Chroniques nocturnes à Tekhos [Sarah Pezzini]

« Code prioritaire ! Les forces spéciales sont en route ! Ordre d’évacuation du secteur ! Je répète : que tous les agents de patrouille évacuent, et délimitent un périmètre de sécurité autour de la zone ! Les forces spéciales sont en route ! »

Le crépuscule s’abattait comme une chape de plomb sur Tekhos Metropolis, la flamboyante capitale du plus puissant État de Terra. Mais, au milieu des hautes tours de verre et des buildings en acier, dans les croisements d’immenses boulevards à six voies, le chaos venait de s’abattre. Les voitures de police crachaient leurs gyrophares, hurlant à travers la nuit, et les citoyens, effrayés, s’enfuyaient en hurlant de la zone sinistrée. On aurait presque cru que tout un quartier de la ville venait d’entrer dans une espèce de sordide guerre civile. Les premières patrouilles tekhanes envoyées avaient été totalement impuissantes à contrer ces psychopathes qui tiraient sr tout ce qui bouge dans des armures de combat futuristes. Le centre de police de Tekhos envoyait donc la grosse artillerie : les forces d’intervention lourdes. Dans le ciel de Tekhos, deux hélicoptères filaient rapidement à toute allure, suivis par un enfer de fourgons de police, de voitures, et de motos, au milieu des journalistes et des médias qui filmaient la scène, la répertoriant sur des écrans géants.

« PANIQUE A TEKHOS METROPOLIS ! »

« UNE NOUVELLE ATTAQUE DES PROFANATEURS ! »

« EN DIRECT ! »

Paniquées, les Tekhanes, et les Tekhans, observaient les images, médusés par ce chaos, par ces volutes de fumée noirâtre s’échappant des véhicules carbonisés. Les images montrèrent alors les hélicoptères des équipes d’intervention spéciale, les troupes d’élite, qui filaient dans le ciel endormi :

Ils se rendaient vers le croisement entre deux boulevards qui étaient encerclés par des barrages routiers et par la police, qui se repliait, les agents de police n’arrivant pas à endommager les puissantes armures d’individus qui avaient débarqué il y a environ vingt minutes, par un gros camion qui s’était arrêté au milieu du boulevard. La remorque s’était alors ouverte, livrant passage à des hommes armés, des armures qui rappelaient celles d’un groupe terroriste actif depuis quelques semaines à Tekhos, et que la presse avait surnommé, sans qu’on ne sache trop pourquoi, les Profanateurs. Quatre Profanateurs se tenaient au milieu d’un enfer de flammes et de fumée noirâtre. Ils avaient ouvert le feu sur tout ce qui se passait par là, que ce soit les voitures, ou de simples civils, sans objectif précis. Ce n’était pas le premier attentat des Profanateurs. Le plus récent en date avant celui-ci avait eu lieu dans une station de métro, où deux Profanateurs avaient canardé un quai avec des armes terrifiantes.

Sur un toit, une femme écoutait, à l’aide d’un gadget conçu par l’Oracle, les entretiens de police, leurs conversations... Et elle comprit rapidement que c’était la merde, et qu’il était temps pour elle d’intervenir. Elle se redressa, et le vent vint lui fouetter le visage et son corps à moitié nu. Elle se tenait à des centaines de mètres au-dessus du sol, mais il en fallait plus pour l’effrayer. Laura Winters, fort heureusement, n’avait pas le vertige, et bondit dans les airs, déployant ses ailes, se disant que, dans un sens, elle enviait les super-héros terriens. Leurs criminels, eux, n’étaient pas des dingues surarmés, avec un équipement qui faisait passer les pistolets-mitrailleurs et les Kalachnikov pour des jouets pour enfants. Flottant dans les cieux, elle se laissait porter par le vent, utilisant parfois son grappin pour récupérer de l’altitude, tandis que, en contrebas, sa moto, guidée par une intelligence artificielle développée, la suivait prudemment. Elle slalomait entre les gratte-ciel, entendant la ville hurler sous elle. Une oreillette lui permettait d’écouter les informations que les agents de police s’échangeaient entre eux. Et elle se mordilla les lèvres en entendant des agents gueuler :

