Carte de Justification
- Heu... Excuse-moi, me demande le garçon d'un air un peu gêné. Ton nom c'est Elisia C'est ça ?
Je me tourne vers lui, appuyant sur la touche "pause" de mon baladeur MP3 et le regarde, ma joue appuyée sur ma main tandis que je suis assise à mon bureau.
- Oui, la prof vient de le dire en me présentant, lui fais-je remarquer d'un ton neutre.
Il a l'air un peu surpris, ce que je comprends facilement. Je viens d'arriver aujourd'hui au lycée de Seikusu après un transfert qui a pris un petit moment. J'imagine que ce ne doit pas être le genre de réaction qu'il pensait que j'aurais.
- Moi c'est Yamashita, enchanté ! Se reprend-t-il assez vite.
- Enchantée... Réponds-je en retournant à mon baladeur.
Je recommence à pianoter quelques secondes avant qu'il reprenne la parole d'une voix où je sens pointer de la surprise.
- Tu n'es pas très sociable... Constate-t-il d'un ton embêté.
- Et toi tu matte mes seins... Rétorque-je.
- HEIN ?!? MAIS NON ! JE TE JURE ! Se défend-t-il.
Je pose la main sur mes yeux et me tourne vers lui.
- De quelle couleur sont mes pupilles ?
Un long silence se fait. C'est bien ce que je croyais. Il m'aborde, mais n'est même pas capable de remarquer que mes yeux oscillent entre le bleu et le lilas suivant l'exposition lumineuse, alors que c'est loin d'être banal.
De toute façon, rien n'est normal chez moi. Mais ce que les gens qui me rencontrent regardent en premier, c'est ma dotation pulmonaire. Qu'ils soient fille ou garçon, c'est toujours le même constat. Pas un pour remarquer mes yeux, ou encore noter que mes cheveux sont d'un blancs pur comme la neige. Et il faut que je sois debout pour que certains remarquent que je fais presque deux mètres de haut.
- Tu as des beaux cheveux... Ils sont vraiment longs... Tente Yamashita, mais je sens qu'il essaie surtout de rattraper sa bourde.
- Laisse tomber... Soupire-je en retirant ma main pour retourner à mon baladeur. Je suis pas faite pour toi.
Je le vois dans la périphérie de mon champ de vision qui reste debout à côté de mon bureau quelques instants avant de partir. Je pousse un soupir. J'ai de la chance, lui n'a pas insisté ou été collant. C'est presque dommage, mais c'est mieux comme ça. Mieux vaux qu'il ne se fasse pas d'illusions. Mieux vaut qu'il m'oublie et qu'il passe à autre chose.
Je passe l'après-midi de cours très studieusement. Le Japonais n'est pas ma langue maternelle et j'ai parfois de la peine à comprendre quand le prof parle ou utilise des mots alambiqués. Dans l'ensemble je m'en sors pas trop mal, mais je suis obligée de monopoliser toute ma concentration pour réussir à suivre. Si bien que quand la cloche sonne la fin des cours, je suis vannée mentalement parlant. Passer de quinze ans d'école en français au lycée en japonais, je douille sévèrement. Mais bon, c'est mon choix, je vais pas me plaindre non plus.
Je commence à ramasser mes affaires pour partir. Je ne suis arrivée qu'aujourd'hui et je ne me suis pas encore inscrite à un club quelconque. Je vais devoir le faire mais je n'en ai pas trop envie. J'ai vu qu'il était possible d'utiliser la salle de musculation en-dehors des heures de cours et il y a une piscine de quartier pas loin de mon studio. Je me servirais de ça pour me tenir en forme en attendant.
Je n'ai pas grand-chose a perdre, je fais de la natation et de la natation synchronisée depuis que je suis toute petite avant de quitter mon Jura Français natal. Ça a bien contribué à sculpter mon corps, même si ma poitrine est devenue dérangeante ces dernière années pour la natation de vitesse et je suis assez fière d'affirmer que je peux retenir ma respiration sous l'eau pendant six minutes en apnée statique.
