"Héphaïstos? Ne me nommez plus jamais ainsi. Dorénavant, je suis X-SMYLE. Sortez de chez moi."
"Jonhatan... Jonhatan Ashford? Oui, ce nom me sied. Je vais devenir Jonhatan Ashford."
Et ainsi le Dieu du feu renaquit de ses cendres...
Il était autrefois le Grand forgeron, le Dieu du feu qui n'avait pas sa place parmi les siens, une engeance d'Héra qu'elle avait précipité du mont Olympe dès sa naissance. Il fut jadis Héphaïstos, le boiteux, celui qui était remonté parmi les siens pour les servir en tant qu'artisan, parce qu'il s'y croyait à sa place. Des millénaires passés dans une forge qui lui faisait office de temple, à battre le métal rougeoyant pour confectionner armes, armures et bijoux de qualité. Personne ne l'en remerciait jamais. Après tout, il était là pour ça.
Il était tombé amoureux d'Aphrodite elle-même, et malgré son physique ingrat et sa faible volonté, il lui avait demandé sa main. Nul ne saura jamais si elle avait accepté par amusement ou par dessein, mais les années qui suivirent lui montrèrent que ce n'était pas par attirance. La Déesse de l'amour jamais ne partagea sa couche, s'en allant pourtant satisfaire ses envies avec d'autres déités, d'autres créatures mortelles. Ainsi, il était aussi seul qu'avant, enfermé dans la monotonie, le labeur et le désespoir.
Et puis il créa Pandore, à partir d'argile et d'eau. C'était un ordre de Zeus, mais il était ravi: il se façonna une fille, une enfant qui fut bénie par nombre de grandes figures de l'Olympe, y compris sa femme et sa mère. Héphaïstos la chérissait plus que tout au monde, et l'éleva comme un père. Le cœur du forgeron se brisa en miettes lorsque Zeus reprit ses droits sur la jeune fille, et la maria à Épiméthée. A partir de ce jour, le Dieu du feu n'était plus que froideur.
Et il n'avait pas le droit de crier sa rancœur ou son amertume. On commandait, il exécutait. Quand bien même il s'était attaché à Pandore, on ne lui avait jamais demandé son avis, on ne lui avait guère laissé le choix. Héphaïstos s'était emmuré dans son silence, espérant que le temps l'aiderait à oublier. Mais jamais il n'oublia.
Lorsque Olympe tourna son regard vers le bas pour la première fois depuis des siècles, que les Dieux jetèrent à nouveau leur dévolu sur la race humaine, Héphaïstos ne fut pas en reste. Il s'appropria le corps de Pierre Listan, un jeune garçon de Tekhos, et lui vola sa vie, son existence. C'est sur Terre qu'il se créa une double vie: jeune employé au lycée, il était X-SMYLE, le voleur sur lequel nul ne savait poser un visage. A ce moment-là, sa seule préoccupation était de profiter des vacances qu'il s'était offert, et de capter l'attention de sa femme par le biais d'actions aussi malhonnêtes et dangereuses que stupéfiantes. Il était jeune, et beau, et amoureux. De toutes les conquêtes qu'il eut à cette époque, nulle ne sut remplacer sa précieuse épouse, et il continuait de jouir d'une liberté loin de l'Olympe, hors des lois et des valeurs morales. X-SMYLE était un homme minutieux, si bien qu'il ne laissait jamais aucune trace compromettante, jamais aucun témoin. Il était perfectionniste à un point tel, qu'il fit de Pierre sa victime afin de réaliser une fraude à l'assurance, et de s'assurer une colocation auprès de la seule
femme qui connaissait son secret, et qui lui servit occasionnellement de complice par la suite.
Au final, un braquage a fini par mal tourner. Une erreur, une simple erreur lui avait coûté très cher. Il y avait eu les flics et... Cet homme. Cet homme qui avait hérité d'un pouvoir interdit par l'Olympe, qui s'était dressé en travers de son chemin. Jamais il ne l'oublierait, l'intensité de ce combat, des pouvoirs dépassant l'entendement se confrontant. Il avait été désavantagé par les maigres capacités de son corps d'humain. Et il avait été défait, annihilé. Pour tout le monde, Pierre Listan était mort, et X-SMYLE avec.
Comme il l'avait jadis fait pour créer Pandore, il fabriqua un corps dans la chaleur étouffante de son atelier. Il le voulait grand, alors il lui donna les proportions d'un jeune homme d'aujourd'hui, un mètre quatre vingt-deux, soixante-quinze kilos environ, et lui sculptait une musculature aussi attrayante qu'utile: pas trop de relief, mais il ne fallait pas en manquer non plus. Une peau rose pâle, capable de rougir et de bronzer, pour l'habillage. Dans les orbites, il insérait des yeux d'un bleu doux, et organisa leur forme pour que son regard soit perçant, séducteur. Il fit en sorte que, qu'importe le degrés de fatigue, ses yeux ne soient jamais cernés, imperfection humaine qu'il corrigeait tant qu'il le pouvait. Il façonnait la forme du crâne, un visage fin mais une mâchoire bien carrée, des joues douces dans la continuité des pommettes, et pour finir, un nez fin et juste assez long pour ne pas jurer sur ce beau visage. Il implantait des cheveux noirs sur le crâne, ce qui lui aurait pris des plombes s'il n'avait pas fabriqué un outil au préalable, pour l'y aider. Des cheveux d'asiatiques, vous savez, des cheveux épais, robustes et doux, mais rarement gras. Il perça les lobes des oreilles par deux fois chacun, et y accrocha des anneaux d'or massif. Penché sur ce beau visage, il manquait encore un dernier détail, alors il y ajouta de la barbe, qu'il rasa ensuite pour n'en laisser qu'au menton. C'eut été trop étrange, qu'elle ne pousse qu'à un endroit, n'est-ce pas?
