L’eau continuait à couler sur le carrelage de la salle de bains. Il était rarissime de disposer d’une salle de bains privés à Nexus. L’auberge du Coucher de Lune équipait certaines de ses chambres, mais, généralement, la plupart des Nexusiens se rendaient aux bains publics, les thermes. Un lieu convivial et chaleureux, qui avait jadis été mixte, avant que l’Ordre Immaculé n’essaie, à sa manière, de clarifier les choses, et de séparer les sexes, au moins dans les thermes les plus prestigieuses de la ville. Cahir se félicitait qu’il y ait une baignoire. Coucher avec une femme dans l’eau chaude était un régal. Il se pressait contre ce corps chaud, doux, et trempé, qui se serrait au sein, l’eau formant comme une sorte de couverture recouvrant les deux amants, noyant leur sueur, contribuant à les absorber dans une sorte de douce rêverie sexuelle. Il en avait presque l’impression que son corps fumait. L’eau était en réalité assez chaude, et leur danse dans la baignoire n’aidait nullement à faire décroître la température. Son dos était rouge, tout comme ses joues, alors qu’il était de plus en plus hargneux, grognant, soupirant, voulant qu’elle jouisse, voulant s’abandonner en elle. Il avait déjà beaucoup donné, et sentait ses muscles souffrir. Cahir fatiguait, mais cette fatigue était nuancée par le vif plaisir qu’il éprouvait à l’idée de pénétrer Louane.
Ne pouvant se permettre d’être hypocrite avec lui-même, Cahir n’aurait jamais pu avouer qu’il n’y avait rien de physique entre eux deux. Louane était d’une redoutable beauté, une belle Terranide, et il adorait lui faire l’humour, s’écraser contre elle, la sentir gémir et haleter. Sa beauté, cependant, n’était pas son seul argument. Il admirait cette femme, à la fois simple et forte. On aurait pu la croire aussi fragile que la plupart des Terranides, mais elle savait se révéler solide, endurante, et intrépide. Elle le lui avait prouvé quand ils s’étaient rencontrés. Honnêtement, Cahir s’était attendu à ce qu’elle abandonne au bout de quelques jours, mais, au lieu de ça, elle s’était révélée être une femme talentueuse, une guerrière attentive, qui utilisait ses capacités de Terranide pour jouer de sa vitesse, afin de prendre l’ennemi en revers. Par la suite, Cahir avait compris qu’elle avait des motivations personnelles assez fortes : elle traquait son père, et avait pensé pouvoir le retrouver du côté de Flotsam, où son père était passé. Leurs recherches avaient été infructueuses, et c’était là-bas qu’il s’était séparé.
Sa bouche glissait sur la nuque de Louane, absorbant un peu d’eau, baisant sa peau. Contre son torse, il sentait les deux seins de la femme s’enfoncer, se pliant sous son corps, son sexe se perdant en elle, avant de remonter, pour revenir, expulsant et ramenant de l’eau. Il donnait des coups de reins qui, sous l’effet de l’eau, catapultaient Louane contre la baignoire avant de la soulever, ses fesses heurtant le rebord de cette dernière. Il s’abreuvait des soupirs et des gémissements qu’elle poussait, de ses mains se pressant contre son torse. Tout ça était magnifique, et ses propres mains glissaient sur le corps nu de Louane, éprouvant sa beauté et sa perfection à travers l’eau. Il se plaisait en elle, sans aucune hésitation possible, et continuait à laprendre, jusqu’à ce que, finalement, elle ne finisse par jouir. Il en eut l’intime conviction quand ses cris se calmèrent, et que son visage sembla se figer dans une expression muette d’intense plaisir. Lui cessait presque de respirer en sentant le courant venir, et relâcha la pression, en donnant des coups de reins de moins en moins forts, accompagnant son érection, jouissant en elle, encore une fois.
La tempête qui agitait la baignoire semblait se calmer, les remous diminuant. La respiration de l’apatride était lourde, haletante, et il s’affaissa lentement sur le corps de Louane, reprenant son souffle, en sueur. Il ne parlait pas, car c’était là bien inutile. Quel mot pouvait-il dire ? Elle était merveilleuse, et ça se sentait. Il retira son sexe de son intimité, mais resta contre elle, avant de sentir les mains de Louane, tendrement, venir frotter son dos.
