger accent russe, comme si elle ne pouvait pas l'oublier.

Elle n'avait pas tiqué au japonnais, trop occupée à détailler la femme. Elle dit donc dans la langue nipponne :

-Êtes-vous vraiment une sorcière ?

Pour l'instant, le reste l'importait peu.

Spoiler (cliquer pour montrer/cacher)

Il se trouve que l'action ne se passe pas dans une pièce à part mais bien dans le salon. Du coup ça ne concorde plus avec le reste du rp... o/

-Êtes-vous vraiment une sorcière ?

Tessia haussa un sourcil surpris en entendant la jeune fille lui parler en japonais alors qu'elle n'avait pas vraiment réagit à cet idiome lors de ses premières questions.

- Donc tu parles, c'est toujours cela de pris... Tu as un nom ? Un pseudo ? Une désignation dont je puisse me servir pour te nommer sans indiquer autre chose que ta personne ? Demanda Tessia sans répondre à la question de la jeune fille. Voyons toujours ce qu'internet pourra nous apprendre sur toi. Cortana ?

Le silence répondit à Tessia qui fronça les sourcils et leva les yeux. Toutes les petites caméras de l'intelligence artificielle étaient encore présentes mais leurs voyants éteints. Et sans elles, Cortana ne pouvait plus ni voir ni entendre dans la pièce sauf en utilisant la localisation par onde sonores depuis les micro-sonars des autres pièces.

- Ça par contre, ce n'est vraiment pas gentil ! Grogna Tessia. Tu apprécierais que je t'arrache les yeux et te perce les tympans toi ?

La démone s'installa plus profondément dans son siège et ferma ses yeux bleu. Quand elle les rouvrit, les pupilles en avaient viré au rouge grenat et brillaient légèrement de l'intérieur. La succube se mit à murmurer et sur le sol apparurent des lignes lumineuses qui se tracèrent pour former un long cercle avec une étoile à sept branche inscrite, couvertes de divers symboles. La température de la pièce augmenta de plusieurs degrés et une vague odeur de souffre sembla envahir les lieux. Puis, avec un petit craquement statique, les caméra se rallumèrent et reprirent vie.

Tessia relâcha son sort et se tourna vers la plus proche.

- Cortana ?

Ce que l'intruse avait pris pour des caméra, était en fait un combiné de plusieurs appareils. À la fois caméra, micro, mais également hauts-parleurs et surtout, projecteur numérique.

Le petit appareil se tourna pour viser le mur et alluma son petit projecteur, affichant sur la surface blanche l'image bleue et féminine parcourue de codes de Cortana, sa pseudo-IA.

- Merci pour la réparation maîtresse, sourit l'image de la jeune femme tout en s'exprimant de sa voix artificielle.

- De rien... Commenta la succube en reprenant ses yeux bleu. Peux-tu faire une recherche par image de notre invitée et voir ce que tu trouves ?

- À vos ordres maîtresse, acquiesa l'IA d'une voix douce.

Les trois objectif tournèrent pour prendre des clichés de la jeune femme prise sous le filet avant de recommencer à fixer la scène en silence.

- Pour répondre à ta question. Non je ne suis pas une sorcière. Mais je ne suis assurément pas humaine, tiens-toi-le pour dit... Et toi, qu'es-tu petite souris ?

Joana écouta la femme commencer à lui déblatérer des questionnements et autres interrogations. Elle se sentit méfiante. Après tout, elle était entrée dans son salon par infraction. Or maintenant il était trop tard pour se rattraper, et elle savait que même si elle avait su qu'elle se ferait pincer, elle serait quand même venue, avec la même volonté stupide.

Il se posait donc la question du futur.

Mais le futur ne l'avait jamais vraiment intéressé.

Alors elle revint au présent et à ce qu'il exigeait d'elle.

-Ça par contre, ce n'est vraiment pas gentil ! Grogna la femme. Tu apprécierais que je t'arrache les yeux et te perce les tympans toi ?

La jeune femme fit tomber sa tête sur son épaule gauche pour mieux observer la belle femme, toujours muette. Assise dans un fauteuil tout ce qu'il y avait d'attirant, Jo sentait soudain que quelque chose avait changé, mais elle n'aurait su dire quoi. C'est observant les yeux de la femme se rouvrir qu'elle put constater le changement de couleur de ses pupilles, mais aussi les lignes blanches au sol qui étaient apparues. Magie ? Jo n'aimait pas ce mot. Il désignait un refus d'admettre que cela pouvait se réaliser, ou plus exactement le fait que c'était extra-ordinaire et au delà de la nature.

