«
Voici donc le château... »
Alice tourna la tête en entendant les deux iguanes de
Xyola gronder. La «
Maîtresse des Iguanes » avait les bras croisés en regardant l’imposante structure se détachant devant le cortège. C’était un impressionnant château, dans une ville puante et intoxiquée par la vapeur, les machines, et le bruit étouffant des forges.
«
Mes bébés n’aiment pas cet endroit, l’air est vicié, glissa Xyola en s’avançant lentement, sa main gantée et griffue venant caresser les cheveux d’Alice.
Je vous sens tendue, Majesté... -
Oh... Non, c’est que... -
L’air n’est pas aussi bon que dans vos montagnes, je présume… -
Je... Oui, en effet... -
Après tout, c’est vous qui avez tenu à ce que nous nous engagions dans l’option diplomatique. Si ça n’avait tenu qu’à moi... -
L’Empire préfère concentrer ses forces et ses élites sur des ennemis plus préoccupants qu’Herzeleid et une petite dictatrice d’opérette. »
La voix ferme de l’homme coupa Xyola, qui émit un sifflement désapprobateur, faisant sortir d’entre ses lèvres une longue langue reptilienne. L’homme qui venait de parler avait beau n’être qu’un simple humain, il n’était jamais recommandé de se heurter à la présence du
Maréchal Coehoorn Var Emreis, l’un des Grands Maréchaux de l’armée ashnardienne. Coehoorn avait fait ses classes, et était considéré comme un stratège hors pair, quelqu’un qui réussissait à concilier différents enjeux, et était un aussi bon militaire qu’un économiste. Il était le frère d’un conseiller impérial, Emhyr Van Emreis, qui, contrairement à Coehoorn, était un politicien avisé, soit un individu manœuvrant dans les complots, les trahisons, et les bassesses politiques. Coehoorn était un homme respecté et adulé par la population, pour les nombreuses victoires qu’il avait accompli contre les ennemis de l’Empire. Coehoorn s’avançait lentement, vers le corps de garde du château.
Il y a quelques semaines, les troupes du royaume d’Herzeleid avaient commencé à attaquer une région limitrophe, qui s’avérait être une colonie ashnardienne. Des villages avaient été brûlés, pillés, et une caserne militaire attaquée. En réponse, le gouverneur local avait demandé de l’aide aux Impériaux, et les Ashnardiens avaient contre-attaqué, repoussant l’avancée des soldats d’Herzeleid. Leurs soldats et leurs armes s’étaient heurtés aux démons ashnardiens, à des Drow pilotant des araignées géantes, à des mages nécromanciens qui invoquaient des bataillons de Draugr pour repousser les ennemis. La situation était en train de s’envenimer, et, si les Ashnardiens avaient pu repousser les ennemis hors de leur ligne, Herzeleid s’apprêtait à envoyer des renforts. Devant la puissance de leur armée, une Légion entière avait été déployée, s’implantant dans les casernes militaires de la colonie, et dressant d’énormes camps. Des cohortes de démons se dressaient ainsi, formant une redoutable armée. Trébuchets, géants, infernales armes de siège, une véritable armée s’était déployée, prête à pulvériser Herzeleid, selon les bons vieux concepts ashnardiens : tout raser, pour tout reconstruire sur des bases neuves. Naturellement, les dragons de Sylvandell avaient été déployés.
Plusieurs rapports d’espions avaient permis de savoir qu’Herzeleid était récemment arrivée sous le contrôle d’une mystérieuse femme, Alice Liddell. Les espions n’avaient pas réussi à retracer son origine, mais elle avait été couronnée Reine après la mort de sa mère. Beaucoup de soupçons portaient sur l’identité du meurtrier, et le rapport ashnardien soupçonnait que Liddell était la responsable, dans la mesure où la mort de la Reine lui avait offert le contrôle du royaume. Elle était devenue la Reine, et avait instauré un régime dictatorial et militariste répressif. Elle attaquait les royaumes voisins sans aucune distinction, et on la soupçonnait d’être démente. Les Ashnardiens s’étaient réunis. Assiéger Herzeleid serait long et difficile, car le royaume était puissant. Bien sûr, ce n’était pas impossible, mais il aurait fallu récupérer des garnisons de l’armée principale ashnardienne, celle qui se concentrait sur Nexus. Stratégiquement parlant, Herzeleid ne valait pas la peine d’affaiblir les troupes déployées contre les Nexusiens. Plusieurs Ashnardiens, dont Alice, avaient alors soutenu la possibilité d’envisager une sorte d’alliance, de pacte de non-agression. Herzeleid aurait le temps de mieux s’armer, de s’étendre, et, une fois Nexus tombée, les Ashnardiens auraient tout le temps de s’occuper d’Alice Liddell. Les Ashnardiens ne pouvaient pas laisser indemne un royaume militariste, qui constituait une concurrence directe, mais ils ne pouvaient pas attaquer sur tous les fronts.
Plusieurs
gardes impériaux d’élite les accompagnaient. À la surprise des Ashnardiens, Herzeleid avait accepté l’idée de pourparlers. Tout le monde s’était attendu à ce que Liddell les refuse, ce qui aurait, de facto, bloqué la voie à une option diplomatique. Ce scénario ne s’était pas produit, et Coehoorn avait décidé de présider les pourparlers en personne. Il était accompagné de Xyola, une Ashnardienne influente, d’Alice, et d’un Commandeur, attaché à la protection de la Princesse,
Zyra. Zyra était une femme survoltée, et particulièrement douée, dont le plaisir favori était de sauter entre plusieurs dragons en plein vol.
«
Bon... Allons-y. j’espère juste que ce n’est pas un piège grossier. »
Alice, en toute honnêteté, l’espérait aussi. Elle aurait préféré ne pas avoir à venir, mais les Impériaux avaient insisté. On disait qu’Alice avait, dans sa
robe bleue de diplomate, un indéniable talent diplomatique. Mais ça n’empêchait rien au fait qu’elle n’était guère rassurée à l’idée d’entrer dans un tel château.
*
Gloups.*