L'artisan apporta beaucoup de soin à la création des mains. Il les voulait douces, mais suffisamment souples et dotées d'une bonne poigne pour pouvoir retenir ses captifs, et modeler le métal avec précision. Il fit des poignets robustes, des doigts fins et une paume puissante.
Lorsqu'il descendit au bas de ces abdominaux qui formaient une charmante petite tablette de chocolat, une pensée pour ce sale petit bâtard de Priape l'empêcha de se montrer trop arrogant. Il pourvut son entrejambe d'un membre convenable et de taille moyenne, mais large juste comme il faut. Inutile d'en faire des tonnes, l'idée était de s'en servir correctement, et surtout, de s'en servir souvent. Il ajouta la pilosité, et une petite ligne remontant jusqu'au nombril, donnant un effet qui restait viril mais certainement pas négligé. Il termina par les jambes, des cuisses et des mollets épais et forts comme l'acier terminés par des pieds à la voûte plantaire parfaitement dessinée.Il était resté cloîtré chez lui un mois durant, pour créer ce chef-d’œuvre. Dès son retour, il avait chassé de son temple tous les prêtres, ceux qui étaient venus apprendre, prier, ceux qui l'avaient attendu toutes ces années. Tous mis dehors comme des malpropres, sans exception. Les grandes portes s'étaient fermées sur ces gens qu'il connaissait mais quine le connaissaient plus. Il ne reçut aucune visite, et ne sortit jamais. Quiconque, qu'il fut Dieu ou mortel, restait sur le pas de la porte, sans réponse. Même Aphrodite, sa propre femme, se présenta devant sa porte. Et comme les autres, elle n'eut aucune réponse. Dans les sous-sol, dans la vapeur d'eau brûlante, la chaleur que seul lui pouvait supporter, le Dieu du feu était à l'ouvrage. Durant ce mois entier de travail minutieux, à aucun moment il n'avait pris une minute de repos, pas un instant pour dormir ou se restaurer.Le forgeron travaillait avec ardeur sur ce qu'il qualifiait comme la plus belle création de son existence: le véritable X-SMYLE. Celui qu'il était vraiment. Celui qu'il avait toujours voulu être, et qu'il allait devenir. Lorsqu'il eut fini de se créer ce corps qu'il jugeait parfait, il rejoint sa chambre et y dormit deux jours durant. Puis enfin,il transféra son esprit dans cette nouvelle enveloppe.
Le jour où le temple ouvrit enfin ses portes, l'homme souriant qui en sortit n'était pas Héphaïstos. Il était bien le Dieu du feu, le Grand Forgeron, mais il n'était pas le toutou des Dieux, la créature docile et boiteuse qui jadis occupait ces lieux. Il était beau, et fort, et libre. Alors qu'il descendait les marches, plusieurs explosions retentirent derrière lui, et son temple s'effondrait dans les flammes qu'il avait autrefois abritées. Lui souriait, et regardait droit devant lui. C'était un nouveau départ. Maintenant, il n'y avait plus rien à regarder, en arrière.
Alors qu'il quittait l'Olympe, il fut rattrapé par une prêtresse d'Aphrodite. Il lui dit simplement ceci: "Va dire à ta maîtresse que le jour où je reviendrai... Je violerai cette sale petite pute."
Et parce que Pierre et Héphaïstos n'étaient plus, X-SMYLE, seul à subsister, seule vérité derrière ces identités passées, se mit à changer foncièrement. Il ne voulait plus violer pour satisfaire les besoin du vieux forgeron. Il ne voulait plus voler pour contenter le porte-monnaie de Pierre. Il ne voulait plus mettre le feu pour capter désespérément l'attention d'un amour qui l'avait délaissé. Non, à partir de là, il avait sa raison, sa propre raison: il ferait tout ça pour son seul plaisir, pour son seul amusement. Il endosserait encore une autre identité pour des raisons pratiques, mais X-SMYLE n'était plus un mensonge derrière un mensonge. Il était le véritable visage, riant derrière son masque.
Malgré tout, il avait fini par se considérer lui-même comme un Dieu, héritier de ce déchet inutile qu'était Héphaïstos. Il en devenait arrogant, présomptueux, mesquin. Étant le dernier chef-d’œuvre d'Héphaïstos avant sa fin, il attachait beaucoup d'importance à ce nouveau corps, et ne tolérait pas qu'il fut souillé de quelque façon. Il demeurait l'être calculateur qu'il avait toujours été, et se révélait toujours aussi minutieux dans ses méthodes, toujours le même être sadique qui prenait plaisir à voir les expressions terrifiées alors qu'il avait le contrôle absolu. Il se gardait une facette sociable et séductrice pour la vie de tous les jours, avec ses côtés maladroits, en la personne de Jonhatan Ashford.Le jeune homme frappait à la porte du manoir, saluant la femme qui lui ouvrit. A peine était-il revenu sur Terre qu'il l'avait prévenue. Qu'il n'était pas vraiment mort. Qu'il était revenu. Qu'il n'était plus vraiment comme avant, mais qu'il était resté le même. Elle était la seule à pouvoir comprendre. Et elle l'avait accueilli avec un "bienvenue chez toi".
Une semaine après, le visage caché sous une casquette bombée blanche et tachetée de noir, enveloppé dans un grand manteau sombre, X-SMYLE s’accroupissait à côté du squelette encore fumant d'un dealer ui s'amusait à faire chanter ses clients dépendants. Il glissait un petit mot dans le creux de sa main, un bout de papier sur lequel on pouvait lire, en dessous de sa marque "Je suis de retour".