En réalité, peu importait. Fascinée par la transformation de la femme, la jeune fille au cheveux rouges resta sans voix lorsque les appareils qu'elle avait désactivé s'éveillèrent comme si de rien. Pourtant, elle était bien sûre d'avoir sectionné le fil conducteur. La machine en créait-elle un nouveau ? Comment cela fonctionnait-il ? Et quand est-ce que ces maudits filets s'en iraient ? Elle ne pouvait pas bouger à son aise.

Jo continua de la regarder, conversant avec une voix venue de nul part, ou peut-être bien d’enceintes cachées dans les murs.

Lorsque le silence se fit de nouveau, la prisonnière, tout en continuant à observer sans pudeur la femme, fit bouger ses lèvres.

-Moi ? Je suis moi, ça me paraît évident. Je ne vois pas quoi d'autre.

La jeune femme se tut un instant, toujours parfaitement immobile malgré le filet. Elle soupira, puis continua :

-Si vous y tenez, appelez moi Jo, pour Joana.  C'est comme ça que Mère l'appelait. Ses filets sont gênants. Enlevez-les. Puis elle se rappela de la formule : s'il vous plaît... Madame.

Elle eut un sourire rêveur, se rappelant du temps où la patronne lui faisait apprendre les formules de politesse et autres distinctions. Non, elle n'avait pas oublié. Elle lui prononçait toujours ce « Madame » avec beaucoup d'insolence, mais cela faisait toujours sourire Willy.


-Je ne m'en irai pas. Tout ceci m'intéresse.

Elle eut un moment de réflexion et tint à ajouter, son sourire toujours aux lèvres :

-Je crois que moi non plus, je ne suis pas vraiment humaine.

La succube considéra sa captive en silence.

Joana... Son vrai prénom ? Un diminutif ? Un pseudo ? Songea-t-elle.

Elle avait désormais une appellation à mettre sur sa cambrioleuse, même si celle-ci ne l'aidait pas beaucoup. Et pour une jeune fille ne portant qu'une culotte en dentelles, elle semblait d'un calme olympien en aussi petite tenue.

Elle avait aussi demandé pour que le filet soit enlevé. Et elle avait ajouté un titre honorifique, "madame", au bout. Et elle avait sourit d'un air absent en le disant.

Lunatique comme demoiselle, facile à perdre dans son monde... Et cet accent... Un accent salve indéniable... Du Russe ? Et cette dernière phrase, "Je crois que moi non plus, je ne suis pas vraiment humaine."

Tout cela laissait la succube plutôt perplexe. La jeune fille semblait ne pas trop se soucier de ce qu'il pouvait lui arriver. Voilà qui ne lui plaisait pas beaucoup. Seuls ceux qui se savaient condamnés ou avaient renoncé à la vie avaient ce genre de comportement et elle n'aimait pas ça, surtout si l'on parlait d'une personne aussi jeune.

- Puisque tu t'es présentée... Enchantée, je me nomme Tessia Alexanders. Je suis institutrice. La personne qui t'a surprise est mon assistante informatique : Cortana. Ni elle ni moi ne te voulons de mal. Mais tu t'es introduite chez moi en usant de moyens contre lesquels la police reste mal équipée et Cortana a choisi d'user d'une méthode plus restrictive afin de s'assurer de ta personne jusqu'à mon retour. Que tu ne veuille pas t'en aller est un bon point, je ne peux de toute façon pas te laisser partir pour le moment. Tant que tu seras coopérative, aucun mal ne te sera fait, termina Tessia avant de se pencher en avant.

- Si je retire le filet, tu veux bien me dire pourquoi tu es entrée chez moi ? Demanda La succube d'un ton intrigué.

Elle en demandait peut-être beaucoup, mais son interlocutrice ne semblait pas particulièrement mal disposée à son égard.

