« Nous n’aurions pas fait appel à vous, si la situation n’était pas urgente. »
Voilà comment la discussion entre Cirillia et sa récente employeuse avait commencé. D’emblée, l’arrogante agriculteur avait établi les limites, fixé les règles. Cirillia d’un côté, la vagabonde, la sauvage, et, de l’autre, elle, une propriétaire terrienne richissime dont la fortune reposait essentiellement sur son bétail. Elle avait de nombreuses vaches, des bisons, des bœufs, des chevaux, et tout un tas d’autres animaux dans sa grande ferme. Il y avait même de la volaille, grâce à un poulailler rempli. En recherche de travail, Cirillia avait été aiguillée par l’aubergiste d’un petit village dans ce manoir. Les aubergistes étaient toujours ceux qui en savaient le plus. Ce dernier lui avait expliqué que l’économie locale du village reposait principalement sur la grande ferme à proximité. La châtelaine était une belle femme, fière et arrogante, qui avait expliqué à Cirillia qu’elle avait depuis, quelques semaines, des problèmes.
C’était justement ce problème qui conduisait Cirillia dans la forêt, dans son armure légère faite de plumes et d’écailles. Elle avait récemment bu un élixir améliorant ses réflexes et ses sensations, et s’avançait à travers les arbres, cherchant la grotte où les Grawls vivaient. Ces créatures étaient de superbes saloperies, qui vivaient en meute. Ils attaquaient depuis plusieurs semaines le bétail, massacrant les vaches. La châtelaine avait enquêté, envoyé des hommes dans la forêt, mais ils avaient tous été tués. Les Grawls étaient dangereux. Des bêtes sauvages, mais qui avaient un fonctionnement sociétal primitif, à tel point que ceci avait amené plusieurs spécialistes à se demander s’il ne fallait pas les considérer comme des êtres humains. Cirillia, pour sa part, refusait une telle analyse. Les fourmis aussi disposaient d’une forme de société, ce n’était pas pour autant qu’on leur octroyait la citoyenneté. Les Grawls étaient des animaux organisés comme une ruche, avec un chef, un mâle-Alpha, qui dirigeait les autres.
Ils étaient venus dans la région à cause d’une vague de froid qui les avaient forcé à s’éloigner de profondes forêts, et ils chassaient les vaches et les autres bêtes appétissantes de l’immense ferme, sans se soucier des gardes. Il y avait eu des morts, et la noble, naturellement, était embêtée.
« Je peux vous en débarrasser, avait promis Cirillia, mais ce ne sera pas gratuit. Une meute de Grawls comprend des centaines et des centaines de membres.
- L’argent n’est pas un problème, mais, plus ce sera fait rapidement, et plus votre prime sera élevée. »
Les termes du contrat étaient intéressants, d’autant plus que Cirillia manquait de fonds, et de véritable challenge. Son dernier affrontement avait été de combattre quelques loups sauvages affamés par le froid. L’hiver approchait, et, avec lui, les animaux sauvages se faisaient plus nombreux, plus agressifs, attaquant les villages à la recherche de nourritures. Mais, malheureusement, Cirillia ne roulait pas sur l’or, et entretenir son équipement coûtait de l’or. Elle ne pouvait pas non plus constamment revenir voir son frère afin qu’il entretienne son équipement.
*Nous y voilà... D’après les informations des hommes que la noble a envoyés, les Grawls se réunissent dans un vaste réseau souterrain... Ils ont probablement du descendre de la montagne et se réfugier là-dedans. Il va falloir éviter que je m’y perde... Voilà le gros chêne cassé... Normalement, la grotte est juste après...*
Cirillia s’avança lentement, attentive au moindre mouvement. Une forêt était un endroit passablement dangereux, généralement rempli de monstres et de prédateurs... Des kikimorrhes, des noyeurs, voire même des Cazadores... Cirillia devait faire attention à tout, et s’avança lentement, très lentement, afin de ne pas éveiller l’attention des Grawls. Elle comptait la jouer discrète, car, seule face à une horde de Grawls, elle s’effondrerait rapidement... Elle aperçut la grotte, et se terra derrière des buissons. La stratégie allait maintenant être d’attendre que des Grawls sortent, et qu’elle finisse par trouver d’autres entrées. Il lui fallait s’infiltrer, trouver le chef, et le tuer. Cirillia se mordit les lèvres, et se résolut à attendre. C’était comme ça, la vie d’une chasseresse, quand bien même on en parlait jamais dans les romans : l’attente. Une chasseresse devait attendre des heures et des heures, voire même des jours, jusqu’à ce que la proie arrive.
