MATTHEW
«
Non, pitié, ne... Aaaaaaaaah !! »
Le hurlement du soldat mourut dans des geysers de sang quand sa tête sortit de son corps, avec une longue queue blanche et rouge derrière : un morceau de sa colonne vertébrale. Son sang explosa sur l’uniforme du sergent, qui glissa sur une flaque de sang, et s’affala sur le sol, incrédule, devant ce spectacle sinistre. Le sergent s’appelait Matthew, et n’avait rien de particulier, si ce n’est d’être un salaud. Cette description correspondait à peu près à la plupart des gardes travaillant dans les bas-fonds nexusiens. Matthew couvrait des activités de stupéfiants, étant payé, soit avec des pièces d’or trébuchantes, soit en nature, dans l’un des nombreux bordels des bas-fonds tenus par les criminels nexusiens. Capitale économique du monde, Nexus était aussi une importante plaque tournante du marché noir. Dans certaines maisons des bas-fonds, on pouvait avoir tout ce qu’on voulait, et le seul moyen rentable de faire son trou dans les bas-fonds était de s’acoquiner avec les gens influents, et d’éviter de trop se rapprocher d’une bande, afin de ne pas servir d’exemple pour une autre bande. Sur le long terme, Matthew avait compris comment ça marchait, et il pouvait honnêtement dire qu’il s’en sortait plutôt bien.
Mais il avait fallu que la petite pétasse de Susan Doyle se fasse attraper. Susan Doyle ? C’était la fille du tisserand, Doyle, un individu influent, un bourgeois. Ses robes étaient vendues à prix d’or, et il avait de bons amis au sein de la noblesse, allant jusqu’au Conseil de régence lui-même. Or, il était de notoriété publique que sa fille, Susan Doyle, était une droguée défoncée au fisstech. L’une des plus importantes activités de Matthew était de surveiller la santé de la fille Doyle. Comme il ne pouvait pas se déplacer en personne, elle était toujours suivie, soit par des Nexusiens, soit par les propres hommes de son dealer. Susan Doyle payait bien, et elle achetait en gros pour des soirées très festives dans certains quartiers huppés de Nexus. Malheureusement, elle, son dealer, et tous leurs hommes, avaient été massacrés par celui qu’on surnommait «
Le Boucher Vampirique ». Le Boucher désignait un tueur en série particulièrement glauque, qui tuait sans aucune raison objective, laissant ses victimes en pièce, avec la particularité d’être totalement exsangues.
Le Boucher sévissait depuis plusieurs mois dans les rues de Nexus, restant dans les bas-fonds, frappant au hasard. Il avait commencé par une simple patrouille de gangsters, leur tombant dessus. On avait entendu des hurlements sinistres. Il avait également commis bon nombre de meurtres dans les égouts. Les différentes bandes régnant sur les bas-fonds s’étaient pendant un temps mutuellement accusés de commettre ces atrocités, et avaient décidé de traquer ensemble le Boucher. Le suspectant d’errer dans l’un des nombreuses cryptes des égouts, une grande battue avait été organisée. Cependant, les égouts de Nexus étaient dangereux. Hantés par des monstres, comme les noyeurs, ils étaient labyrinthiques et tortueux. Les différentes bandes avaient déployé en tout une cinquantaine d’hommes. Seulement cinq en étaient revenus, sans qu’il ne soit possible de déterminer si c’était les monstres qui les avaient tués, ou le Boucher. Un autre exploit du Boucher avait été de massacrer tout un tripot souterrain, provoquant la mort de quinze personnes, dans une scène de carnage particulièrement glauque. Sans tout le sang, les scènes de meurtre du Boucher étaient curieuses. Il y avait l’odeur, les corps déchiquetés, mais tout était propre. Les os arrachés étaient tous blancs, légèrement trempés, recouverts de la salive du monstre.
La garde nexusienne des bas-fonds n’était pas motivée pour combattre ce genre de choses, et la tête du Boucher avait été mise à prix... Jusqu’à ce que Doyle meure. La mort de la fille adorée de Doyle avait secoué ce dernier. La réalité était que Doyle avait une relation incestueuse avec sa fille, et qu’il était donc fortement mécontent de sa mort. Il avait exigé que la Garde mette les bouchées doubles, et ses amis avaient menacé les gens comme Matthew de s’activer, s’ils ne voulaient pas se retrouver dans les colonies nexusiennes éloignées, à surveiller les mines, et à combattre des putréfacteurs, des trolls, et des bandes d’Orcs. Parallèlement, la mise à prix du Boucher avait singulièrement augmenté, d’autant plus qu’elle était désormais gérée par l’État lui-même, attirant dès lors quantité de mercenaires.
Matthew avait suivi une piste sur une possible planque du Boucher. Il était venu avec six gardes, pour se faire attaquer par le monstre.
EPHEMERA
Ils la suppliaient... Elle n’arrivait pas à s’en lasser. La Dame des Ombres adorait, tout simplement, qu’on la supplie, qu’on se prosterne à ses pieds, en essayant désespérément de ne pas mourir. C’était ainsi qu’on voyait à quel point les humains étaient des larves placides acceptant si facilement le fait de mourir. Soit ils restaient silencieux en la bravant du regard, espérant sans doute que ceci l’empêcherait de les tuer, soit ils hurlaient, gémissaient, se lamentaient, et se pissaient dessus.
C’était précisément le cas de ce petit sergent, dont les pupilles dilatées dénotaient une affection au fisstech. Ils étaient tous laids, et elle n’avait aucun scrupule à les tuer, bien au contraire. Tout ceci l’excitait particulièrement, et ses lames avaient tranché dans le vif, les tuant, sans aucune chance pour eux d’en survivre. Dans l’ombre, Ephemera était invincible, se téléportant n’importe où pour frapper où bon lui semblait. Il ne restait plus qu’un survivant, qui pleurait en rampant, couvert du sang de ses amis. Lentement, Ephemera relâcha la tête pâle de l’homme qu’elle avait arraché de sa tête, et s’avança lentement, des volutes d’ombre tournoyant autour d’elle.
«
Je... Je vous en prie, ne... Ne me tuez pas ! »
Ephemera pencha la tête sur le côté, et souleva sa jambe, l’abattant sur l’entre-jambes de l’homme.
«
Penses-tu mériter de vivre, petit humain ? » glissa-t-elle alors, un sourire sardonique sur les lèvres.
Elle tendit sa main, se penchant, et l’homme put ainsi voir qu’Ephemera n’avait pas de yeux, seulement deux orbites noires. Elle le souleva à la gorge, le souleva. L’homme chercha à se débattre, la frappant avec ses genoux. Ridicule.
«
Cet entrepôt minable n’est pas moi, j’avais juste eu envie de m’amuser avec quelques gardes. Rassure-toi, je ne vais pas te tuer... »
Elle le relâcha, et l’homme tomba sur le sol.
«
Je vais faire en sorte que tu me supplies de te tuer. »
Ephemera restait face à lui, et, dans l’ombre, des tentacules jaillirent, le saisissant par les poignets et les chevilles, le soulevant. Les tentacules serrèrent alors, l’immobilisant, et la Dame des Ombres, avec un sourire goguenard, s’écarta, et déchira le bras d’un soldat mort, provoquant des bruits de déchirement sinistres. Elle lécha les plaies, puis approcha le moignon de l’homme.
«
Tu veux goûter ? Ton subordonné avait un sang délicieux ! »