C’était une belle matinée ensoleillée. Un léger vent frais venait du littoral, faisant se plier les palmiers plantés le long de la plage. Une matinée estivale, aurait-on pu dire. Un grand ciel bleu, quelques rares nuages blancs plantés à droite et à gauche. Les gens allaient faire leurs courses, et ceux qui travaillaient regardaient parles grandes baies vitrées en se disant qu’ils seraient bien mieux à la plage, plutôt que dans leurs boxes. Ils changèrent d’opinion quand la créature arriva.
Elle débarqua sur l’un des grands axes de circulation de la ville, un long boulevard en centre-ville avec une multitude de bosquets, de buissons, et d’arbres en plein milieu. Un boulevard comprenant au minimum quatre voies, et des rangées de magasins divers et variés à gauche et à droite, avec une multitude d’enseignes lumineuses et de néons qui brillaient comme des guirlandes de Noël quand le soleil se couchait. On y trouvait des vendeurs à la sauvette, ouvrant leurs grillages pour proposer aux passants leurs
rāmen et leurs concoctions de nouilles. Les bus du ramassage scolaire passaient fréquemment par ici quand, tôt le matin, ils apportaient les gamins des villages ruraux à proximité. Takagi Nishimura, un buraliste, était convaincu que ce serait une bonne journée. Inversement, Akiyoshi Nijo, lui, avait un mauvais pressentiment en étant dans sa voiture, une Honda, comme si le ciel allait soudain lui tomber sur la tête. Rien de surprenant, en soi : Akiyoshi était par nature un pessimiste, convaincu que, quand il faisait beau comme ça, c’est qu’une catastrophe se préparait.
Pour le coup, on ne pouvait pas lui dire tort.
Le monstre arriva en plein milieu de ce long boulevard, s’écrasant sur un rond-point. Personne ne le vit venir, ce fut comme si un mage l’avait téléporté. L’instant d’avant, il n’y avait rien de plus qu’un grand parterre d’herbes et de fleurs. L’instant d’après, une créature abominable, haute comme un immeuble, se tenait là. Comme si le créateur de
Godzilla avait laissé s’échapper l’une de ses créations de son studio. En train de discuter avec ses associés au téléphone portable, Arihito emboutit l’arrière d’une voiture qui avait pilé sous la surprise, et insulta copieusement le conducteur de devant, avant d’entendre le monstre hurler. Un hurlement terrifiant, surréaliste. Arihito tourna lentement sa tête sur la gauche... Et crut biens ‘étrangler en voyant la créature, dont les yeux jaunâtres regardaient autour d’elle :
Les automobilistes se ruèrent hors de leurs véhicules en hurlant, et le monstre, un immense golem, rugit. Énervé par les bruits de klaxon et les hurlements, et voyant de bons petits plats filer à toute allure, il bondit sur le sol, et attrapa une voiturez sans difficulté, ses énormes doigts explosant les vitres, tordant le toit de cette dernière. Il la souleva, et la balança en avant, comme une espèce de projectile. La voiture atterrit sur le sol, mordant le bitume, et le monstre continua à s’avancer. Son pied écrabouilla la Honda d’Akiyoshi, et provoqua une belle explosion quand il atteignit le réservoir d’essence. Le golem en fut surpris et recula spontanément, mais nullement blessé.
«
RRRRROOOOAAAARRRRRRRRRRR !! » hurla-t-il à nouveau.
Il s’avança furieusement, attrapant d’autres voitures pour les balancer dans le décor, et tourna la tête sur la droite en entendant des bruits.
Il y avait un bus, et des gens se ruaient pour en sortir. Un excellent vivier pour le monstre, qui s’avança de l’autre côté du boulevard. Il tendit sa main vers le bus, défonçant les vitres en essayant de saisir quelques jambes. Les personnes restées à l’intérieur poussèrent d’incompréhensibles hurlements pour lui, et roulèrent sur le sol. L’énorme patte du golem arracha les barres métalliques sur lesquelles les usagers pouvaient s’attacher, mais n’obtint personne. La main du golem tâta alors sur le sol, essayant d’attraper quelque chose, mais n’y parvint pas. Le golem grogna de dépit, retira sa main, et la posa sur le toit du bus, puis entreprit d’arracher la toiture. Il serra avec ses doigts, comprimant la toiture, la tordant et la cabossant, et l’arracha, comme on retirait un emballage de papier-cadeau. Il la balança au loin, et porta son attention sur son trophée.
Entre deux sièges, il y avait une lycéenne, recroquevillée contre le sol, remuant les lèvres. Lentement, le golem approcha son énorme main de la femme pour l’envoyer tout droit dans son estomac.