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One Shot / Re : EHive & Rosalia ✦ The Forgotten Lab
« Dernier message par EVHive le Aujourd'hui à 03:27:12 »Perdue dans l’espace. Perdue dans le temps.
La créature n’avait pas tout à fait conscience de sa condition.
Elle se savait seule, cependant.
Totalement isolée.
Elle avait passé la faille et s’était trouvée totalement exclue des nuées, comme si elles n’existaient pas. Pas ici. Ou pas encore. Plutôt que de se perdre dans des raisonnements qui n’étaient pas à sa portée, l’unité comprit très vite que sa survie comptait plus que tout et qu’elle serait favorisée si elle passait à l’action.
Elle était arrivée sur un monde efflorescent où une civilisation globale, divisée en une multitude de principautés tantôt partenaires, tantôt rivales, se torturait dans les affres de la société industrielle, qui dressait petits contre grands, voisin contre voisin, nouveaux contre anciens. C’était une planète en plein essor, mais totalement brisée à tous les niveaux. C’était une planète parfaite pour les moyens de disruption d’une seule unité.
Avec une intelligence primaire limitée par sa seule capacité, elle avait commencé à attaquer des cibles d’opportunité et à se reproduire. Les autorités s’étaient montrées totalement incompétentes pour protéger les populations démunies et enquêter sur les disparitions se multipliant parmi elles. Sans direction du collectif, elle avait fécondé toutes les femelles rencontrées et éliminé tous les mâles, consommant le nécessaire à sa restauration et multipliant les ruches de diverses envergures à travers les bidonvilles.
Avec la multiplication des créatures, l’intelligence de l’unité avait crû. Enfin, elle pouvait dresser des stratégies et s’instruire sur l’état de ce monde. Quand il devint clair pour les premiers indigènes que leurs bidonvilles avaient été vidés et qu’ils tentèrent de se renseigner, elle avait caché sa progéniture et laissé planer le mystère pour semer la mort et le mystère ailleurs. Les princes concurrents avaient fini par se pointer du doigt tandis que les classes populaires prétendaient que la disparition des plus pauvres était due aux poisons répandus dans les sols et les eaux par les riches patrons complices du pouvoir.
Les relations internationales s’étaient détériorées en même temps que l’ordre social. Des conflits avaient éclaté entre plusieurs États et des alliances s’étaient progressivement montées tandis qu’une force policière de plus en plus violente marquait physiquement la division entre possédants et possédés. Une guerre bientôt mondiale avait été suivie de peu par une révolution parallèle, et les armées décimées avaient dû faire face aux désertions, aux trahisons et à la vindicte populaire. Principautés et républiques populaires s’étaient de plus en plus opposées dans une violence inouïe portée par les progrès techniques et par l’effort de guerre.
Invisibilisée par les pertes énormes de ces conflits, les ruches s’étaient étendues. Alors que les indigènes, épuisés, commençaient à parler paix et compromis, la crise entra dans sa phase finale, des centaines de milliers de créatures quittant leurs cités-fantômes et leurs terriers pour une attaque générale et indiscriminée. Tous avaient laissé de côté leurs différents pour faire face et une lutte à mort avait été menée entre les forces de feu et d’acier de la civilisation et les griffes et les crocs des monstres d’outre-monde.
Contre les attentes de l’unité, ses forces avaient été progressivement repoussées par le génie technique sous-estimé des autochtones, qui avaient réussi l’impensable et s’étaient adaptés pour dépasser les créatures. Avec la perte de masse, l’intelligence du collectif faiblit et la guerre avait passé un point de bascule à partir duquel la défaite était devenue impossible. Les indigènes l’avaient compris. Ils étaient devenus plus méthodiques et avaient commencé à revenir en arrière pour comprendre ce qui s’était produit. A force de resserrer très soigneusement leurs étaux sur les concentrations de créatures, ils avaient fini par capturer l’unité originelle.
A partir de là, ce n’était qu’une question de temps avant que toutes les créatures soient éliminées. L’unité avait été conduite dans un souterrain fortifié majeur pour y être emprisonnée et étudiée sous étroite surveillance, et sa progéniture avait été lentement mais sûrement détruite jusqu’à la dernière vie. Les indigènes avaient survécu, mais avaient-ils gagné ? A la fin du conflit, le monde était unifié, mais à quel prix ? La population avait été pratiquement anéantie et plus personne ne savait faire quoi que ce soit d’autre que produire des armes ou les utiliser. Ils s’étaient tant concentré sur le potentiel de destruction que la reconstruction serait le défi qui les détruirait, et en particulier parce qu’à force de détruire, de tuer, d’empoisonner et de brûler, leur écosystème s’effondrait.
