Quand la douche de sang s’abattit sur le corps de l’elfe, ses yeux s’écarquillèrent. Ephemera ne pouvait pas le voir, mais elle aurait presque juré que l’elfe pleurait... Sa terreur et sa souffrance étaient délectables, et, tandis que les tentacules torturaient le corps nu, le dépeçaient, le brisaient, un sourire ravi naquit sur les lèvres noires de la Dame des Ombres. Ephemera trouvait ça tellement excitant ! De plus, la douleur et la terreur de l’elfe ne masquaient pas le plaisir que son corps éprouvait. Ses cuisses étaient trempées, et Ephemera soupira de plaisir, continuant à la triturer sans relâche, ses tentacules remuant, la pénétrant longuement, vigoureusement. Elle attendit que l’elfe jouisse, ce qu’elle fit en divaguant, comatant. Arillë était sonnée, son esprit brisé, et les tentacules relâchèrent l’elfe après de longues minutes, la balançant contre le mur opposé. Elle s’écroula mollement sur le sol, inerte, remplie de sang, de veines, de morceaux d’os et d’organes collés contre son corps et ses cheveux. Une veine filait le long de son épaule, et Ephemera s’approcha lentement d’elle.
« Tu as cru pouvoir me dominer, arrogante elfe... Tu as cru qu’il suffisait d’un pistolet et de ton courage pour oser jouer dans ma cour... Je t’ai montré, elfe... Je t’ai montré une leçon que tu retiendras. Ne défie pas ce qui est plus fort que toi. »
Un sourire naquit sur les lèvres de la sanglante femme. Cruelle, Ephemera aurait pu tuer Arillë, ou l’emmener à Drakengord. Pour son meurtre, son âme était noircie. Elle avait abattu la neko, sans aucune raison. Un pur acte de malfaisance. Ephemera ne faisait rien de plus qu’appliquer la justice. Si elle traînait Arillë à Drakengord, aucun ange ne viendrait la sauver. Elle deviendrait alors à jamais son esclave, un atome de douleur que la Dame des Ombres entretiendrait entre les murs de sa prison infernale. Elle la fouetterait sans relâche, et Arillë y prendrait goût... Et elle déverserait sa haine sur les autres. Elle deviendrait l’une de ses amantes, créature de haine et de cruauté, festoyant dans l’orgie des corps calcinés, des hurlements des suppliciés, dans l’odeur délectable de la chair en putréfaction, au milieu des lamentations et de la souffrance. Ephemera en frémirait presque...
...Mais non.
Ses doigts caressèrent tendrement la joue d’Arillë. Son corps était couvert de sang, et elle entreprit de la débarrasser de ses ultimes traces de vêtements. Ses mains remuèrent sur son corps, achevant définitivement de la déshabiller.
« La garde va venir. Si je te laisse là, c’est toi qu’ils pendront... Alors, je vais t’offrir une chance de sortie... Peut-être me remercieras-tu, ou m’oublieras-tu... Mais, dans tous les cas, tu retiendras que, parfois, les ombres ne doivent pas être défiées... »
Ephemera se releva, et alla voir le cadavre démantibulé. Patiemment, elle s’appliqua, le vidant de l’intérieur. Le sang remplit la pièce, alors qu’elle arrachait, les uns après les autres, chacun des organes, les retirant, formant des tas informes et répugnants sur le sol, mélanges d’os, de veines, de sang, d’organes... Elle creva chacun des deux yeux de la femme, les retirant. Ephemera hésita un peu, puis les jeta sur le sol, les faisant rouler. Le sang continuait à filer, et elle s’attaqua ensuite aux lèvres et aux dents, les arrachant lentement, délicatement, continuant à violer le cadavre. Elle continua encore son office, jusqu’à ce qu’il ne reste finalement plus rien dans le corps, rien de plus qu’une peau, ouverte en deux, hideusement défigurée.
Patiemment, la Dame des Ombres avait tout retiré, et s’occupa un peu d’elle.
« Viens à moi, ma belle... »
Ephemera attrapa Arillë, et l’allongea à côté du cadavre, puis s’allongea sur elle, et planta ses crocs dans son cou, buvant joyeusement de son sang. Une bien maigre récompense, pour son travail, pour cette leçon. La vampire démoniaque continua à boire, avant de finalement se retirer de la gorge de sa proie. Arillë était toujours en vie. Ephemera l’attrapa ensuite, et l’approcha de la peau vide.
