ALICE KORVANDER
La Princesse était bien loin d’être rassurée, surtout quand Liddell, tout en l’entraînant à travers les couloirs sinistres de ce château dément, se mit à chanter. Alice avait l’impression d’être guidée par une folle, et, si elle avait lu Lewis Carroll, elle aurait plus que jamais eu l’impression d’être entraînée dans les profondeurs de la folie. Les deux femmes avançaient dans un dédale de couloirs obscurs et silencieux, vide de toute présence humaine... La nuit, les prédateurs chassaient, et les proies se terraient, en espérant que les prédateurs ne viendraient pas les débusquer. Alice était nerveuse, le cœur balançant de plus en plus rapidement dans sa poitrine. Cette femme l’effrayait, tout simplement. Il y avait en elle quelque chose de profondément malsain, de dérangé et de malade. Elle était folle, ce que la Princesse avait eu l’occasion de noter, et elle l’emmenait dans les profondeurs de son château. Comment Zyra allait-elle bien pouvoir la retrouver, maintenant ? Alice se sermonnait elle-même d’avoir accepté la mission de Coehoorn. Elle aurait du laisser le Maréchal se débrouiller. La Reine d’Herzeleid avançait rapidement, toute guillerette, et elles dévalaient des escaliers interminables, jusqu’à arriver dans un endroit on ne peut plus sinistre... Les cachots.
Comme si elle avait vaguement conscience que la décoration venait de changer, passant du macabre au... Au
très macabre, Liddell se retourna, dévisageant Alice, et essaya de la rassurer... Ne faisant que l’inquiéter davantage :
«
Allez... N'ayez crainte votre Altesse... Je ne vous ferais rien. »
Autant dire que, quand quelqu’un se sentait obligé de vous dire ça, c’était précisément le moment où il fallait paniquer. Alice déglutit silencieusement, ne lui répondant pas, et la Reine d’Herzeleid la guida dans les cachots. Alice savait que les cachots n’étaient jamais vraiment glamour. Les prisons sylvandines se trouvaient dans la roche, à partir de Motte-la-Vallée. On avait creusé des galeries, enfermant les prisonniers dans les grottes, et l’endroit était loin d’être très agréable... Mais les cachots d’Herzeleid étaient encore plus sinistres, évoquant les geôles des pires donjons ashnardiens. Des protes énormes, des couloirs sombres, des gémissements, le cliquètement des chaînes... Alice allait de moins en moins bien, alors que Liddell, visiblement guère nerveuse, s’avançait joyeusement. À tout moment, Alice s’attendait à tomber sur un bourreau qui chercherait à la tuer, et les traces d’affection de la femme devant elle, loin de la rassurer, ne l’effrayaient que davantage.
La Princesse tremblait, ayant l’impression d’être dans un film d’horreur, quand une femme tapa contre une prote, son visage crasseux apparaissant dans la petite fenêtre. Alice manqua tomber à la renverse, ses yeux écarquillés, devant cette apparition cauchemardesque. Une femme enceinte suppliait Liddell de la faire sortir, et, si la Reine sembla, elle aussi, surprise, elle sembla vouloir rapidement mettre un terme à l’incident.
*
Mon Dieu...*
Cette pauvre femme… Alice était effrayée par ce spectacle sinistre. Comble de la torture, la Reine brandit sous elle une clef, la sortie de son supplice, avant de l’envoyer bouler. Liddell attrapa ensuite Alice par la main, lui intimant de sortir d’ici, tandis que la jeune femme enceinte pleurait silencieusement. Alice ne fit que quelques pas avant de s’arrêter, son hébétude laissant place à une sorte de résolution assurée et déterminée. Elle savait ce qu’elle allait faire.
«
Attendez... »
Alice savait que la Reine ne répondrait pas à sa question.
«
Il... Il y a quelque chose qu’il faut que... »
La Princesse regarda autour d’elle, nerveusement, comme si elle avait peur que quelqu’un ne l’écoute.
«
Tous ces cris... Vous... Tu le sais, j’ai du sang de dragons dans les veines, alors... »
Elle se mordilla les lèvres, posa ses mains sur les épaules de la Reine, et, sans prévenir, se blottit contre elle, et l’embrassa. Ce fut aussi subit qu’inattendu, et ses lèvres se plaquèrent sur les lèvres bleuâtres de la femme, alors qu’elle allait mordiller l’une de ses lèvres, lui roulant une pelle. Elle prolongea le baiser pendant quelques secondes, amadouant la Reine, ses mains glissant le long de sa nuisette, comme pour aller palper ses seins... Et elle attrapa alors le pendentif qui pendait le long du cou de la femme, et tira un coup sec dessus, faisant sauter le lacet.