On oublia l’unité dans le souterrain, pensant que la laisser là permettrait de la faire mourir de faim un jour. Il fut scellé pour toujours et tous se concentrèrent sur le sauvetage des derniers individus. Deux générations plus tard, les indigènes avaient disparu, malades et affamés, dépassés par leurs méfaits et par les animaux qui reprenaient le dessus.
Et l’unité était restée là.
Silencieuse.
Immobile.
Des décennies avaient passé ; peut-être même des siècles. Doucement, le temps était revenu au présent et la nature, après avoir dépollué les sols, avait réussi à renaître et à dévaster la plupart des vestiges du passé. Même la porte de ce souterrain sans pareil avait souffert et était prête à lâcher lorsque Lira avait décidé de forcer le panneau de commande antique avec son instrument d’un âge futuriste.
En pénétrant les lieux, Elias avait pris les devants, dirigeant le faisceau d’une lampe à forte luminosité alentour, découvrant un long couloir menant à un monte-charges. Évidemment, même fait d’un bon acier et avec une machinerie rustique et robuste, il était devenu inopérant il y a bien longtemps. L’huile avait séché et le carburant des turbines du complexe avait décanté. Dans le noir total, seulement éclairés par leurs lampes, les explorateurs avisèrent le large puits et Elias y lança une fusée éclairante, qui descendit encore et encore, éclairant des niveaux profonds à son passage, mais aussi un escalier serpentant autour du puits d’un niveau à l’autre.
« J’aime pas ça, » grogna le capitaine, qui était définitivement refroidi par cette virée bien moins coquine qu’il l’aurait cru. « Sortons d’ici ! »
Il allait rebrousser chemin quand l’écho de bruits métalliques le fit sursauter. Quelque chose avait bougé dans les profondeurs du souterrain pour se faire entendre jusqu’ici, et Elias n’était clairement plus intéressé. Un stress craintif se lisait dans sa posture comme dans sa voix. Ses mains étaient clairement moites contre les prises en polymères isolants de son arme.
« Ce truc tombe en ruines, » prétexta-t-il. « C’est trop dangereux. Je sors, et je t’ordonne de me suivre ! »
La créature n’avait pas tout à fait conscience de sa condition.
Elle se savait seule, cependant.
Totalement isolée.
Elle avait passé la faille et s’était trouvée totalement exclue des nuées, comme si elles n’existaient pas. Pas ici. Ou pas encore. Plutôt que de se perdre dans des raisonnements qui n’étaient pas à sa portée, l’unité comprit très vite que sa survie comptait plus que tout et qu’elle serait favorisée si elle passait à l’action.
Elle était arrivée sur un monde efflorescent où une civilisation globale, divisée en une multitude de principautés tantôt partenaires, tantôt rivales, se torturait dans les affres de la société industrielle, qui dressait petits contre grands, voisin contre voisin, nouveaux contre anciens. C’était une planète en plein essor, mais totalement brisée à tous les niveaux. C’était une planète parfaite pour les moyens de disruption d’une seule unité.
Avec une intelligence primaire limitée par sa seule capacité, elle avait commencé à attaquer des cibles d’opportunité et à se reproduire. Les autorités s’étaient montrées totalement incompétentes pour protéger les populations démunies et enquêter sur les disparitions se multipliant parmi elles. Sans direction du collectif, elle avait fécondé toutes les femelles rencontrées et éliminé tous les mâles, consommant le nécessaire à sa restauration et multipliant les ruches de diverses envergures à travers les bidonvilles.
Avec la multiplication des créatures, l’intelligence de l’unité avait crû. Enfin, elle pouvait dresser des stratégies et s’instruire sur l’état de ce monde. Quand il devint clair pour les premiers indigènes que leurs bidonvilles avaient été vidés et qu’ils tentèrent de se renseigner, elle avait caché sa progéniture et laissé planer le mystère pour semer la mort et le mystère ailleurs. Les princes concurrents avaient fini par se pointer du doigt tandis que les classes populaires prétendaient que la disparition des plus pauvres était due aux poisons répandus dans les sols et les eaux par les riches patrons complices du pouvoir.
