Avait-elle joui ? Cette question, furtive, le traversa, avant de disparaître à son tour, noyé dans le plaisir terrible que son sexe lui procurait. Un plaisir dominateur et exclusif, qui ne souffrait nulle pensée contraire. Quand le sexe se réveillait, quand la pulsion explosait, elle englobait tout, et noyait tout le reste. Aveuglé par son propre désir, Ulrik peinait à savoir si Clochette appréciait ça, peinait à savoir si les cris qu’elle poussait étaient des cris de protestation ou des soupirs. Il y avait quelque chose de profondément terrifiant dans la manière dont il oubliait tout ce qu’il était, jusqu’à son identité, pour revenir au plus simple rapport qui soit, élémentaire et primaire : un homme et une femme. Et la complétude. Deux corps scellés ensemble, liés pour quelques moments d’éternité, pour des secondes intemporelles. Il la prenait contre le mur, et la douleur qu’il ressentait à la nuque avait fondu devant ce membre assoiffé. Était-ce de la douleur qu’il ressentait, ou un plaisir tellement terrible qu’il en était douloureux ? Les deux ne faisaient plus qu’un, facettes de la même pièce qui remuait frénétiquement, entrant et ressortant, baignant dans la mouille de la femme. Un plaisir dominateur, viril, machiste, et impérial. L’aurait-elle repoussé qu’il lui aurait souhaité dessus, se comportant alors comme une espèce de bête rangée. Le sexe était comme une lance qui transperçait ses pensées, son « moi » pour aller dans les profondeurs de son « ça », réveillant la bête primitive qui dormait en chaque individu, une bête qui, une fois lâchée, ne pensait plus qu’à son propre plaisir, de manière égoïste. Plus le plaisir montait, et plus Ulrik partait du principe que Clochette était naturellement enjouée à l’idée de se faire prendre. Difficile, alors, de dissocier le simple amant du violeur. Ce qui était sûr, c’est que, au début, il avait essayé de faire en sorte que Clochette soit impatiente, et, ce faisant, sa conscience ne venait pas le travailler.
Il la pénétrait donc, et la sentit alors se redresser, pour lécher son oreille. Il en frémit, raffermissant sa prise sur son joli cul, et la sentit mordiller le lobe de son oreille, gémissant contre lui. Sainte mère de Dieu, s’il aimait ça ! Elle continuait encore à le chauffer, et Ulrik poussa un soupir, étouffé par le corps de Clochette contre lequel sa tête se mit à taper, et il sentait le moment venir à son tour. Son sexe baignait dans cette mouille, et, après que Clochette eût joué avec son oreille, il la prit entre ses bras. Elle se blottit contre lui, se lovant amoureusement, si fine et gracieuse. Sa main se décolla de ses fesses pour enserrer le bas de son dos, son autre main resta sur ses cheveux, plaquant la femme contre lui, et c’est dans cette position qu’il finit par jouir, en décollant la fée du mur, et en la tenant ainsi.
Son rythme décrut lentement, alors qu’il soupirait, jouissant lentement en elle, éjaculant avec plaisir, sans cri, simplement en se laissant aller, soupirant légèrement à chaque éjaculation. Son sexe se vida en elle, lâchant des giclées de sperme qui filèrent dans son corps. Ses jambes étaient salies par la mouille de Clochette, sa cyprine qui filait sur le sol, et il s’abandonna en elle pendant quelques secondes, avant de peu à peu décroître le rythme. Le plaisir aveuglant avait tué toute fatigue, et, maintenant qu’il venait de jouir, maintenant qu’il venait de s’abandonner en elle, il sentit le contrecoup venir.
Les soupirs laissèrent ainsi la place aux gémissements, mais il conserva Clochette contre lui. Il était hors-de-question qu’elle s’éloigne trop de son corps. Il la laissa contre lui pendant un temps, les deux amants semblant ne plus bouger. Clochette était trempée, tout comme lui. Son torse était chaud, la sueur en sortait, et son membre restait en elle, dégrossissant peu à peu. Il aurait suffi de le flatter un peu pour réveiller son érection, mais il n’oubliait pas que c’était la première fois de la fée. Il ne fallait pas non plus trop en demander.
« L’amour, Clochette... »
Rompant le silence, il se racla ensuite la gorge, en constatant que sa voix était légèrement étouffée. D’une main, il lui caressait tendrement les cheveux, et l’autre glissait le long de son dos. Il était temps, pour lui, de cesser les cachotteries, et de dire clairement les choses.
« C’est ainsi qu’on procréé, Clochette... Tu comprends ce mot, je suppose ? Faire des bébés... Le sexe est le seul moyen offert aux humains pour se perpétuer... J’ignore si ça fonctionne comme ça pour les fées aussi... On appelle ça faire l’amour, c’est aussi vieux que le monde... Et particulièrement délicieux, comme tu as pu le voir. Après tout, si ça ne l’était pas, il n’y aurait pas autant de bébés, hein ? La Nature fait bien les choses, et ce n’est pas un canon comme toi qui pourras prétendre le contraire. »
Sa voix était faible, éreintée, comme s’il venait de courir un marathon. Il la plaquait toujours contre lui, mais il savait qu’elle écoutait. Elle subissait le contrecoup de l’orgasme, une sorte de détente, de béatitude... Un sentiment qui s’accompagnait d’une fatigue physique, et qui donnait envie de dormir, tant on se sentait bien et serein... Il n’y avait pas réellement de mots, au sens d’Ulrik, pour découvrir ce sentiment... La complétude menait à la plénitude, mais il se devait quand même de lui expliquer.
« Comme c’était ta première fois, tu as perdu du sang... On appelle ça l’hymen, ma belle, mais... La prochaine fois, il n’y aura plus de sang. Nous avons fait l’amour ensemble, Clochette, et je continuerais à t’éduquer... Car, une fois qu’on y a goûté, c’est comme une drogue. »
Il l’embrassa tendrement sur le front.
« Aussi ne t’inquiète pas, ma belle, car on recommencera ça, si tu le souhaites... »
Et quelque chose lui disait que la fée ne serait nullement contre l’idée de réitérer l’expérience.