Mélinda avait des goûts de luxe ce soir. Hors-de-question de se contenter d’une proie bas de gamme, d’une frêle et docile créature dont le sang ne la divertirait que quelques secondes. Elle était dans la capitale impériale, que diable ! Et Ashnard, s’il n’avait pas le rayonnement de Nexus, et n’était pas aussi cosmopolite que la cité-État, était tout de même la capitale d’un État qui, territorialement, demeurait le plus grand État de tout Terra. Elle se promenait de toits en toits, faisant un peu d’agilité, et s’arrêta au-dessus d’une petite rue marchande, en voyant des individus marcher. Elle prit le temps de les observer, de les renifler. Il y avait quelques nekos, mais aussi plusieurs gardes. Certes, elle n’envisageait pas foncièrement de tuer sa proie, mais elle ne voulait pas s’attirer des problèmes. Surtout à Ashnard, son fief.
*J’aurais peut-être du chasser sur Terre... Il y a toujours de belles lycéennes à aller ramasser du côté de Mishima...*
De toute manière, il était trop tard pour avoir ce genre de pensées, et elle bondit sur un autre toit, s’éloignant de la rue animée, où on mangeait le long de petits restaurants. Elle arriva au-dessus d’une autre rue, proche du marché d’Ashnard, et vit une patrouille de gardes s’avancer en contrebas, faisant lourdement cliqueter leurs armures. Elle les laissa passer, puis bondit à nouveau, continua sa course. Les Dieux avaient-ils décidé de ne pas être cléments ce soir ? C’est ce qu’elle commençait à redouter, quand ses narines captèrent une odeur... Douce et fraîche, légèrement sensuelle. Mélinda s’arrêta sur place, puis changea de trajectoire, se dirigeant vers cette odeur.
À première vue, parler d’une « odeur » était assez mal venue pour décrire cette sensation. Mélinda étant une vampire, elle avait un rapport intense et particulier avec le sang, et pouvait « sentir » ce dernier. C’était le terme qui se rapprochait le plus de la compréhension humaine. Le sang n’avait, en soi, aucune odeur particulière, mais il fallait le palais délicat d’un vampire pour en saisir la subtilité, et tout l’arôme. Or, Mélinda sentait que ce sang avait l’air de convenir. Avançant de toit en toit, elle atteignit assez rapidement sa cible... Et s’arrêta sur le haut d’une cheminée pendant quelques secondes.
Devant elle, il y avait une femme allongée sur une terrasse, avec deux oreilles de lapines, des collants, et une tenue d’écolière lui rappelant le lycée Mishima.
*Et bien, il semblerait que je n’ai plus à chercher...*
Une délicieuse Terranide était devant elle ! À supposer que ses oreilles de lapines ne soient pas factices, mais ce n’est pas l’impression qu’elle avait. Mélinda observait les belles fesses de la femme, tout en se demandant ce qu’elle faisait là, sur ce toit... Elle vit alors que la femme tenait un pistolet dans le creux de ses mains, et fit feu. Mélinda perçut une explosion sanguine subite, et comprit qu’elle venait d’assassiner quelqu’un. Ce fait ne la choqua nullement, mais érigea sur ses lèvres un léger sourire amusé.
*Une Terranide tueuse... Et bien, je suppose qu’il faut de tout pour faire un monde...*
Elle vit la femme rengainer son arme, puis se coucher sur le dos. Des fesses, Mélinda passa ainsi à ses seins, et entreprit de se relever. Sa proie était là, et Mélinda pouvait tenir compte de l’effet de surprise pour la neutraliser. Elle entreprit de lentement se relever, et commença à avancer sur la droite, faisant soigneusement attention en marchant sur les tuiles du toit, à ne commettre aucun bruit qui ne pourrait trahir sa présence. Sa cible était sur une petite terrasse en contrebas, dans un coin reculé. On ne pouvait pas exclure qu’une patrouille de gardes trouve d’ici quelques minutes le cadavre de l’homme, vu le nombre élevé de soldats dans les rues de la ville, mais cette hypothèse, en toute honnêteté, était peu crédible. Il faudrait sûrement attendre demain matin, car la zone se situait dans une série d’ateliers de construction, fermés la nuit. Mélinda continuait à avancer, telle une silencieuse ombre, et posa son pied sur la terrasse... Ce qui provoqua un léger craquement.
*Merde, quelle gourde !*
Elle manquait d’entraînement, c’était aussi simple que ça. La Terranide-lapine se releva, et Mélinda agit rapidement, en bondissant vers elle. Elle posa sa main sur sa gorge. Mélinda avait mis des mitaines noires, et força la femme à rester allongée sur le toit, en se mettant à califourchon sur elle.
« Chut, ma belle ! souffla Mélinda. Je t’ai vu abattre ce type, en contrebas... Une Terranide qui ne se prend pas pour une délicieuse proie, c’est original, mais je te conseille de ne rien faire de stupide... Pour ne rient e cacher, j’ai une petite soif... »
Et, tout en parlant, ses canines apparurent, luisant à la lueur de la Lune. Difficile de se méprendre sur ce qu’était Mélinda, en ce moment.