Il était exténué. Non, d'ailleurs, non, c'est faux : Il s'était juste bien dépensé. Exténué signifierait qu'il ne lui reste plus la moindre goutte d'énergie. Or, il en a encore en réserve. Juste que là, il s'est donné au maximum. La lente marche du retour était reposante, revigorante, tout en gardant ses muscles en action pour éviter qu'ils ne s'ankylosent après un trop gros effort physique. Donc, tout va bien. Un peu rouge, un peu en sueur, il se sentait bien. Comment se sentir mieux qu'après s'être expurgé de ses vices par le labeur du sport intense ?
Première chose : La clé ne tourne pas, se bloque quand il veut déverrouiller sa serrure. Première hypothèse : Il a oublié de fermer en sortant, ce qui est hautement improbable, puisque maniaque comme il est, c'est le genre de truc qu'il n'oublie pas. Deuxième hypothèse : Effraction. Et il a toujours son glock 23 sur lui.
Arme sortie, on pousse lentement la porte. Salon, salle à manger, personne. On progresse comme un commando. Ses pas sont rapides mais feutrés, comme un chat avancerait. Au bout, la porte de sa chambre, entrouverte. Pas comme il l'a laissée en partant, du moins, il ne croit pas. Il s'approche, ouvre brusquement, et braque son arme sur... Une SS !? Une SS miniature dans un costume trop grand pour elle. Il n'a même pas besoin de regarder son physique pour savoir qu'il n'y a qu'elle pour faire une bêtise pareille. Alors, l'amusement paternel, du style « Tu es trop mignonne dans mon uniforme, ahah, allez viens, on va faire les magasins de Berlin, je vais t'en payer un à ta taille, brigande ! » ou bien le niveau au-dessus, style nazi pas content, la torture du bain froid, les parties branchées sur batterie, la lampe sur la tronche et l'internement en camp de redressement ?...
Tu te souviens de la première fois où tu es rentrée par effraction ici ?
Il approche le canon de l'arme, le balade sur le visage de Neena, et, avec, soulève la casquette pour découvrir complètement son front. Le pistolet menace à tout moment de laisser s'échapper une balle, qui se logerait dans son crâne et creuserait méchamment sa cervelle.
Il est des choses auxquelles on ne touche pas. Je d...
Dans sa main. Ca brille. Gott. La croix de fer. Son cœur s'arrête un moment. Et, oui, elle a intérêt à devenir croyante en ce moment, parce qu'il n'y a qu'un Dieu pour la sauver. Et un tout-puissant de préférence.
Le poing se referme sur sa main, et il serre. Fort. Les arêtes pointus de la croix s'enfonce dans la paume et les doigts de la jeune fille, tandis que le type la regarde avec un air dément. Habituel, quoi. Et qu'elle se prépare pour le cours d'histoire, un qu'elle n'oubliera jamais, il en était sûr.
Créée en 1813 par le roi Friedrich-Wilhelm III de Prusse, cette croix a été créée en symbole de la victoire contre Napoléon 1er, considéré par tous comme le plus grand adversaire que tous les dirigeants de cette époque aient connus. C'était la toute première médaille militaire de l'histoire qui récompensait indistinctement les soldats et les gradés. Cette croix était offerte en récompense d'une manifestation d'honneur, de bravoure, et de don de soi à la patrie. Depuis 200 ans maintenant, cette croix a traversé tous les âges de mon pays, et tous les patriarches de ma famille, depuis le roi Friedrich-Wilhelm, l'ont gagné sur le champ de bataille, l'un d'eux est même mort pour l'avoir !
Là, il sert encore plus fort. Trop. Les phalanges douillent, la peau douille. Il a une poigne incroyable.
Cette croix avait plusieurs niveaux pendant la guerre, et celle que tu tiens entre tes mains, c'est son 5ème niveau, c'est à dire que la croix de fer me fut attribuée 5 fois pour acte reconnue, et que tous mes officiers ont signés pour que je l'ai ! Ritterkreuz des Eisernen Kreuze mit Eichenlaub und Schwertern, ce qui signifie, dans ma noble langue, croix de chevalier de la croix de fer avec feuilles de chêne et épées !
Il lui ouvre maintenant de force la main, et la reprend, pour la brandir devant son visage.
C'est le symbole du sang allemand versé pour les victoires, et les défaites, mais surtout pour l'honneur, vertu que tu ne possèdes pas et ne posséderas jamais ! CETTE CROIX M'A ETE OFFERTE PAR MON FÜHRER EN PERSONNE !
Une tarte en revers, et une puissante, avec la main qui tient la croix. Disons qu'elle l'a méritée, celle-ci. Il s'écarte un peu en contemplant sa médaille, voyant qu'elle n'est pas abîmée. Il aurait pu la tordre... Il respire, tente de se calmer.
On n'atteint pas l'honneur d'un homme sans en subir les conséquences.
Et ça y est : Des remords. Le regret de l'avoir frappé pour un bête bout de métal... Attendez, un bête bout de métal ? Non, c'est la reconnaissance du Reich envers tous les efforts qu'il consentis sans broncher pendant des années, malgré la dureté, la douleur, les pertes, la faim, le danger, et la folie... Il a envie de hurler, de pleurer de rage. Il se retient. Comme il retient de la battre à mort. Il ne compte pas s'excuser de ce qu'il a fait, mais son ton se radoucit néanmoins.
C'est le seul objet que je sauverais si cet immeuble partait en flamme. Je refuse que quiconque y touche. Et rien que pour ça, je devrais te tuer. C'est une raison amplement suffisante.
Il lutte. Il ne la regarde pas. Ca se voit, qu'il lutte.
Retire mon uniforme, s'il te plaît. J'ai dû souffrir pendant des mois et même des années pour mériter cette veste et ce qui se trouve dessus. Je veux que tu le retires.
Et il attendait des excuses. Des plates, des vraies. Une véritable envie de rédemption devait se faire sentir, sous peine de quoi il la massacrerait proprement.
… Et il la regarde enfin. En sous-vêtements sous sa veste. Comme d'habitude, sa colère excitait ses envies, c'était le propre de la brutalité perverse. Et donc, tout ceci couplé faisait soudain tourner quelques films dans sa tête...
Non, garde ça.
Il ne faisait qu'enlever sa casquette, qu'il jetait en direction du lit, puis il la prenait par les cheveux pour la faire venir de force jusqu'à la cuisine, mais en chemin, un détail l'arrêta. Il prolongea sa route jusqu'à la table de la salle à manger, où un CD l'attendait. Non, pas un simple CD.
Un cadeau.
Il fait mettre à terre Neena, à genoux, puis fait un pas de plus pour prendre l'objet. Il n'avait pas eu de cadeau depuis... depuis... Non, il ne s'en souvient plus. Wagner.
Je n'ai pas écouté Wagner depuis février 45. Un orchestre japonais à l'occidentale l'avait joué en l'honneur de ma présence, avec quelques autres officiers... J'ai toujours refusé d'acheter quelque musique que ce soit de lui depuis la défaite de l'Allemagne...
Mais depuis, c'était différent. Il y avait un émerveillement dans ses yeux, mais il avait toujours envie de la tuer. Son regard ne quittait plus l'objet, comme son préssssieux.