Pendant que je sors de la classe avec mes écouteurs sur les oreilles, deux filles m'accostent. Elles ne sont vraiment pas grandes et je leur rend presque deux bonne têtes. L'une est une japonaise typique aux cheveux sombres qui lui descendent jusqu'au milieu du dos et aux yeux noirs avec un visage fin mais encore quelques traces d’acné. l'autre est une métisse, probablement japonaise et une autre ethnie du nord car ses cheveux sont blonds, elle fait un tout petit plus d'une tête de moins que moi, a les yeux gris et un physique très élancé.
- Salut la nouvelle ! Commence la blonde avec un sourire enthousiaste et une voix haute perchée. Tu as déjà choisi un club ?
- Non... Réponds-je en penchant la tête pour la regarder par-dessus la bosse de ma poitrine.
- Tu ne voudrais pas rejoindre le club d’athlétisme ? Me demande timidement la japonaise de sa voix flutée tout en rougissant un peu.
Elle joue avec ses doigt pour essayer de passer sa nervosité, ce qui lui donne un air super mignon. Malheureusement pour elles, j'ai une excuse toute trouvée.
- Désolée, je fais déjà du sport en-dehors de l'école, réponds-je en baissant les yeux pour les saluer à la manière traditionnelle japonaise.
Les deux filles sont déçues, ça se lit sur leur visage, mais elles me disent que ce n'est pas grave et qu'elles espèrent qu'on pourra se revoir pour discuter. J'acquiesce tout en sachant que je ne ferais aucun effort pour les revoir.
Elles partent le long du couloir en direction du gymnase pendant que je prends la direction des casiers. Le soleil baisse gentiment à l'horizon, mais l'après-midi n'est pas très avancé. Nous sommes juste à une période où le soleil se couche tôt au Japon. ça me convient assez, je n'aime pas beaucoup le soleil. Il est trop chaud et trop agressif à mon goût. Je préfère de loin la douceur de la lumière de la lune.
Je change mes chaussures de classe pour mes chaussures de ville et quitte le bâtiment, la lanière de mon sac sur l'épaule. En chemin, je croise une petite fille et sa mère sur l'autre trottoir et je m'arrête pour les regarder. La petite ne doit pas avoir plus de cinq ou six ans. Elle est très souriante et sautille un peu partout autour de sa mère qui la regarde avec tendresse.
Je me surprends à esquisser un sourire mélancolique. C'est une situation que j'aurais bien aimé connaître.
Sauf que moi, entre quatre et sept ans, je passais près d'un tiers de l'année dans les hôpitaux. Depuis que je suis née, mon corps me joue des tours. Le plus improbable d'entre tous étant que je suis née sans sexe. Mais alors absolument rien. Quand je suis sortie du ventre ma mère, elle m'a raconté que le docteur avait tiré une sacrée tronche en voyant que mon entrejambe était tout lisse, qu'il n'y avait rien, pas même un canal urinaire. Aussi quand on a une mère qui voulait avoir la surprise de mon sexe quand je sortirais de son ventre, elle a été servie.
Je suis passée pour la première fois sur une table d'opération à seulement quelque semaines de vie, juste pour que je puisse me débarrasser des déchets de mon organisme comme les autres. J'ai passé suffisamment de radios pour en faire un bouquin. Tout semblait détraqué chez moi. On a dû me faire une prise de sang pour déterminer mes chromosomes afin de savoir si j'était un garçon ou une fille. Comme le résultat a été un double X, je suis donc supposée être une fille. Je dis "supposée" parce que l'espace dans mon ventre où je suis censée avoir un appareil génital est vide. je n'ai rien, ni ovaires, ni utérus, ni trompes de Fallope, ni même de vagin. Je suis bien nés avec un anus, mais sinon j'ai un simple canal urinaire entre les cuisses, rien de plus.
