Carval allongea le bras pour permettre à Ernest de regarder l'écran de sa tablette, qui affichait une image probablement retransmise par une caméra, la salle Echidna. La vue n'avait pour le moment rien d’époustouflante ; c'était une salle qui ressemblait beaucoup à celle dans laquelle ils se tenaient, à la différence qu'il y avait deux tables en métal, et pas une seule. La lumière, elle, était pour sa part d'un blanc tout à fait commun. Dans un coin de la pièce, il y avait deux médecins en blouse que le mutant ne connaissait pas. L'un était un grand homme barbu, assez âgé, l'autre un individu plus jeune portant des lunettes aux verres épais.
« Non. Tu es une copie réalisée dans les laboratoires de l'Olympe Corporation. Tu as été crée pour leurrer les x-men, pour qu'ils t'emportent toi, et pas le sujet prime. Tel est le but originel de ton existence : être un leurre. Même tes souvenirs avec moi, ce n'était pas vraiment toi… Je sais, c'est décevant. Mais maintenant je t'offre une nouvelle raison d'être. Le véritable Ernest Lenoir… est mort, j'imagine. Il a été égaré quelque-part en Sibérie, après avoir fait prendre beaucoup de retard à notre projet. Ingrat. Quant aux autres clones, j'en ai encore trois à disposition, mais je peux t'assurer que tu aurais du mal à les considérer comme des frères. J'ai dû recoller les morceaux qui restaient d'eux. »
Il y eut un crépitement électrique, et Carval s'arrêta de parler. Le processus, manifestement, venait de débuter. Des diodes s'étaient allumées tout le long du tube, et des petits courants parcouraient à présent le liquide. Un rai lumière jaune émergea de la cervelle, et piqua vers le sol : là, il fut guidé par une rainure sur le sol, dans laquelle il s'engouffra. Le sillon le conduisit vers la table où était attaché Ernest, qu'il finit par frapper au sommet du crâne. Le processus était indolore, mais les fourmillements du mutant se firent plus prononcés. S'il n'avait pas été prévenu, peut-être même le cobaye ne se serait-il rendu compte de rien.
Puis dans la pièce, la lumière surnaturelle se tarit progressivement… et progressa de la même manière dans la salle Echidna, atteignant les deux tables vides par des conduits parallèles. La suite fut plus impressionnante, et se produisit simultanément et d'une manière semblable sur les deux plans de métal côte à côte.
« On ne vous clone que par deux, pour l'instant. De bonnes pistes sont à l'étude pour vous reproduire plus vite. Malheureusement ce qui reste de Calque n'a pas une capacité infinie à générer des rats. Cela m'a contraint à faire quelques optimisations dans mes plans. »
Il n'y eut d'abord que des frémissements dans l'air, puis la constitution d'une petite boule de chair, en suspension, qui se mit à tourner sur elle-même. À chaque tour, elle gagnait en grosseur et en complexité, et on pouvait voir s'y greffer de nouveaux tissus. Bientôt, Ernest pu y distinguer des organes, et il eut même le temps d’apercevoir le battement d'un cœur. Mais très rapidement, une couche d'os puis de peau puis de fourrure vint recouvrir ce qui ressemblait à présent à… deux copies conformes de rats humanoïdes. Ils ne portaient pas de vêtement, mais avaient la même absence de main.
« Voilà qui doit t’impressionner, rat. Ils ont tous tes souvenirs, exactement, jusqu'au moment où je t'ai injecté le stabilisateur. Le passage où je t'annonçais que tu allais mourir inclus. Pour l'un d'entre-eux, je n'ai pas menti. J'ai ordonné que ce soit celui de droite qui meurt. L'un plutôt que l'autre, je n'ai pas de raison précise… la mort est parfois arbitraire. Il nous fallait simplement des organes de rechange. »
Ernest put voir que l'un des scientifiques injecta un produit au cobbaye de gauche, qui cessa presque aussitôt tout mouvement. Carval appuya sur son micro et s'adressa aux opérateurs de la salle Echidna.
« Débutez la vivisection maintenant. »
Le scientifique aux lunettes approcha alors un chariot plein de matériel chirurgical. Il se saisit d'une grosse tondeuse, et rasa sommairement le torse de l'Ernest de droite. Puis, les mains gantées, le savant barbu, lui, dégagea un scalpel d'une trousse et commença doucement à inciser la peau du rat, en X. Aucun bruit n'était retransmis par la caméra, mais l'ambiance sonore de la salle n'était alors pas très difficile à deviner.