L'adolescente accueillit la réponse d'Ernest avec un nouvel éclat de rire, heureuse que l'atmosphère ne se tende pas trop. La question lui avait parut tellement délicate qu'elle avait mal choisi ses mots.
« Bon, c'est la première fois que je perds… Huuh, faudrait pas que ça arrive trop souvent, je… je sais pas comment je vais finir. »
Elle se versa un verre. L'exercice de précision était visiblement plus difficile que la première fois, et Eve dut se concentrer un minimum pour ne pas verser de liquide en dehors du récipient. En revanche, l'ingurgitation fut moins délicate : elle réussi presque à avaler les quelques centilitres d'une seule traite, et ses toussotements habituels ne furent cette fois qu'un léger gémissement amusé.
« Ben, toutes ces filles, elles étaient connes alors. Moi je te trouve très mignon. Je t'aurais rien demandé du tout si j'avais été une… Mh, dis, avec l'alcool, je devrais me sentir mal, pas vrai ? Vomir, tout ça ? Mais, je me sens bien. J'ai jamais été aussi… en forme ! » tenta-t-elle.
Son élocution qui devenait légèrement plus irrégulière témoignait pourtant d'un effet habituel et certain de l'ivresse pour qui était habitué à côtoyer des individus dans cet état. Sans doute l'effet n'était-il pour le moment qu'euphorisant, ou bluffait-elle un peu pour se donner une contenance.
« Oh, tu es bête… Vas y, bois ! Hey, mais tu en es à combien de verres ? C'est ton cinquième ? Est-ce que ça va toujours ? Je vais te faire boire encore… Je n'ai jamais embrassé personne sur la bouche. »
Ce n'était pas très subtil, mais elle avait l'air ravie de sa phrase. Elle attendit qu'Ernest s’exécute puis ajouta :
« On peut arrêter si tu veux. Un super rat de garde qui a trop bu ça ne garde rien… On a qu'à dire qu'on peut remplacer un verre par un gage, à partir de maintenant. Le choix entre un verre, ou un gage. »
Elle se pinça les lèvres tout en continuant à sourire. Depuis une bonne minute, elle gigotait légèrement sur place.
« Excuse, faut vraiment que j'aille aux toilettes. Tu regardes pas, d'accord ? »
S'il y réfléchissait, Ernest se rendrait compte qu'il ne l'avait jamais vu dans cette situation. Comme il semblait peu probable qu'Eve ne produise aucun déchet, il pouvait en déduire que par coquetterie féminine, elle avait soigneusement reporté, parfois avec peine, cette tâche aux moments où il était endormi ou absent. Une coquetterie féminine que l'alcool semblait assouplir.