Mi Yaya,
Voilà combien de temps que je ne t’ai pas parlé. Me echas de menos…La dernière fois que tu m’as vue, je n’avais que huit ans. Désormais, j’en ai vingt-et-un. Et oui, ça grandit vite. Et sans toi...Rassures-toi, Mama me dit que j’ai toujours cette petite bouille d’ange, qui attire beaucoup les gens. Et toi qui adorais passer tes doigts dans mes épis de jais, ils ont bien poussé et sont en fait ondulés ! Une grande surprise pour moi qui les croyait raides. Mes yeux se sont assombris aussi, devenus d’un noir profond, remontés d’une belle paire de longs cils. Adieu leur belle couleur argile ! De visage, je ressemble plus à toi dans tes jeunes années, avec ce nez fin et cette bouche à la lèvre inférieure plus charnue que l’autre. Et parfois, quand Mama me voit, elle pleure. Tu lui manques énormément, tu sais. Ah, et Papa rigole bien devant moi, se moquant de ma petite taille. Avec mon mètre soixante-et-un, c’est sûr que je ne risque pas d’être grande. « On aurait du te donner plus de soupe et de coups de pieds aux fesses » qu’il me dit. Je reste menue et sans grande poitrine, mais cela a son charme aussi, n’est-ce pas ?
Apaises mes peurs Yaya, cela plaît-il aux hommes ? Car bien que je sois devenue une femme, je ne le suis pas complètement à ce niveau-là. Je suis toujours…vierge. J’ai honte de dire cela, quand j’y pense. Jamais mon cœur n’a connu d’homme, et mon corps non plus. Pourtant, je les aime. Mais l’inverse non, apparemment. Peut-être parce que je suis assez difficile à vivre ? Je veux bien l’avouer. Je ne suis pas égoïste, ni prétentieuse, et je ne me pense pas mauvaise. Je n’en ai pas moins beaucoup de caractère, démarrant au quart de tour lorsque l’on me cherche. Il est normal de se défendre, comme tu me l’as si bien appris, Abuela. Susceptible, ça c’est sûr. Le sang chaud qui coule dans mes veines qui veut ça. Hé hé ! Et j’aime qu’on me traite avec respect. Je ne suis pas une catin ou un vulgaire morceau de viande en étalage, comme les hommes semblent penser de toutes les femmes. Alors, je remballe poliment ceux qui pensent ainsi. Ca me fait mal de voir qu’il y en a de plus en plus de ce genre. Où va le monde ? Ce n’est pas pour autant que je ne profite pas de la vie. Je suis jeune encore et je prends chaque opportunité qui passe sous mes yeux. Carpe Diem qu’on dit souvent, hein ? Et c’est ce que je fais, j’apprends à aimer chaque jour de ma vie, le prenant un peu comme une fête qui ne doit jamais s’arrêter. Je suis une ambitieuse, et ça, ça vient du sang des Cascajo ! Je cherche toujours à aller plus haut encore que je ne le suis, et si, par moment, je tombe, c’est pour mieux me relever après. J’ai appris à être une battante, et à tout faire pour avoir ce que je souhaite.
Oh oui, mi Yaya, je ne t’ai pas tout dit, et j’ai encore plein de choses à te raconter ! J’ai réalisé ton rêve. J’ai réalisé mon rêve. Cela a mis du temps, mais tous mes efforts ont été récompensés. La danse, surtout le flamenco, est devenue toute ma vie. J’ai même gardé les petits chaussons de danse que tu m’avais offerts pour la Navidad, quand j’étais pequeñica. Et ils m’ont portés chance. Mucha suerte. C’est mon petit trésor qui me suit partout. Car Yaya, je suis devenue danseuse professionnelle, et à force de travailler, je suis devenue célèbre au pays. J’ai même rencontré le roi Juan Carlos et la reine Sofia, tu imagines ! J’en étais très émue. J’ai connu beaucoup de succès durant les sévillanes et pendant une longue tournée dans les autonomias, on m’avait assigné une petite troupe de danseurs qui m’adulait. Mais ce n’est pas pour autant que j’ai pris la grosse tête ! La famille est toujours première dans mes pensées et dans mon cœur. Toi aussi, Abuela. Ensuite, j’ai gagné en popularité dans toute l’Europe, surtout en France, car ils adorent le flamenco. Et petit à petit, Soledad Cascajo fut connue dans le monde entier. Incompréhensible ! Cela est arrivé tellement vite que, même encore aujourd’hui, je ne me rends compte de rien. Seuls les gens qui me demandent des autographes, ou encore les salles remplies de personnes, me font comprendre l’ampleur de la chose. C’est magique, Yaya. Magnifique, splendide, merveilleux, et tout plein d’autres choses à la fois. Tu imagines, je suis devenue une star ? Una estrella ! Aujourd’hui, je suis au Japon, des amoureux des danses traditionnelles. J’adore, et tu aurais adoré venir ici.