Ça a été la première grosse surprise. Ensuite en grandissant j'en ai eu des tas d'autres. Vers mes quatre ans, j'ai un rein qui est partis en sucette et j'ai fait une septicémie qui a failli me coûter ma peau. On a dû me réopérer pour me le retirer. Ensuite c'est mon foie qui a commencé à lâcher vers mes cinq ans. Là encore, nouvelle opération et j'ai reçu le foie d'un petit garçon qui s'est fait shooter par une bagnole quelque part en Italie. À sept ans, j'avais de telles aigreurs à l'estomac que j'ai été hospitalisée d’urgence après que mes acides gastriques aient commencé à digérer les parois de mes intestins.
Ça a pris des années et coûté très cher en médicaments, mais les médecins ont réussi à faire en sorte que je régule désormais normalement ma digestion sans aide extérieure. Sauf que les soucis ont continué à survenir a intervalles irréguliers.
Il n'en a pas fallu beaucoup plus pour que mon père n'en puisse plus. La tension nerveuse à chaque fois qu'il décrochait le téléphone de se demander si c'était une nouvelle fois l'hôpital pour annoncer que j'étais encore entre la vie et la mort a fini par tuer le couple de mes parents. Il a accepté de payer la pension alimentaire et il a quitté ma mère quand j'avais huit ans. Je ne comprenais déjà pas grand-chose à l'époque mais c'est devenu encore plus compliqué après le départ de mon père.
Ma mère s'est beaucoup battue pour moi, mais au final, vers mes douze ans, elle a fait une dépression quand j'ai encore été admise à l'hôpital parce qu'on avait détecté des traces de nécrose sur les parois de mes poumons. Je me suis trouvé en même temps qu'elle à l'hôpital, mais elle était dans le département psychologique de celui-ci.
En tournant le chemin vers mon studio, je me remémore le soleil couchant qui entrait par les vitres le jour où les médecins m'ont expliqué la situation. Le verdict est tombé comme la lame d'une guillotine : Si ma mère continuait à s'occuper de moi, son état ne ferait que s'empirer. Trop de tension nerveuse, et en plus elle se rongeais les sang à chaque fois que les médecins appelaient, anticipant à chaque fois qu'ils pourraient lui annoncer que j'étais arrivée trop tard ou qu'ils n'avaient rien pu faire.
Ma mère a été déclarée inapte médicalement a continuer a assurer ma tutelle. J'ai été placée en foyer d’accueil et n'ai plus pu revoir ma mère à cause des risques de rechute pour elle.
C'est vers cette époque que j'ai commencée à devenir apathique et renfermée. Je me foutais un peu de tout. J'étais obligée de vivre dans une chambre seule à cause de mes soucis de santé, je devais consulter un médecin tous les trimestres pour une batterie d'examen complets afin de détecter mes soucis avant qu'ils arrivent. Ma tutrice légale était une fonctionnaire qui avait une cinquantaine d'autres cas à gérer comme le miens et me voyais au mieux comme un numéro de dossier.
Je me sentais vide à l'époque. Alors j'ai profité de la pension de mon père et des aides de l'état pour acheter un ordinateur et me mettre à jouer quand je n'allais pas à l'école ou que je n'étais pas à la natation. Il fallait que je fasse du sport pour rester en forme et être dans l'eau était parmi les formes de sport les moins nocives pour ma santé. J'ai aussi commencé à regarder des dessins animés, puis j'ai eu une période où je ne faisais plus que lire des mangas.
Et pour mes quinze ans, j'ai eu l'annonce à laquelle je m'était résignée depuis un moment : j'étais condamnée. Mes analyses avaient révélé des métastases et des début de tumeurs par-ci par là dans mon corps. J'ai suivi le traitement, je n'avais pas vraiment le choix. Heureusement je n'ai pas eue à suivre de chimio et je n'ai pas perdu mes cheveux, mais j'ai toujours cinq à six pilules par repas à prendre. Les tumeurs ont pu être évacuées de mon corps, mais je suis en rémission depuis mes seize ans.
