Chasseuse de monstres par excellence, Cirillia avait brandi son épée, cherchant à repousser les endriagues, lorsque Cécil la résonna, en lui suggérant de se réfugier à l’intérieur. Une bonne idée. Cirillia ignorait ce qui les attendait à l’intérieur, mais elle avait besoin de toutes ses forces. Néanmoins, l’idée de fuir, de battre en retraite, lui était assez insupportable. Cécil la tenait par le bras, et elle fut forcée de le suivre, se retrouvant dans la tour. Il referma rapidement la porte derrière eux, avant de la bloquer, empêchant les endriagues d’entrer. En poussant des grognements et des sifflements stridents, ces dernières s’écartèrent. Il essaya de justifier sa position, et Cirillia finit par hausser les épaules, rangeant sa lame dans son fourreau, dans son dos. La priorité était effectivement de se renseigner sur Gravehammer, pas de tuer des endriagues. Cirillia, silencieuse, regarda autour d’elle. La tour montait silencieusement dans les hauteurs, silencieuse et sinistre.
«
Bon... maintenant qu'on est dans la tour, il faut trouver des indices sur cette lame. On peut peut-être trouver un journal sur dans ses appartements, avec un peu de chance. »
Cirillia hocha la tête, et commença par regarder autour d’elle. Il y avait plusieurs armoires avec des livres à l’intérieur, mais ils étaient tous dans un triste téta, poussiéreux, aux pages jaunies. Elle en ouvrit un, et constata qu’il s’agissait de notes personnelles, d’essais, de symboles mathématiques... Ainsi que de quelques livres de connaissance : des dictionnaires magiques, des essais, des traités, des manuels... La chasseresse soupira. Tous les livres concernaient l’enchantement d’objets.
«
Visiblement, le propriétaire de cette tour se renseignait beaucoup sur les armes magiques. »
Il y avait des notes, qui permettaient de retracer ses recherches. Il évoquait des contes de fées, ce qui supposait un mage enseignant, qui s’amusait à illustrer ses cours par des contes et des histoires, afin de rendre ses enseignements plus intéressants et plus compréhensibles. Cirillia saut de nombreux passages théoriques, l’essentiel des notes comprenant surtout des explications sur la manière d’enchanter les armes. Il n’y avait rien sur une quelconque épée démoniaque. D’autres notes évoquaient la tour. Elle appartenait au mentor du mage, qui l’avait récupéré, et s’en servait comme laboratoire et comme atelier. Cirillia s’interrompit dans sa lecture en entendant des bruits. Elle leva la tête, mais ne vit rien. Les endriagues devaient probablement craindre cette tour pour ne l’avoir jamais envahi, mais il y avait fort à parier que la présence de proies chaudes et délicieuses les amenaient à essayer de chercher une autre entrée. Elle retourna dans les notes de l’homme :
Réaménager cette tour a demandé plus de temps et de moyens que je ne le pensais. Fort heureusement, les villageois locaux m’ont aidé, et j’ai eu droit à quelques réductions, en échange de sortilèges pour enchanter leurs outils. Malheureusement, je manque de liquidités pour poursuivre mes expériences, et je n’ai pas envie de retourner à Nexus. Cette ville est gangrénée par la corruption, et je n’ai pas que ça à faire d’affronter des politicards, et de me livrer à des considérations mercantiles. Seul l’intérêt supérieur de la magie doit me guider. Je crains toutefois de devoir mettre entre parenthèse mes recherches, le temps de récupérer des financements.
Hochant la tête, elle chercha dans d’autres pages, et sourit en voyant les applications possibles de l’enchantement... Avant de réaliser qu’il y avait là une piste, quelque chose d’intéressant.
«
Vous devriez lire ceci. »
Cirillia lui tendit le papier, sur lequel on pouvait lire :
Quand on parle d’enchantement, les gens pensent systématiquement aux épées, aux boucliers, et aux armures. Il est vrai que l’enchantement d’objets a une forte dimension militaire, et que c’est là qu’on y trouve les commandes les plus complexes, mais aussi les plus lucratives. Cependant, l’enchantement a aussi d’autres applications, plus triviales, auxquelles on ne pense pas forcément.