Dans le peu d'espace qu'elle possédait, la jeune femme leva les yeux vers la femme. Tessia...Tessia Alexanders. Institutrice. Cortana, une assistante informatique. C'était donc elle qui l'avait qui l'avait battue. Il fallait qu'elle en sache plus, si elle voulait pouvoir continuer à voler en toute tranquillité d'esprit. Et il fallait qu'elle soit coopérative.

Ces mots passèrent dans son esprit comme une passoire, retenant les bribes les plus importantes et laissant passer les détails sur lesquels il n'y avait pas besoin d'attardement.

La femme l'intriguait toujours. Comment pouvait-elle changer la couleur de ses yeux avec autant de facilité ? Jo aurait beaucoup aimé le faire. Il lui semblait qu'elle le pouvait, dans une certaine mesure.

Comme d'habitude.

- Si je retire le filet, tu veux bien me dire pourquoi tu es entrée chez moi ?

Elle fronça les sourcils. Il n'y avait pas de réponse précise à cette question, tout compte fait.

Une impression désagréable s'empara d'elle un instant lorsqu'elle comprit le sens de la question. En réalité, ce qu'elle n'aimait pas, c'était ce chantage sous entendu. Cela lui donnait l'impression qu'elle ne pouvait pas contrôler ce qui se passait devant elle. Étrange paradoxe.

Cependant, elle hocha la tête. Elle détestait ce filet à la couleur criarde. Il lui laisserait des traces rouges cuisantes pendant plusieurs jours, elle en était persuadée. Elle préférait cent fois accepter le marché que de le sentir plus longtemps sur elle.

Quelques secondes plus tard, les étranges cordes se retirèrent doucement. Jo les regarda se détendre, comme une espèce de lave magmatique boueuse se rétractant. Cela était donc du fait de Cortana, la gardienne de l'habitat. Intéressant.

La jeune femme ne changea pas pour autant de position. Son infinie chevelure rouge atteignait le sol et couvrait son buste et ses seins. Elle fixait toujours la dame.

Puis elle se souvint de la demande. Elle réfléchit un instant, puis deux, et dit enfin :

-Dans ce genre d'immeuble, on trouve toutes sortes de richesses ; électroniques, produits de valeurs... Voilà pourquoi je suis venue ici, Tessia Alexanders. Elle lui adressa un sourire. Comment fonctionnent vos yeux ? Je n'avais jamais vu ça. C'était beau.

Tessia n'eut qu'à claquer des doigts et en donner l'ordre pour que Cortana relâche son emprise sur le filet. Celui-ci se désagrégea lentement, comme de la lave qui se refroidi, puis celle-ci se retira de la peau de la jeune fille, n'y laissant pas la moindre trace.

Celle-ci révéla alors la raison de sa présence et la succube fronça les sourcils en les entendant.

Une simple petite voleuse ? Se demanda-t-elle en gardant une expression neutre. Mais pourquoi vole-t-elle ?

- Mes yeux ? S'étonna la démone après que Joana ait évoqué le dernier point. Tu les trouves jolis ainsi donc ? S'étonna Tessia en se penchant sur la jeune femme. Voilà qui n'est pas courant... Mais tu ne devrais pas les trouver beau Joana... Si tel est vraiment ton nom... Si tu les vois ainsi, c'est parce que je suis bien obligée de laisser une partie de mon camouflage derrière moi si je veux user de mes capacités. Et voir mes vrais yeux signifie des problèmes pour celle qui les croise jeune fille. Ça signifie que je suis forcée d'être sérieuse et ce n'est jamais une bonne nouvelle. Mais passons... Soupira Tessia en regardant la tenue de la jeune fille.

Elle arborait ses belles courbes sans réelle pudeur, probablement que le fait de pouvoir se transformer en animal l’avait-elle habituée à se promener moins vêtue.

- Tu n'a pas un peu froid ? Tu veux te rhabiller un peu avant de continuer cette conversation ? Lui proposa la démone en avisant une robe abandonnée plus loin dans le salon. Tant qu'à y être, as-tu soif ou faim ? J'aimerais beaucoup savoir pourquoi tu voulais me voler aussi, si tu n'y vois pas d'inconvénient. T'ais-je fais quelque chose qui t'a déplu ? Enfin... je veux dire, avant que tu ne pénètre chez moi par effraction ? Ou alors tu as besoin d'argent ? Pour quelle raison ?