Elle se mordilla les lèvres, et entendit alors des bruits de combat émanant de la grotte. Elle fronça lentement les sourcils, et se rapprocha lentement, entendant les bruits se répéter. Quelqu’un était en train de se battre à l’intérieur. S’approchant, elle sortit son épée, entendant des cris, des borborygmes. Elle sentit alors l’odeur de putréfaction agresser ses narines, et grinça des dents, commençant à s’aventurer dans la grotte, épée brandie. Elle prit un élixir de Chat, qui lui permettait de voir dans la nuit, et s’avança rapidement. Il y avait bien quelques brasiers dans les coins, mais l’éclairage restait très minime.
Cirillia n’eut pas long à attendre avant de voir une scène de boucherie. Il y avait des cadavres partout, s’étalant dans une grande pièce. Elle les consulta. Des membres avaient été tranchés, des plaies purulentes répandant du sang sur les murs. Une épée avait du faire ça, ou une arme tranchante... Elle se pressa, tenant la poigne de l’une de ses deux lames. C’était l’épée en acier, et elle s’aventura à travers une galerie, entendant plus distinctement les cris. Le combat était proche, et elle descendit à nouveau, pour voir une espèce de grande pièce où un homme se tenait sur une plate-forme en hauteur, tranchant les Grawls qui l’entouraient, fondaient sur lui en tout sens. Il se tenait en hauteur, probablement afin de minimiser les dangers de se faire encercler, et se battait avec une élégance incroyable. Il était très doué, ce que Cirillia comprit rapidement en le voyant agir. Qui était-ce ? La noble n’en avait pas parlé... Un rival potentiel ?
*Il est complètement fou d’attaquer ainsi les Grawls...*
Les Grawls sentirent la chair fraiche, et plusieurs se tournèrent vers Cirillia. Ils étaient massifs, ressemblant à un croisement entre un humain, un serpent, et une mouche. Des yeux affreux, et une peau faite d’écailles. Cirillia avait un pied posé un morceau de corps, et leva sa lame, la tenant en haut, optant pour la garde du Faucon. Les trois Grawls se ruèrent alors vers elle rapidement, et elle les tua tout aussi rapidement. Elle attaqua la première, abaissant sa lame à la perfection, tranchant la patte griffue d’un des Grawls, et bondit en arrière, évitant les crocs d’un autre Grawl, qui claquèrent dans le vide. Elle trancha la tête de ce Grawl, mais le troisième réussit à le toucher au ventre. Ses griffes heurtèrent l’armure de Cirillia, heurtant les écailles, faisant grincer cette dernière. Le Grawl utilisa son avantage pour approcher ses dents. Sa langue glissa sur la joue de Ciri’, qui se laissa tomber sur le sol, atterrit par terre, ses fesses trempant dans le sang. Elle roula par terre, se releva vite, et sentit le Grawl fondre sur elle, ne lui laissant aucun répit. Depuis sa position, Ciri’ sortit une petite dague, et se retourna subitement, la plantant dans le cou de la bête alors qu’elle bondissait sur elle. La créature s’écroula sur le sol, son sang se mettant à filer de sa gorge. Sans attendre, Ciri’ embrocha le troisième Grawl, celui à la main tranchée, et soupira.
Les autres Grawls ne l’ayant pas repéré, elle se dépêcha de chercher un promontoire, une position difficile d’accès pour les monstres, et fit un peu d’escalade jusqu’à se positionner en hauteur. De là, elle sortit son arbalète, la faisant glisser de son dos, et commença à ouvrir le feu, balançant ses carreaux sur les Grawls, visant leurs parties vitales. Elle était ainsi bien plus meurtrière, et aidait ainsi le mystérieux chevalier. Inutile de parler, elle ne voudrait pas le déconcentrer, et se déconcentrer.
*Concentre-toi sur ces saloperies !*
Leur chef n’était probablement pas avec eux, devant se terrer bien plus loin dans la grotte, mais elle avait sous-estimé cette marée de monstres. Ils étaient bien plus nombreux que ce qu’elle avait escompté !