Cahir ne dit rien, fermant les yeux, répondant aux baisers de Louane, glissant main sur le bas de son dos, titillant ses fesses. Pouvait-il prétendre l’aimer ? Il n’en savait rien. L’homme n’avait jamais été vraiment amoureux. Il avait surtout épousé sa femme pour avoir des enfants, et parce qu’un homme de son importance devait se marier, afin de fonder une famille. Il savait qu’il aimait le sexe, surtout depuis qu’il avait été déchu. Sa femme n’était pas une démone, mais une humaine, et elle n’avait pas eu le talent de ses amantes. Il fallait croire que les femmes préféraient les hommes un peu romanesques aux soldats clairement établis... Ou alors, que les femmes aventurières étaient beaucoup plus expérimentées que les autres. Cahir avait découvert quantité de positions sexuelles, réalisant qu’il éprouvait beaucoup de fantasmes, et que son expérience de militaire en faisait un amant endurant. Ses muscles étaient toujours requis à chaque fois qu’il couchait avec une femme, lui prodiguant une bonne endurance, ce que, manifestement, les femmes appréciaient. Cependant, il y avait clairement, avec Louane, un truc en plus... Un plaisir supplémentaire, pas uniquement sexuel, quand il al revoyait.
Alors qu’il reprenait lourdement ses souffles, et caressait le dos de Louane et ses hanches, distraitement, tandis qu’elle le massait et le savonnait, appréciant le contact de ses seins contre sa peau, l’apatride y songeait. Amoureux, lui ? Il n’avait jamais cru à l’amour, jamais cru à ces fadaises de poètes sur le caractère imprévisible et irrationnel de l’amour. Il se collait contre elle, et, en voyant l’eau, il voyait quelques traces blanchâtres, correspondant, soit à son sperme, soit à sa mouille. Il en sourit légèrement, amusé... Lorsqu’on frappa à la porte.
Cahir tourna subitement la tête. Depuis la salle de bains, il y avait une vue sur la chambre, et, au fond, sur la porte. Les murs étaient solides, il ne pouvait donc pas s’agir de voisins dérangés par le bruit. Instantanément, Cahir songea à Versen. L’homme s’était opposé à ce que Cahir vienne voir ce moine, et, en y repensant, Cahir se remémora les raisons premières de sa venue ici... Se renseigner sur la corruption d’un duc, dont les activités étaient liées au gouverneur corrompu de Flotsam.
« Et si on faisait comme s'il n'y avait personne ? Hein ? » chuchota alors Louane.
Cahir allait lui répondre, quand les coups redoublèrent contre la porte.
« Visiblement, ce sont des gens pressés. »
Cahir l’embrassa sur les lèvres, avant de lentement se redresser, l’eau ruisselant le long de son corps.
« Reste ici, ma belle, je vais aller voir ce qu’ils veulent, et me débarrasser d’eux. »
Il était possible que ce soit simplement des serveurs ayant vu Louane partir avec l’homme, et désirant savoir pourquoi elle n’avait pas repris son service. Dans la chambre, leurs vêtements étaient éparpillés sur le sol. S’observant brièvement dans le miroir, Cahir vit ses cheveux en bataille. Il allait se saisir d’une robe de chambre pour aller se présenter... Quand la porte fut soudain arrachée de ses gonds par un violent coup de pied.
Nu, il vit plusieurs hommes armés, avec des armures de plates, entrer dans la pièce, souriant devant l’homme. Cahir ne réfléchit pas longtemps, et courut vers le fourreau de son épée. Les hommes ricanaient, mais l’un d’eux fut plus rapide, et le chargea avec un énorme bouclier, l’atteignant aux cotes. Cahir tomba sur le sol.
« Capturez ce lascar, et chopez la Terranide ! Il nous les faut vivants !
- Qu’est-ce que vous voulez ?! demanda Cahir.
- Ta gueule, connard ! »
Pour seule réponse, Cahir reçut un coup de pied en pleine tête, et s’écroula sur le sol. Les autres hommes s’avançaient rapidement vers la salle de bains.