Encore une fois, toutes ces questions lui arrivaient en même temps, observatrices et d'une curiosité qui la dérangeait. Pourquoi voulait-elle savoir tout cela ? Pourquoi la harcelait-elle ainsi ? La jeune femme fronça les sourcils. C'était peut-être pire que ce qu'elle avait pu imaginer. Car elle n'avait aucune envie de répondre. Aucune envie qu'une partie de sa vie et d'elle-même soit sue par une telle inconnue.

Néanmoins, Jo comprenait une seule et unique chose : elle n'était pas en position de refuser ouvertement. Elle était dans son territoire, et refuser de coopérer signifiait toujours entrer en conflit. Et cela, Jo sentait qu'elle devait l'éviter, quoi que ses réticences lui soufflent.

Ainsi, la jeune femme continua d'écouter. Bloquée entre son envie de fuir et sa curiosité envers la femme aux yeux étranges, elle resta là à se taire, les yeux fixés dans ceux de son interlocutrice.

Après un si long moment qu'on eut dit qu'elle ne répondrait pas, Jo leva lentement les yeux vers la légère robe noire et hocha simplement la tête. D'un mouvement souple, elle se leva pour aller récupérer le vêtement et l'enfila en silence, sans cesser de fixer la femme d'un air dubitatif.

Puis elle formula enfin :

-C'est un habitat parmi tant d'autres. Je l'ai juste choisi parce que la fenêtre était ouverte.

Elle réfléchit une seconde, se disant que la question de la femme était plutôt stupide.

-Je vole parce que j'ai besoin de voler. Pour quoi d'autre ? Ce n'est pas pire qu'autre chose. Il y a vraiment pire, vous savez.

Elle eut une pensée pour ses années de prostitution. Elle préférait encore voler. Mais elle était tout de même sure qu'il existait bien pire que tout cela. Elle n'avait rien contre le fait d'emprunter un peu de leur fortune à quelques bourgeois qui ne remarquerait certainement pas la différence.

Jo trouvait toujours la question stupide. Peut-être cette femme l'était-elle. Mais elle n'en avait pas vraiment l'impression. Elle pencha la tête sur le côté, sa chevelure roulant sur son épaule. Soudain, elle repensa à la nourriture proposée. Décidément, elle ne comprenait pas cette femme. Jo était venue dans l'espoir de la voler, et maintenant c'était elle lui proposait à boire et à manger ? Non, elle ne comprenait pas. Mais elle répondit :

-Non, je n'ai ni faim ni soif. Puis elle enchaîna directement : J'aimerai savoir, en quoi êtes-vous différente ? Pouvez vous faire ce que moi je fais, ou bien est-ce autre chose ? Et si c'est le cas, pourriez-vous me l'apprendre ?

Ses yeux étaient toujours dans les siens, guettant une signe, n'importe lequel, d'un changement soudain. Sa curiosité semblait l'emporter sur la méfiance qu'elle éprouvait.

Tessia hocha la tête. Elle le croyait volontiers, il y avait vraiment pire que de devoir voler pour survivre. Et elle en connaissait malheureusement bien des cas.

- Tu voles donc pour vivre ? C'est un motif que je comprends et que je peux pardonner... Dit Tessia en hochant la tête de manière compréhensive. Mais au risque de te décevoir, je ne te laisserais pas voler chez moi. Par contre, si tu veux je peux te donner de l'argent. Pas beaucoup, mais ça devrait te permettre de manger quelques semaines si tu y fais attention. Tu as un endroit pour vivre ? un toit sous lequel t’abriter ?

Elle entendit alors la dernière question de son interlocutrice et haussa un sourcil.

- En quoi je suis différente ? Releva Tessia d'une voix dubitative. Si je peux faire ce que tu fais ? Comment le saurais-je ? Tu ne m'a pas dit ce que tu faisais. Et étant donné ta condition, oui je pense que c'est assez différent... Bon évitons de tourner autour du pot si c'est ce qui t'intéresse. Je suis une démone. Pour être plus précise, je suis une succube. Une démone du sexe. Je peux changer d’apparence, mais je suis limitée à un registre ayant les humanoïdes pour thème central.

Elle regarda ensuite le jeune femme droit dans les yeux.

