«
Qu’est-ce que tu veux dire, Samara ? -
Je pense avoir été claire... Consulter les archives de ta famille. »
Mélinda croisa les bras, une mine contrariée sur le visage. De base, elle n’aimait pas qu’on vienne fouiller dans ses affaires, et elle l’aimait encore moins quand il s’agissait de son passé... Ou, plutôt, du passé familial. John et Élizabeth Warren. Autrement dit,
Papa et
Maman. D’eux, il ne restait qu’une vieille bibliothèque poussiéreuse qui se trouvait dans les souterrains du harem, dans une pièce fermée, où Mélinda se rendait rarement, et où elle avait consigné tout ce qui avait trait au glorieux passé des Warren, et tout ce qu’elle avait pu récupérer quand, il y a des siècles, elle avait tué son père. John Warren...
Lord Warren. Le dernier héritier d’un nom qui, jadis, avait eu son importance. Les Warren étaient jadis des propriétaires terriens ayant plusieurs comtés sous leur commandement, suite à de nombreux mariages politiques ou conflits militaires. Ils formaient alors tout un clan, qui, en ces ères prospères, avait inclus de grands ports, et de nombreux forts. On avait du mal à le croire, mais Mélinda Warren descendait d’une illustre famille aristocratique ashnardienne... Et elle n’avait que récemment réussi à redorer ses lettres de noblesse au nom «
Warren ». Suite à son mariage avec
Vanillia Warren, Mélinda était de nouveau une noble, une
Comtesse. Une belle élévation sociale.
Son père, lui, avait été le Lord de la famille à une époque troublée... L’Empereur actuel, Ram Aballah, alias le Roi Cramoisi, était un dément, quelqu’un qui avait plongé l’Empire dans un règne excessif de cruauté et de sauvagerie, transformant la capitale en un immense charnier. Il dilapidait l’or impérial dans des expéditions archéologiques aux confins du monde, et on disait que, dans les tréfonds du Palais Impérial, lui et son mage sombre se livraient à de sinistres expériences génétiques et magiques sur d’innombrables esclaves... Ceux qui n’étaient pas donnés en pâture à ses innombrables et infernales araignées. Une révolte avait éclaté, et les Warren avaient été du mauvais camp, ceux des loyalistes. Ils avaient tout perdu, et, en définitive, n’avaient plus conservé que ce modeste bâtiment, qui n’était alors qu’une simple résidence secondaire.
Cette déchéance avait précipité la démence de ses parents. Lord Warren avait fait une dépression, tandis qu’Elizabeth, sa mère, qui avait toujours aimé le luxe et la luxure, avait également fait une dépression. L’accouchement de Mélinda avait été le point final. Elle en était morte, et Lord Warren s’était défoulé sur sa fille, l’accusant d’être un monstre responsable de tous ses maux. Ce n’était pas une histoire joyeuse, et, même si Mélinda appréciait beaucoup son hôte, elle n’appréciait pas que, depuis quelques jours, cette dernière vienne remuer dans son passé.
«
Je ne vois pas en quoi le journal de ma mère peut t’intéresser... »
Samara était d’un avis contraire, et, en tant que mécène, amie, et amante de Mélinda, elle n’avait eu aucune difficulté (Mélinda avait un peu rechigné, certes, mais rien d’ingérable) à accéder à cette bibliothèque. Depuis plusieurs jours, elle fouillait ce qu’il y avait. Mélinda la suivait de près, et avait vu les multiples registres et les multiples adjudications qui avaient eu lieu suite à la saisie de l’ensemble du patrimoine des Warren, au titre des réquisitions de guerre. Un ensemble de jugements poussiéreux qui avaient pour seul slogan que le vainqueur édictait sa propre justice.
«
C’est... Compliqué. -
Je ne suis pas une idiote ! »
Samara se retourna vers elle, et soupira lentement. Des torches les éclairaient, et elle consentit à lui donner quelques explications supplémentaires :
«
Le Roi Cramoisi a un mage avec lui... Il l’a toujours eu. Ce mage lui sert de conseiller, et... -
Le Roi Cramoisi ? Il n’est pas mort ? »
L’Empereur fou avait été exilé de l’Empire, et, depuis lors, la rumeur affirmait qu’il était mort. Samara se pinça les lèvres, et reprit :
«
Il n’a jamais été tué... Et j’ai appris que la grossesse de ta mère ne s’était pas très bien passée. Enfin... Celle de Bran avait eu lieu sans problème, mais la tienne... Ton père avait des contacts au sein du Palais, et c’est le mage du Roi Cramoisi qui s’est assuré de la grossesse. -
Ah... Et ? -
Je ne peux pas t’en dire plus pour l’heure, mon cœur. »
Mélinda enrageait ! Elle n’aimait pas les secrets, et serra les poings.
*
Qu’est-ce qu’elle me cache ?!*
Inutile de vouloir lui tirer les vers du nez... Et, de plus, Mélinda avait un rendez-vous. Un rendez-vous étrange, avec un certain noble venant des profondeurs de l’Empire. Une région qu’on appelait les «
Marches de l’Empire », une région sauvage, montagneuse. Elle était surprise que quelqu’un ait fait le voyage jusqu’ici. Il s’agissait de vendre des esclaves, mais, avec les évènements récents (la formation de son clan, et Samara qui squattait ses locaux), Mélinda avait repoussé le rendez-vous. L’homme, néanmoins, avait insisté, et un rendez-vous lui avait donc été donné aujourd’hui.
Mélinda laissa donc Samara, et alla dans son bureau. Comme d’habitude, elle portait sa belle robe dorée, longue et ample, et, assise, réfléchissait à ce que Samara voulait. Qu’est-ce qu’elle lui cachait ? Cette question la hantait, encore et encore... Son passé... Elle savait que le passé de son père avait des zones d’ombre. Entre tous les pillages et les réquisitions, quantité de documents avaient été perdus, mais, même malgré ça, Mélinda ne voyait pas trop ce que la démone pouvait bien en faire.
On toqua à la porte, et cette dernière s’ouvrit sur l’une de ses esclaves,
Kimiko, seins à l’air, dans une séduisante tenue moulante rouge en latex. C’était une femme assez âgée, qui avait déjà donné naissance à plusieurs bébés au sein du harem, et qui, en ce moment, avait un
plug niché dans son joli petit cul.
«
Maîtresse... Votre invité est arrivé. Entrez, mon beau. »
Kimiko laissa le jeune homme passer... Et, en le voyant, Mélinda cligna des yeux.
Outre son physique, elle sentit surtout... Son
sang. Un sang qu’elle connaissait très bien, et qui fit que, à la surprise de Kimiko, Mélinda ne parla pas, mais avait, au contraire, les lèvres entrouvertes, peinant à croire à ce qu’elle ressentait. Ce sang, ce sang... Ce n’était pas n’importe quel sang.
C’était
son sang !
«
Que... ? Mais... Que se... Qui... Qui es-tu ?! »