« Ils ont un robot de combat !! Putain, ils ont un foutu... KRRRRRRRRRR »

La situation avait l’air critique, et Laura continua à planer, atteignant ainsi assez rapidement le boulevard. Elle se posa sur une terrasse, et utilisa des jumelles, voyant au milieu de la fumée un spectacle assez sinistre. Les Profanateurs étaient là, disposant de lourdes armures avec des espèces de jetpacks, des armes énormes qui crachaient des tirs mortels, et avec une infernale machine au centre. Un robot de combat autonome, ressemblant à une espèce de crabe géant qui balançait des espèces de rayons lasers explosifs. Le tableau était apocalyptique :

Les Profanateurs

Tout l’attirail traditionnel de Batgirl ne serait d’aucune utilité à Laura, et c’était bien pour ça qu’elle n’avait rien rapporté de tout ce bric-à-brac inutile. Elle devait intervenir avant que la liste des victimes ne continue à s’agrandir. Tout ça, c’était de sa faute... De sa faute, parce qu’elle traînait dans ses investigations, dans les recherches que Barbara lui demandait d’accomplir sur le trafic d’armes. Le robot de combat se mit à tirer de nouveaux jets, qui atteignirent une terrasse, provoquant une violente explosion, et elle nota alors que des panneaux s’ouvraient dans son dos, et qu’ils avaient l’air brûlants...

*Il refroidit ses systèmes ainsi... Je crois bien que c’est son point faible...*

Entre-temps, les hélicoptères approchaient, mais les Profanateurs avaient de quoi les accueillir, leur robot de combat levant ses armes, et crachant de nouveaux rayons. Un hélicoptère fut touché, et partit en tournoyant dans les airs, pour disparaître du champ de vision de Laura. Cette dernière décida alors d’intervenir, et se laissa tout simplement tomber dans les airs. Elle ouvrit à nouveau ses ailes, sachant que les médias devraient probablement la voir.

*Préparez les autographes, Batgirl fait son arrivée sur Tekhos !*

Elle traversa la fumée, et banda les jambes, heurtant de plein fouet l’un des quatre gars.. Face à un adversaire normal, le coup aurait du le propulser à plusieurs mètres. Cependant, l’armure de ces gaillards était épaisse, bien plus solide que ce que Batgirl avait prévu, et ce fut elle qui manqua se briser les os des jambes, produisant à peu près autant d’effet que si une mouche s’était éclatée contre un pare-brise. En somme, Laura se vautra par terre, et eut à peine le temps de se redresser qu’elle évitait le pied du Profanateur, qui pointa vers elle son bras. Deux canons étaient greffés à ce dernier, et des balles en surgirent. Réagissant instinctivement, Laura bondit de côté, à l’aide d’une élégante roulade, et balança l’un de ses rares Batarangs, atteignant les deux canons. Le coup fit mouche, mais Laura, seule, restait en assez mauvaise posture.

Il y a des jours comme ça, où la chaleur confortable du lit nous manque encore plus que d'habitude.
Des jours, où rester peinard dans son appartement, avec un café dans la main et une cigarette dans l'autre serait un paradis.
Oui, un paradis, mais n'importe quelle situation serait un, en comparaison du merdier dans lequel Sarah Pezzini se trouvait actuellement. Et dire qu'aujourd'hui aurait du être le début d'une semaine de congés, c'était mal parti pour.

Cachée derrière les débris de la carcasse encore fumante de ce qui était sa voiture de fonction, Sarah déchirait un morceau de sa veste pour faire un garrot à l'une de ses coéquipières, qui avait été sévèrement touchée à la jambe par un débris provenant d'une explosion. Elle pissait le sang, ce liquide rougeâtre était en train de se répandre sur la route, et ce n'est que de justesse que Sarah la sauva d'une mort par anémie. Enfin sauvée, c'était un bien grand mot, les deux femmes avaient été séparées du reste de leur escouade quand elles avaient commencées à essuyer des tirs violents. Elle ainsi que toutes les forces de police disponibles avaient été réquisitionnées pour faire face à une nouvelle attaque terroriste, mais le genre qui ferait d'avantage penser à une invasion militaire en bonne et due forme, car ces types avaient un matériel de haut rang. Armures lourdes, flingues de gros calibres, et même un mecha d'assaut, ce qui n'était pas le genre de choses qu'on se procurait aisément, même au marché noir.