- Je suis un monstre si tu préfères. Je ne vis que pour corrompre et j'ai besoin de l'énergie vitale des autres personnes pour alimenter la mienne, sinon je meurs. Alors as-tu peur de moi maintenant ?

Tessia attendit la suite, se demandant comment la petite changeforme allait prendre cette déclaration.

Jo écouta attentivement les réponses de son interlocutrice. Comme rarement, elle était captivée par ce qu'elle disait. Elle avait l'impression que des portes qu'elle n'avait jamais vues s'ouvraient de manière disproportionnée. De l'argent ? Elle aurait été tentée de dire qu'elle n'en avait pas besoin, car elle pouvait facilement en voler à qui elle souhaitait. Si elle avait été plus avisée, elle aurait su qu'il n'était jamais bon de s'engager dans une telle dette sans mieux connaître ses engagements et ce qu'elle devrait rendre un jour ou l'autre.
Mais son habitude était telle qu'elle ne pensait jamais à l'avenir, mais seulement au présent ou à un avenir proche. Ce qui lui arriverait dans une année ou deux ne l'intéressait pas plus que cela.

Elle verrait bien quand elle y serait.

C'est aussi la suite de son discours qui l'intéressa vivement. Comment n'avait-elle jamais rien remarqué ? Certes, elle s'était souvent demandé si elle n'était pas la seule à avoir des capacités hors du commun, à pouvoir se transformer et communiquer avec des animaux en tous genres ou que savait-elle ! Mais elle n'avait jamais vraiment cherché plus loin, se confinant dans le mode de vie que sa mère et la solitude lui avaient inculqué.

Bien entendu, elle ne se rendait pas vraiment compte de tout ceci. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle ressentait une drôle mais agréable sensation de vertige devant cette étrange femme, et qu'elle pouvait gagner un peu d'argent tout en évitant de s'infiltrer chez les gens.

Après un silence toujours aussi long, comme si elle était seule et qu'elle avait toute la vie devant elle, Jo répondit :

-Un endroit où vivre ? Cela dépend de la période... En ce moment, j'habite au troisième étage d'un immeuble de banlieue.

En vérité, elle changeait souvent d'endroits, nomade. Mais elle finissait toujours par revenir vers le Japon ou la Russie, sa terre natale.

C'était la première fois qu'elle venait à Seikusu, et si elle avait décidé que ce ne serait qu'une escale, peut-être que la trouvaille de l'appartement ainsi que l'arrivée de cette femme changerait ses plans.

Elle continua :

-Si vous me proposez de l'argent, je l'accepte.

Il était malheureusement hors de question de tenter de voler quoi que ce soit d'autre à la femme, la démone, ni à quiconque de ce quartier, et encore moins du lotissement. Même si l'envie était tentante. Lorsqu'elle lui expliqua qu'elle était une démone du sexe et en quoi constituait sa condition, un sourire flotta sur les lèvres de la jeune femme. Diana, une des filles de la maison close, avait rendu le surnom de sa mère officiel : on l'appelait la succube, et à ses mots sa mère souriait toujours de toutes ses dents.

Elle regarda dans les yeux de la femme.

-Une démone du sexe ? Cela ne me paraît pas monstrueux. Puis elle fronça légèrement les sourcils. Je crois que tous le monde a besoin de l'énergie et de l'essence des autres pour vivre. Ce que je fais, c'est pareil, non ? Et elle enchaîna : Alors vous n'êtes pas de la même race que les Humains ?

Et elle, qu'était-elle alors ?

- "Cela dépend de la période" ? Souleva Tessia d'un ton dubitatif. Tu en parles un peu comme si tu n'en avais rien à faire Joana... As-tu un domicile fixe ou bien est-ce que tu squatte des appartements vides ? S'enquit-elle d'un ton soupçonneux.

Elle ouvrit de plus grands yeux encore quand la jeune demoiselle accepta son offre de lui donner de l'argent.

- Et tu ne me demandes pas si je souhaite une contrepartie ? Sourit la démone d'un air amusée. Tu ne doutes décidément de rien toi...

Tessia se pencha sur son sac et en sortit une petite liasse de billets retenus par un trombone qu'elle tendit à la jeune fille. Elle n'avait pas menti, on faisant un peu attention et avec les bonnes adresses, il y avait de quoi manger trois fois par jour pendant environ un peu plus de deux semaines.