« Passons aux choses sérieuses. »
Le lendemain matin, un chariot s’avançait lentement le long des rues pavées de Nexus. C’était un chariot recouvert d’une bâche, mais, en regardant bien, on voyait sans problème, par-delà les sangles retenant la sinistre cargaison, les bouts de cadavres dépasser. Le chariot se rendait vers l’un des cimetières publics de la ville, afin d’enterrer les cadavres des bas-fonds dans les charniers. Deux vulgaires hommes convoyaient le chariot, des fossoyeurs. Il y avait eu un carnage dans un harem, quelque chose de sinistre, avec plusieurs morts. La garde allait probablement faire une enquête, mais les fossoyeurs ne se posaient guère de questions. La Mort avait encore frappé. Dans les bas-fonds, c’était coutumier. Deux hommes étaient morts dans une auberge, autour d’une partie de cartes. Les deux s’étaient mutuellement accusés de tricherie, et s’étaient entretués. Cinq autres étaient morts d’une overdose de fisstech, et la maladie avait emporté plusieurs autres individus. Leurs corps rachitiques gisaient dans les impasses, et les fossoyeurs les avaient emmenés sur le chariot.
Il n’y avait plus rien à récupérer, même plus de dents. Les soudards les arrachaient, ainsi que tous les vêtements, pour aller les vendre à certains mages, les dents servant de composants alchimiques. La prostituée qu’ils avaient ramassé dans le harem était dans un triste état. Assez lourde, elle avait été ouverte au scalpel, et sa peau avait été coudée pendant la nuit. On avait également scellé ses lèvres et ses paupières, ne laissant que de faibles trous ici et là.
*Une ville remplie de cinglés...* maugréa le fossoyeur.
Nexus se réveillait, et une brume matinale s’élevait près du port. Le chariot avançait, sans que personne ne daigne s’interposer. Ils finirent par atteindre l’un des cimetières, s’avançant lentement, jusqu’à un grand trou, où les corps étaient balancés. Des anonymes, morts dans la rue, des gens dont personne ne se souciait. Les cadavres sont brûlés, et plusieurs petits vauriens se tenaient à proximité, attendant de voir les hautes flammes.
Les fossoyeurs descendirent du chariot, et retirèrent la bâche, ôtant chacune des sangles, puis utilisèrent une manivelle pour soulever le chariot. Il se pencha de biais, et les corps dévalèrent, glissant sur le sol, et atterrirent dans la fosse septique.
« Va chercher un seau, il faut laver le chariot. »
Les deux fossoyeurs s’activèrent, balançant des jets d’eau sur le chariot, lavant le sang qui s’était incrusté sur le bois.
Parmi tous les cadavres, il en était un qui n’était pas mort. L’un des fossoyeurs alla chercher le feu grégeois, afin d’incendier les cadavres. Le second fossoyeur s’essuya le nez avec un mouchoir. Il avait une envie formidable de pisser depuis qu’il était dans le harem, et les toilettes étaient éloignées. En grognant, profitant de la brume, il défit les lacets de son pantalon, et urina rapidement. Sa pisse déferla sur plusieurs cadavres, faisant fuir quelques-uns des corbeaux et des charognards qui tournoyaient autour des cadavres.
Celui qui n’était pas mort se trouvait en hauteur. Si la peau était morte, un cœur battait à l’intérieur. Un cœur qui se mit à palper lentement, se réveillant. Les trous laissés par Ephemera dans le corps de la femme étaient nécessaires, car ils permettaient à la femme située dans ce corps de respirer. Une respiration difficile, lente, saccadée. Tout son corps avait épousé la forme du cadavre de la prostituée, formant une sorte de seconde peau. Une peau intégrale. Si les fossoyeurs avaient été un peu plus attentifs, ils auraient sans doute pu remarquer cela, mais il était tôt, après tout.
Ephemera avait glissé Arillë dans le corps de la prostituée, et avait refermé ce dernier. Les liens qu’elle avait fait étaient très faibles, et, en forçant un peu, ses points de suture disparaîtraient, permettant ainsi de rouvrir le cadavre, et de lui permettre de sortir.
Libre, enfin.