Je suis l'une des plus jeunes cancéreuse de la planète. Ma foi, autant se distinguer quelque part non ? Entre ça et le reste, si je ne philosophe pas un minimum, autant avaler toutes mes pilules d'un coup et attendre le résultat. D'après les médecins les plus optimistes, si je prend mon traitement et que je me présente bien à mes contrôles, je devrais pouvoir vivre encore quelques années. En étant optimiste, et au vu de mes antécédents, il paraît qu'il me reste quelque chose comme cinq ans à vivre.
Je souris en tournant la clé dans la serrure de ma porte d'entrée. Cinq ans... Ça c'était quand j'en avais seize. Donc il est hautement improbable que je dépasse vingt ans. Et dans ce laps de temps, je ne connaîtrais pas le sexe et il est fort probable que je ne connaisse pas l'amour. En même temps à quoi ça me servirais ? À regretter de laisser quelqu'un derrière moi ? À rendre une personne de plus triste quand viendra mon temps ?
- Ça n'en vaut pas la peine... Marmonne-je en français en poussant la porte de mon petit studio.
le seul bon point, c'est que j'ai pu pousser cet argument en avant pour récupérer ma tutelle auprès de l'état et faire ensuite une demande dans un programme d'échange international pour aller finir mes études au japon. Et plus qu'y finir mes études, je pense bien y finir ma vie.
Ça fait longtemps que je ne crois plus aux beaux gosses avec leurs slips par-dessus leurs collants pour venir me sauver. À moins d'un miracle, je ne vois pas bien ce qu'il me reste à faire. Je ne suis pas malheureuse. J'ai toujours eu un toit sur ma tête et trois repas par jour. J'ai été bien traitée, bien éduquée, en plus je suis jolie, que demander de plus ? J'ai même eu un peu d'argent de poche pour me faire plaisir de temps à autre.
Si dieu est sympa, il me laissera partir sans souffrir, de préférence dans mon lit pendant que dormiraiiiiiiiis !
Je me rattrape avec surprise sur un sol herbu. Qu'est-ce que de la putain d'herbe viens faire dans ma piaule ? On peut plus penser à son passé sans que quelqu'un vous joue un tour ici ?
Je me retourne pour ressortir, mais ma porte n'est plus là.
- Dafuck ?!?
Un tour sur moi-même me confirme que j'ai un léger problème... de relocalisation je pense...
Je suis au milieu d'une plaine légèrement vallonnée où ondule au rythme du vent une herbe verte et grasse qui m'arrive à la moitié du mollet. Et autour de moi, à perte de vue, rien !
Je sors mon téléphone, mais le réseau semble HS.
- Je suis pas dans la m... Constate-je un peu surprise.
Bon, ben rester ici à pleurer ne risque pas d'arranger ma situation... Le soleil est assez bas, ça doit donc être l'Ouest... À défaut d'autre chose, pourquoi pas ?
Autre
Elisia l'ignore, mais si corps a autant de ratés c'est à cause d'un tout autre problème qu'une santé fragile. Elisia a un potentiel magique énorme, le genre qu'on ne croise qu'une fois par siècle et encore. Mais comme elle en ignore tout et ne s'en sers jamais, son trop-plein de magie "déborde" et détériore son enveloppe charnelle, causant malformations, dysfonctionnements de son système immunitaire et si rien n'est fait pour y remédier, dans une échéance plus ou moins courte, ce sera la mort.
Comme dit plus haut, Elisia n'a pas de sexe, a comprendre par là qu'elle n'a pas d'appareil génital mais surtout qu'elle a les nerfs en vrac et que ceux-ci ne lui permettent pas de se livrer à un acte sexuel et y prendre du plaisir. Il reste bien son petit bouton de rose pour la posséder, mais en-là toujours, elle ne sentira rien si ce n'est la douleur. Ses seins ont une sensibilité normale, mais comme il manque le reste, elle ne peut pas jouir. Elle n'a donc pas d'alignement sexuel puisqu'elle en est incapable.
Cependant, si quelqu'un parvient à lui remettre cela en place de manière correcte et fonctionnelle, il y'a fort à parier qu'elle se montrera reconnaissante.
Crédits
Merci à la génialissime
Ailizen pour la carte d'étudiante tout en haut. J't'aime ma chérie ! :3