- Comme ça tu ne partira pas les mains vides... Commenta-t-elle. Mais si tu veux rester dormir ici, ça peut aussi s'arranger. Le canapé est confortable et la pièce est chauffée. Quand à cuisiner pour une personne de plus, ça ne me dérange pas.

Cependant le monologue sur le fait qu'elle ne la trouvait pas monstrueuse la fit se figer un peu. Elle allait décidément de surprises en surprises avec cette jeune demoiselle.

- Non, je ne fais pas partie de l'espèce des humains. Je te l'ai dit, je suis une démone. Je suis une compression d'énergie maléfique qui a muté en un être vivant en bas, aux enfers. Quand à savoir si tu te nourri de la même manière que moi, je ne pense pas honnêtement. Je ne sens pas l'énergie d'autres êtres que la tienne circuler dans ton corps. Je pense que tu as une base humaine. De ce que je peux sentir de toi, du moins. Mais si je n'en sais pas plus sur tes capacités, je ne pourrais pas le dire avec certitude. Que peux-tu faire exactement ? Tu veux me montrer ? Tu peux m'expliquer ?

Elle ne voyait toujours pas en quoi cela intéressait le femme qu'elle avait essayé de cambrioler. Habituellement, lorsqu'elle se faisait remarquer, on lui hurlait après et voulait qu'elle parte au plus vite. Cela ne créait pas d'attirance, et encore moins de volonté de protection. Maintenant voilà qu'elle lui donnait de l'argent et se demandait dans quelles conditions elle habitait.

Il aurait été facile d'y voir un malentendu, de pressentir que ces questions n'avaient non pas pour but de l'aider mais de la manipuler.

Mais Jo suivait son instinct, et celui-ci lui disait qu'il n'y avait rien à craindre de ce côté là. Du moins, pas dans l’immédiat. Elle sentait que, d'une certaine manière, elle n'avait pas à craindre des représailles pour ce qu'elle venait de faire.

Mais elle ne voulait pas vraiment confier cette partie là de la vie qu'elle menait, nomade. Toujours vague, elle répondit :

-Il n'y a rien d'intéressant à savoir là dedans.

Un domicile fixe ? C'était étrange. Comment pouvait-on savoir que l'on vivrait pour toujours dans un même endroit ? N'aurait-on jamais l'intention de partir ?

-Mon domicile n'est pas moins fixe que le votre, déclara-t-elle alors, septique.

Quand à dormir sur place... L'idée de refuser était présente, inculquée par sa mère et ses mauvaises expériences. Mais il n'y avait pas énormément de place pour l'inquiétude dans l'esprit de la jeune métamorphe. En apprendre plus sur cette femme et sa maison lui paraissait assez intéressant pour oublier son idée de partir.

En réalité, elle savait que ce qu'elle faisait était dangereux. Mais elle s'en fichait.

Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas parlé aussi longuement avec quelqu'un, ne serait-il pas humain.

-Rester ? Je ne sais pas. Pourquoi pas. Pourquoi n'êtes-vous pas méfiante ? C'est votre nature inhumaine ou le fonctionnement de la maison qui vous rend sure de vous ?

Il n'y avait pas d'arrongance dans sa voix, seulement un intérêt sincère. Elle ne savait pas pourquoi, mais la réponse l'intéressait vivement.

Elle écouta la suite, et fit une grimace dubitative. Puis elle sourit.

-Je peux vous montrer, vous comprendriez mieux. A condition que vous me montriez aussi.

Ne sachant pas vraiment ce que cela impliquerait, elle fixa la femme aux lunettes et se concentra une seconde pour changer de forme. Un joli oiseau apparut, ventre bleu et plumes vertes. Elle vola pendant quelques secondes dans la pièce autour de la succube, puis se transforma de nouveau.

-Je peux me transformer en toute sorte d'animal. Ou en humaine, plutôt. Mais vous le saviez déjà, non ? Lui dit-elle avec un petit sourire. A vous, maintenant. Montrez moi quelque chose.

Tessia hocha la tête à la réponse plus que vague de son interlocutrice. Un sujet abborder de manière aussi floue signifiait tout simplement que l'on ne souhaitait pas s'étendre sur lui. Donc soit elle cachait sa véritable adresse pour ne pas que Tessia puisse la retrouver, soit alors, beaucoup plus simplement, elle n'avait pas de véritable domicile.