Les relations internationales s’étaient détériorées en même temps que l’ordre social. Des conflits avaient éclaté entre plusieurs États et des alliances s’étaient progressivement montées tandis qu’une force policière de plus en plus violente marquait physiquement la division entre possédants et possédés. Une guerre bientôt mondiale avait été suivie de peu par une révolution parallèle, et les armées décimées avaient dû faire face aux désertions, aux trahisons et à la vindicte populaire. Principautés et républiques populaires s’étaient de plus en plus opposées dans une violence inouïe portée par les progrès techniques et par l’effort de guerre.
Invisibilisée par les pertes énormes de ces conflits, les ruches s’étaient étendues. Alors que les indigènes, épuisés, commençaient à parler paix et compromis, la crise entra dans sa phase finale, des centaines de milliers de créatures quittant leurs cités-fantômes et leurs terriers pour une attaque générale et indiscriminée. Tous avaient laissé de côté leurs différents pour faire face et une lutte à mort avait été menée entre les forces de feu et d’acier de la civilisation et les griffes et les crocs des monstres d’outre-monde.
Contre les attentes de l’unité, ses forces avaient été progressivement repoussées par le génie technique sous-estimé des autochtones, qui avaient réussi l’impensable et s’étaient adaptés pour dépasser les créatures. Avec la perte de masse, l’intelligence du collectif faiblit et la guerre avait passé un point de bascule à partir duquel la défaite était devenue impossible. Les indigènes l’avaient compris. Ils étaient devenus plus méthodiques et avaient commencé à revenir en arrière pour comprendre ce qui s’était produit. A force de resserrer très soigneusement leurs étaux sur les concentrations de créatures, ils avaient fini par capturer l’unité originelle.
A partir de là, ce n’était qu’une question de temps avant que toutes les créatures soient éliminées. L’unité avait été conduite dans un souterrain fortifié majeur pour y être emprisonnée et étudiée sous étroite surveillance, et sa progéniture avait été lentement mais sûrement détruite jusqu’à la dernière vie. Les indigènes avaient survécu, mais avaient-ils gagné ? A la fin du conflit, le monde était unifié, mais à quel prix ? La population avait été pratiquement anéantie et plus personne ne savait faire quoi que ce soit d’autre que produire des armes ou les utiliser. Ils s’étaient tant concentré sur le potentiel de destruction que la reconstruction serait le défi qui les détruirait, et en particulier parce qu’à force de détruire, de tuer, d’empoisonner et de brûler, leur écosystème s’effondrait.
On oublia l’unité dans le souterrain, pensant que la laisser là permettrait de la faire mourir de faim un jour. Il fut scellé pour toujours et tous se concentrèrent sur le sauvetage des derniers individus. Deux générations plus tard, les indigènes avaient disparu, malades et affamés, dépassés par leurs méfaits et par les animaux qui reprenaient le dessus.
Et l’unité était restée là.
Silencieuse.
Immobile.
Des décennies avaient passé ; peut-être même des siècles. Doucement, le temps était revenu au présent et la nature, après avoir dépollué les sols, avait réussi à renaître et à dévaster la plupart des vestiges du passé. Même la porte de ce souterrain sans pareil avait souffert et était prête à lâcher lorsque Lira avait décidé de forcer le panneau de commande antique avec son instrument d’un âge futuriste.
En pénétrant les lieux, Elias avait pris les devants, dirigeant le faisceau d’une lampe à forte luminosité alentour, découvrant un long couloir menant à un monte-charges. Évidemment, même fait d’un bon acier et avec une machinerie rustique et robuste, il était devenu inopérant il y a bien longtemps. L’huile avait séché et le carburant des turbines du complexe avait décanté. Dans le noir total, seulement éclairés par leurs lampes, les explorateurs avisèrent le large puits et Elias y lança une fusée éclairante, qui descendit encore et encore, éclairant des niveaux profonds à son passage, mais aussi un escalier serpentant autour du puits d’un niveau à l’autre.
« J’aime pas ça, » grogna le capitaine, qui était définitivement refroidi par cette virée bien moins coquine qu’il l’aurait cru. « Sortons d’ici ! »
Il allait rebrousser chemin quand l’écho de bruits métalliques le fit sursauter. Quelque chose avait bougé dans les profondeurs du souterrain pour se faire entendre jusqu’ici, et Elias n’était clairement plus intéressé. Un stress craintif se lisait dans sa posture comme dans sa voix. Ses mains étaient clairement moites contre les prises en polymères isolants de son arme.
« Ce truc tombe en ruines, » prétexta-t-il. « C’est trop dangereux. Je sors, et je t’ordonne de me suivre ! »