L’appareil furtif avait magnifiquement réussi à éviter les satellites tekhans pour se poser le long d’une solitaire plage bordant Nexus, entre deux étroites falaises. Ulrik était déjà là, lorsque le contrebandier était venu à lui. Le marchand trempait dans une sorte de trafic illicite consistant à revendre différents items magiques, qui, en temps normal, auraient du faire l’objet de taxes spéciales. Ulrik était bien loin de chez lui, pour se retrouver sur la plage d’un royaume médiéval. Il était ici depuis quelques heures, et avait dissimulé son vaisseau sous des bâches, qui ne laissaient apparaître que quelques lignes du noirâtre vaisseau mis à sa disposition par la Flibusterie d’Oldalis. La Flibusterie était une congrégation de pirates galactiques avec laquelle Ulrik était en affaires. Ne disposant pas d’un casier judiciaire dans la plupart des systèmes galactiques évolués, le bourlingueur était également un bon pilote, ce qui faisait que des truands faisaient souvent appel à lui pour aller chercher de précieux objets dans différents endroits de la galaxie, les récupérer, et les ramener. Ulrik ignorait pourquoi la Flibusterie voulait de la poussière de fée, mais il s’en moquait. Les Flibustiers avaient trouvé un vendeur sur une planète reculée qu’Ulrik avait déjà eu la chance de croiser : Terra.
Officiellement, Terra était encore à l’Âge de Minorité, et ne figurait donc pas dans la plupart des conventions galactiques entre grandes puissances. La planète n’appartenait à aucune puissance, et était isolée. Cependant, son sol était très riche, et la planète faisait partie, avec Terreaufair, de ces quelques et rares planètes où la magie était dense, Terra présentant la particularité d’avoir permis l’existence de civilisations intelligentes. Ulrik, qui se renseignait sur ce monde, était convaincu que, sans la présence d’un avant-poste formien, les Tekhanes auraient depuis longtemps dominé Terra, et se seraient lancées à la conquête de l’espace. En parvenant à quitter leur propre système solaire, elles auraient ainsi pu commercer avec les grandes puissances galactiques, et éventuellement rejoindre une quelconque alliance.
Le marchand avec qui Ulrik traitait prenait l’homme pour une sorte de contrebandier tekhan, et l’homme n’avait pas spécialement indiqué qu’il venait d’une autre galaxie, simplement que ses commanditaires étaient prêts à offrir une généreuse somme contre de la poussière de fée. Une offre qui défiait toute concurrence, et que le marchand avait fini par accepter. Le duo se rencontrait hors de la ville, tout en étant proche. Ils étaient dans une petite crique isolée, accessible par des grottes, suivant les coordonnées indiquées par le marchand, afin d’éviter de tomber sur des gardes.
L’air de cette planète faisait du bien à Ulrik. On était bien loin de l’atmosphère viciée et polluée de Gordan. Il n’y avait pas d’industries à Nexus, pas d’immenses forges où des machines colossales étaient construites. L’air y était pure, et il s'était posé le long d’une plage, observant l’écume de la mer, le grelot des vagues, et, au loin, la cohorte de navires venant et repartant du vaste port de la ville.
*
J’aurais bien fait du tourisme, si j’avais eu un peu plus de temps... Mais les affaires sont les affaires, après tout.*
Lemarchand lui offrit la poussière de fée, tout en lui expliquant que cette dernière était produite par une fée... Ce dont Ulrik ne se serait jamais douté, en réalité. Il lui expliqua, contrarié, qu’il avait perdu la fée à l’origine de la poussière, et qu’il était possible qu’elle soit avec lui. Ulrik ne pipa mot. Il espérait bien que non. Que diable pourrait-il faire avec une fée ? Le bourlingueur versa au marchand une bourse pleine de pièces d’or, et ce dernier s’en alla, à la fois heureux et triste, tout en lui ayant expliqué que la fée avait une clochette autour de son cou, qui tintait.
*
Drôle de type...*
Après le départ du marchand, Ulrik s’avança vers la bâche, et la fit tomber sur le sol, dévoilant un
élégant vaisseau spatial. Il l’avait surnommé la «
Pointe », en raison de son avant. Il s’agissait d’une sorte de longue pointe permettant, par des ouvertes, de générer des charges énergétiques. Le générateur du vaisseau se trouvait à l’avant, et cet appareil était rapide, et suffisamment performant pour échapper aux radars des satellites primaires.
Cette histoire de fée ne le gêna guère. Ulrik entra dans son vaisseau, qui était assez petit, mine de rien. Outre le cockpit, il y avait plusieurs pièces, dont sa chambre, un réfectoire, d’autres chambres, la chambre de stase, où il pouvait rentrer en hibernation dans le cadre d’un long voyage, et la soute. La soute comprenait plusieurs cartons métalliques abritant ses affaires, ainsi que d’autres marchandises que le contrebandier devait délivrer ici et là.
«
Bon... Il est temps de se décaniller d’ici. »
Ulrik referma la porte derrière lui, puis consulta son agenda électronique, afin de vérifier qu’il n’était pas en retard. S’il avait eu plus de temps, il aurait sans doute dépensé une partie de son argent dans les bordels nexusiens, afin de péter quelques culs, mais les affaires étaient les affaires. Il se rendit dans un premier temps vers le cockpit, et réveilla les moteurs, allumant le générateur. Les lumières s’allumèrent dans tout le vaisseau, tandis que le mode furtif s’enclencha. Dehors, un brouilleur optique fit disparaître le vaisseau, grâce à une sorte de matière spéciale qui réfléchissait de manière particulière les rayonnements solaires, afin de rendre le vaisseau invisible. Il fallait encore attendre que les moteurs chauffent suffisamment pour partir.
Il attendit quelques minutes, observant les machines, le tableau de bord, procédant à d’ultimes vérifications, puis contempla, silencieusement, la poussière de fée. On disait que ses propriétés étaient exceptionnelles, permettant notamment de voler, mais Ulrik savait aussi que la poussière de fée était utilisée pour faire de puissants psychotropes. Des stupéfiants. Il soupira silencieusement, puis se releva, et traversa le pont principal, rejoignant la soute.
Il ouvrit une caisse métallique abritant différents objets, et glissa la poussière de fée dans un coin, et referma l’ensemble. Il se releva ensuite, et, pris par un ultime scrupule, vérifia ses réserves.
«
Les générateurs électriques, c’est bon... La boustifaille... Ça tient. »
Il allait revenir dans l’espace, et, en plein milieu de l’espace intersidéral, il ne fallait pas spécialement s’attendre à des ravitaillements. Il écarta ensuite une caisse...Lorsqu’il entendit une clochette. Ulrik s’arrêta soudain, surpris, et se redressa soudain, portant la main à sa ceinture, là où se trouvait son arme de poing, un
Elah.
«
Qui va là ?! »
Il allait poursuivre, lorsque les moteurs se mirent à vrombir. Le pilote automatique venait de s’enclencher.
«
Merde ! » pesta l’homme.
Le sol se mit à trembler, et la caisse métallique glissa, le heurtant. Il n’avait pas eu le temps de la sangler, et il tomba sur le sol. Visiblement, le moteur venait de se réveiller plus vite que prévu, et le vaisseau fonça alors, envoyant voleter du sable, creusant un sillon dans l’eau, avant de remonter, pour filer comme une flèche. Ulrik pensa à s’accrocher à la sangle retenant le reste de ses marchandises, alors que la
Pointe filait dans la stratosphère, quittant rapidement cette dernière pour se retrouver dans l’espace.
Cependant, il n’avait pas oublié cette mystérieuse clochette.