Rappelez-vous tous ces contes sur les sorcières qui chevauchent des balais, sur les balais qui se déplacent tout seul, et sur les objets enchantés, comme un set de théières ? La plupart de commandes enchanteresses portent sur des balais, des instruments ménagers, des chaudrons, des coupes... Voilà bien pourquoi je ne me fais pas de souci sur ma capacité à obtenir rapidement des liquidités. Et puis, il faut voir le bon côté des choses. Si je me suis rendu dans cette région, c’est pour avoir des nouvelles sur l’Épée Noire. Qui sait ? En me rapprochant des villageois, j’obtiendrais peut-être des nouvelles de l’Épée.
L’Épée Noire... De quoi voulait-il parler ? Cirillia continua à chercher parmi les différents papiers, mais il n’y avait plus rien. Elle se mit à marcher rapidement, vers une porte en bois, et l’ouvrit. L’escalier montait et descendait. Elle choisit de descendre, et arriva dans une espèce de cave poussiéreuse remplie de toiles d’araignées sans intérêt. C’était l’atelier du mage, là où ce dernier avait du faire de nombreux instruments pour ses clients. Un registre était dans un coin, et Cirillia comprit qu’il n’y avait rien d’intéressant :
Lundi
- 1 balai magique... 65 pièces de bronze
- 1 livre enchanté... 30 pièces de bronze
- 1 chaudron bouillant... 10 pièces d’argent
Mardi
- 1 miroir magique... 50 pièces d’argent
- 5 liqueurs de cerise... 20 pièces d’argent
- 2 robes de soie adaptables... 100 pièces d’argent
Cirillia arrêta là sa lecture, et entendit de nouveaux grincements.
«
Il n’y a rien ici. Montons. »
L’escalier était long, assez étroit, avec des planches en pierre. Le bruit des pas de Cirillia résonnait, et elle vit de nombreuses fissures le long des murs, ainsi que des espèces de champignons, et une moisissure verte. Il y avait peu de bois, car, dans un environnement aussi humide, les planches auraient pourri. Tout en montant, Cirillia avait des vues sur la tour, qui était grande. Les murs dégageaient une lueur verdâtre, et elle atteignit le sommet, pénétrant dans les appartements du mage, qui formaient une espèce de cercle dont le centre était un trou, permettant de voir l’intérieur de la tour. Il n’y avait aucune trace du mage, et Cirillia vit un lit, une table de travail, un bureau, avec des papiers dessus. Une porte menait sur une terrasse silencieuse. Cirillia s’approcha du bureau, continuant à lire les notes, et trouva plusieurs choses.
C’est bien ce que je pensais... De fil en aiguille, j’ai pu organiser un voyage avec le chasseur du village jusqu’au navire échoué. J’ai dessiné les blasons, et je me suis servi d’un livre de nautique pour savoir à quoi il correspondait. Ce navire appartenait à des corsaires. Je suis convaincu qu’il s’agit de l’expédition qui a trouvé l’Épée. Nous n’avons pas pu poursuivre les investigations à cause de la nuit, mais je compte bien y retourner demain. Je suis convaincu que l’Épée est là !
L’Épée désignait probablement Daedaron. Cirillia entendit du bruit venant encore de la terrasse, et posa la main sur le pommeau de son épée. Du doigt, elle fit signe à Cécil de se taire, et se rapprocha lentement de la porte. Le vent sifflait lentement à l’intérieur, et elle longeait cette dernière, se rapprochant de la terrasse. Il y avait
quelqu’un dehors, et son expérience lui disait que ce n’était pas une présence bienveillante. Elle se rapprochait, la main sur son épée, et la fit lentement glisser, avant de bondir d’un coup, l’abattant sur la présence... Mais sa lame heurta le mur. Elle vit une forme s’approcher, quelque chose qui volait, et eut le temps de tourner la tête avant de sentir une onde de magie la frapper. Cirillia poussa un cri, et tomba sur le sol, roulant par terre, et atterrit contre la rambarde, manquant tomber dans le vide. Une femme venait de se poser sur le balcon, avec de longues ailes blanches dans le dos, et un regard acéré.
«
La gratitude des humains a toujours été quelque chose d’incompréhensible pour moi. »