Alice la repoussa alors avec son autre main, et rompit le baiser, puis enfonça la clef dans la serrure de la cellule où se trouvait la femme enceinte.
«
...Alors, chez moi, on ne laisse pas les femmes enceintes seules dans un trou infâme, Majesté. »
Elle tourna la clef, et ouvrit la porte.
ZYRA
Les yeux de Zyra brûlaient de rage devant le spectacle auquel elle assistait, devant cette scène de torture... Toutes les rumeurs sur Herzeleid semblaient être en-deçà de la réalité. La folie et la perversion avaient complètement contaminé ces terres. Si ça ne tenait qu’à Zyra, elle raserait tout, afin de tout reconstruire, sur des bases différentes. Elle savait que ces expériences n’étaient pas anodines, et qu’elles devaient être ordonnées par Liddell, ou par cet affreux gnome qui semblait tirer les ficelles du pouvoir ici. Elle regarda les infirmières en les fusillant du regard, des arcs électriques crépitant au bout de ses doigts... Quand un coup de feu retentit à côté d’elle. Zyra saignait encore de la tempe, et tourna la tête. L’autre femme s’était relevée, brandissant sa pétoire devant elle.
«
Au final... Je sais même pas ce que l'ont va faire d'une sale truie comme toi... La diplomatie nous oblige à te laisser en vie... Mais mon gros doigt me dit qu'il serait préférable de te baiser et ensuite de te laisser aux mains de miss Engel, ici présente... Qu'en dis-tu ? »
L’intéressée ne répondit pas, reculant lentement, probablement pour sortir une autre arme. Zyra était entre les deux, et regarda Engel, avant de regarder à nouveau Marta.
«
Je suis originaire du royaume d’Omybian. Un nom qui ne vous dira sans doute rien. Là-bas, nous avons des animaux très particuliers, des héritiers des temps anciens... Des dinosaures. J’ai grandi dans une caste guerrière chevauchant des ptérodactyles, et j’ai affronté des raptors pour prouver que j’étais digne d’être une guerrière. J’ai affronté un tyrannosaure avec mes camarades de guerre, et nous avons mangé sa viande après l’avoir tué. Crois-tu donc que ta vulgaire pétoire peut me menacer ? »
Les yeux de Zyra continuaient à flamboyer. Si Engel avait besoin de temps, Zyra aussi. Elle reforgeait son bouclier. Même la magie ne pouvait éternellement la protéger d’une arme à feu, et Zyra savait que ses options étaient limitées. Si la garde débarquait, elel serait en criante infériorité numérique. Il lui fallait trouver un plan de secours. Elle en eut finalement un quand elle comprit que ces femmes ne voulaient pas la tuer... Leurs hormones parlaient, ainsi que leur peur. Zyra comprit que la Reine devait sincèrement vouloir préserver ses liens avec Ashnard. Or, la disparition d’un Commandeur serait du plus mauvais effet. Zyra savait qu’Engel allait vouloir l’endormir pour pouvoir, par la suite, profiter d’elle, lui effacer la mémoire, et en profiter pour la violer. À la seule idée de se retrouver sur cette table d’opération, Zyra en avait des frissons.
Elle se retourna donc vers Marta, lui faisant face, et continua son petit discours.
«
J’ai voulu quitter Omybian pour voir, par moi-même, le monde... J’ai beaucoup voyagé, mais je dois admettre que, niveau glauque et démence, Herzeleid décroche la palme. Crois bien que j’adorerais t’arracher ta putain de queue, et te la faire bouffer, foutue salope. »
Engel se rapprochait. Zyra la sentait, car elle avait profité de ce moment pour étendre ses cercles de perception. La magie n’était pas très familière à Herzeleid. Engel fonça sur elle, pour essayer de planter la seringue... Malheureusement, Zyra dfut plus rapide. Elle bondit sur le côté, et la seringue la manqua de peu, heurtant son armure. La pointe se brisa sur son épaulière, et Zyra, après avoir fait un pas de côté, se retourna sur elle-même. Sa main attrapa la gorge d’Engel, et elle sortit sa dague, la plantant contre la peau de la femme. Elle la tenait en otage.
«
Je n’aime pas avoir à me répéter... Vous n’êtes pas en position de négocier avec moi. Relâchez cette femme. »
Le tranchant de sa lame s’enfonça légèrement dans la peau de la « doctoresse », faisant couler un peu de son sang.