Mais il y a encore quelque chose de plus incroyable qui m’est arrivé et que je dois t’avouer…Mais je ne sais pas trop par quel bout commencer. Me prendras-tu pour une folle ? Probablement. Abuela, tu te souviens quand tu me parlais des anciens esprits qui frappaient nos terres en été ? Ces petites créatures que le Soleil envoyait sur nos paysages pour chaleur et douceur, autant que peur et effroi ? Ces esprits du feu, Yaya, je les ai vus de mes propres yeux. Ay, madre de Dios, je savais qu’il allait se passer quelque chose de bizarre ce jour-là, et peut-être que, j’aurais du rester à la maison. Mais, juste derrière Ubrique, dans le flanc droit de la colline, derrière ta maison, un incendie s’était déclaré. Et j’étais seule ce jour-là, face à ce désastre. Et quand j’y suis allée, armée de toute l’eau que je pouvais, j’y ai vu une drôle de…créature, à la peau aussi noire que les profondeurs de la mer, et que chaque mouvement embrasait les environs. Un esprit du feu, Yaya, oui, du feu. Ils étaient quatre, et par réflexe, j’ai jeté l’eau que j’avais sur l’un deux. Par peur, sûrement. Et par horreur, j’ai vu que je l’avais tué…Les trois autres me sautèrent dessus, brûlant fortement ma peau. Je croyais mourir. Mais petit à petit, je ne sentais plus la douleur, alors que le feu rongeait ma peau à l’en faire devenir noir. Comme eux…Abuela, je suis devenue un esprit du feu, comme ceux que tu me contais autrefois. « Si un esprit disparaît, un autre doit renaître. » C’est ce qu’ils m’ont dit, me transformant à jamais ainsi. Je suis danseuse de flamenco mondialement connue et créature du Soleil en même temps. Crois-tu que je puisse continuer ma vie ainsi ? Es-tu fière de moi, Yaya, toi qui me regarde de là-haut ? Dis-le-moi, je t’en prie…
Me echas de menos, Yaya.
Tu querida Sol, tu luz, tu estrella…La lettre prend feu d’un claquement de doigt et disparaît dans l’air, les cendres s’éparpillant au vent.
Récapitulatif :
Soledad Castejón.
Femme hétérosexuelle.
21 ans.
Espagnole, Andalucia.
Aujourd’hui, grande star de la danse, en particulier le flamenco. Sait donc parfaitement le danser, ainsi que d’autres comme le rock acrobatique, la valse, le tango, la salsa, le merengue, et j’en passe. Elle sait aussi jouer merveilleusement des castagnettes.
Humaine devenue esprit de feu (donc créature).
Il existe deux formes de la demoiselle dans son apparat de feu :
- La première transformation n’est que partielle. Sa peau se fait bizarrement plus blanche qu’elle ne la porte habituellement. Ses cheveux deviennent littéralement flammes, brûlantes pour quiconque y touche. Ses yeux prennent une teinte d’un rouge intense, et de légers crocs comme ceux d’un vampire remplacent ses canines.
- La seconde transformation s’effectue sur l’entièreté de son corps. Et dès lors, on ne la reconnaît plus du tout. Sa peau devient aussi noire que du charbon tirée du profond des mines, alors dessinée de sorte de tatouages bleu nacré, partout sur son corps, y compris son visage. Comme des peintures de guerre. Et si vous touchez sa peau, le contact vous sera paraîtra glacial. Un peu comme si vous touchiez un silex pour provoquer une étincelle. Joli contraste, n’est-ce pas ? Son visage est plus…triangulaire, dirons-nous. Nez pointue, lèvres charnues, yeux forts en amandes et orangés. Le sommet de son crâne semble étiré en forme de flammes. Désormais, sa crinière est véritablement de flammes, redescendant au niveau de ses clavicules devant, et des omoplates dans son dos. On découvre une légère déformation des membres supérieurs. Ses avant-bras semblent plus gonflés, alors que ses bras sont plutôt fins. Aussi, elle ne possède que quatre doigts sur chacune de ses mains. Niveau vêtement, car oui, elle ne supporte pas la nudité des esprits du feu, Soledad préfère adopter des choses simples, de quoi cacher sa poitrine, toujours peu développée, et une jupe à la gitane, armée de bijoux. Chacun de ses mouvements, notamment au niveau des articulations, provoquera une étincelle au début, puis un départ de feu si cela se répète trop souvent. Sous cette forme, et seulement sous cette forme, l’Espagnole contrôle toute source de feu, pouvant l’étouffer ou le développer à sa guise. Elle est très rapide dans ses mouvements, et peut provoquer bien des catastrophes.
Pour ceux qui ne connaissent pas, je vais faire un peu de traduction:
- Soledad veut dire " Solitude " en espagnol.
- Yaya veut dire " Mamie, Mémé " en espagnol. Abuela, grand-mère.
- Me echas de menos: Tu me manques.
- Mucha suerte: beaucoup de chance.
- Madre de Dios, revient à dire " Nom de Dieu ".
- Navidad: Noël.
- Pequeñica: " toute petite ", en langage régional.
- Autonomias: les " régions " espagnoles, dans un certain sens.
- Ubrique est un village andalou, entre Cadiz et Ronda.
- Tu querida Sol, tu luz, tu estrella: " Ta chère Sol (diminutif de Soledad, mais Sol veut aussi dire Soleil. Bref.), ta lumière, ton étoile ".