- Ce n'est pas une vraie réponse Joana... Constata Tessia avant de hocher la tête en l'entendant lui dire qu'elle est d'accords de rester. C'est une bonne chose, je suis heureuse que tu décides de rester. Sourit-elle ensuite. Je ne suis pas inquiète parce que je ne te veux pas de mal et que tu n'as pas l'air méchante. Et puis, même si tu l'étais, et bien je serais probablement morte dès que je te tournerais le dos et de toute façon je n'aurais plus besoins de me soucier de rien.

Tessia laissa ensuite la jeune fille lui montrer sa capacité à changer de formes et elle sourit au petite volatile qui lui tourna autour, amusée. Quand elle reprit forme humaine, la succube la regarde d'un air attendri.

- Tu es une changeforme animale je pense... C'est un pouvoir très pratique, admit la succube en hochant la tête d'un air appréciateur. C'est donc mon tour de remplir ma part du marché.

Tessia se cala plus profondément dans le siège et prit une longue inspiration. Puis son corps s'affaissa doucement tandis qu'une épaisse fumée noire s'en élevait. Le nuage couleur de nuit prit gentiment la vraie forme de Tessia et la matérialisa debout. Celle-ci leva précautionneusement la tête pour voir où en était le plafond. Tessia faisait déjà presque deux mètres de haut en étant sous forme humaine. Sous sa vraie forme, elle dépassait allègrement les deux mètres vingt, ses cornes ajoutant encore à sa taille. Elle déploya deux gigantesques ailes de peau couleur carmin, assorties à ses cheveux et à ses yeux rouges tandis qu'une queue constituées de nombreuses plaques de chitine blindée et aux arrêtes vives se déploya dans son sillage en partant du bas de son dos, l'extrémité étant occupé par une sorte de pointe longue, effilée et vicieuse.

- Voici ma véritable apparence, lui expliqua Tessia dont la voix aussi avait changée pour devenir à la fois plus grave et plus claire, comme si deux personnes parlaient en même temps. Celle sous laquelle je suis née.

Joana sourit doucement en entendant la réponse de la succube : elle comprenait et appréciait malgré elle son égard et sa manière de penser. C'était étrange de ressentir cela pour elle, et malgré tout, elle ne s'y faisait pas vraiment pour l'instant.

Après s'être transformée pour dévoiler à  la femme son pouvoir – chose qu'elle ne faisait jamais mais qui ne la gênait pas forcément : elle se sentait autant animale qu'humaine, en réalité – se fut à l'autre de lui montrer une partie de ce qu'elle savait faire.

Joana l'observa franchement, sans avoir même l'idée de se détourner ou d'appréhender la vision. Comme elle en avait l'habitude, elle examina scrupuleusement chaque détail de se qui se présentait à elle, des ailes cuivrées à la queue fourchue et pleine d'épines, en passant pas le mystérieux tatouage qui ornait son front. Mais aussi ses yeux. Ses yeux d'une couleur si étrange, tout comme a forme de ses oreilles. C'était si fascinant que la jeune femme se perdit dans sa contemplation, s'oubliant elle même, encore plus qu'à son habitude.

Elle fut légèrement surprise lorsque les voix graves venues du profond de sa cage thoracique firent vibrer le sol sur lequel elle se tenait. Elle aurait cru qu'elle se transformerait de nouveau en l'humaine aux lunettes. Mais en réalité, ça ne la dérangeait pas.

Jo passa une main dans ses longs cheveux et y attrapa une mèche qu'elle roula autour de son index.

Elle écouta ses paroles d'une oreille. Des milliers de questions se bousculaient sous son crâne, sans qu'elle ne puisse les attraper toutes et les poser sur des mots. Elle essaya tout de même.

-Vous êtes belle, comme ça. Êtes vous la seule ou bien y a-t-il toute une race comme vous ? Est-ce que cette race se fond dans la population, comme moi je le fais, en se transformant en humain ?

Mais ce dont elle était sure, elle n'aurait su dire pourquoi, c'était que ces phénomènes paranormaux n'appartenaient pas qu'à elles deux. Elle présentait que, derrière tout ça se cachait une quantité astronomique de choses qu'elle ne comprenait pas et qu'on cachait aux Hommes.