Sa coéquipière ne perdait plus de sang, en revanche elle avait perdue connaissance, ce qui ne faisait pas l'affaire de Sarah, qui ne pouvait pas se permettre de sortir avec un corps sur les bras. Enfin si, elle le pouvait, mais elle se refusait encore à faire appel au Witchblade qu'elle ne maîtrisait pas complètement. Alors elle la dissimula du mieux qu'elle le pouvait, avant de coller sur elle un mini émetteur, une balise de détresse, qui signalerait sa position aux forces de police dès que ce merdier serait terminé...si il se terminait.
Le bruit distinct d'hélicoptères se fit de plus en plus présent, et Sarah, toujours dissimulée derrière une carcasse de voiture, leva les yeux au ciel pour en voir deux des forces spéciales, dont un qui se fit rapidement descendre.

*C'est ça les renforts qu'ils nous envoient ? Deux hélicos ? Ils n'ont pas compris que c'est la guerre ici bon dieu ?*

L'hélicoptère touché alla se cracher non loin de là où Pez' était dissimulée, et elle profita d'une brêve fenêtre où les terroristes ne regardaient pas dans cette direction pour y aller. Il lui apparu rapidement qu'il n'y avait aucune survivante, le choc de l'explosion puis le crash avaient fait leur sinistre office. C'était un carnage, une véritable boucherie qui se produisait, encore...
C'est à ce moment qu'un évènement pour le moins insolite se produisit, une femme dans un costume noir commença à affronter les terroristes.

*Qui es cette dingue ? Elle va se faire tuer !*

Et effectivement, l'un des soldats en armure, que la femme ne pouvait voir au vu de son positionnement, avait pointé son arme dans sa direction et s'apprêtait à faire feu. Sarah savait que son arme de service serait insuffisante pour percer ces défenses, et même que cela allait la faire repérer...mais elle ne pouvait pas laisser une autre victime se faire ajouter au tableau de chasse de ses enfoirés.
Alors elle dégaina, et fit feu à trois reprises, les balles atteignant la tête du soldat. cela ne le blessa pas, mais le destabilisa assez pour lui faire tirer ses rafales à côté.

FOUTEZ LE CAMP D'ICI BORDEL !

Hurla-t-elle avant de se mettre à couvert, car déjà, quelques uns des soldats ripostaient à ses coups de feu, et Sarah se trouvait à présent sous un feu nourri.
Ouais...elle aurait vraiment mieux fait de rester au plumard aujourd'hui.

« Ils ont abattu un hélicoptère !!
 -  Bordel, on vous a dit de faire gaffe ! La cavalerie est en route ! »

Ce fut la chute de l’hélicoptère qui éveilla les soupçons de Laura. Elle n’était pas aussi habile que Barbara à réfléchir, mais elle ne s’en sortait tout de même pas si mal. Et elle nota que, parmi les hélicoptères flottant dans le ciel, les Profanateurs ne s’attaquaient pas vraiment à ceux des journalistes. Oh, bien sûr, ils avaient tiré dessus, mais rien de bien méchant, alors qu’ils avaient descendu un hélicoptère de police qui était plus éloignée que les médias. C’était d’ailleurs ce qui avait induit les forces spéciales en erreur, les amenant à croire que, tant qu’ils étaient plus éloignés que des cibles plus proches, ils n’avaient rien à craindre des tueurs en armure. Ils avaient mal jugé.

*Soit c’est une stratégie grossière, soit c’est délibéré... A quoi rimer ce déchaînement de violence, les gars ?*

Se contentant d’esquiver, Laura dansait, s’abritant derrière des débris, tout en réfléchissant rapidement. Ils étaient en train de faire passer un message, car c’était bien à cela que les journalistes servaient. Un message de terreur et de panique à travers une violence brutale, sanglante, impersonnelle. Mais la même question revenait : pourquoi ? Laura était convaincue d’avoir une piste, quelque chose à exploiter, mais il fallait déjà commencer par se débarrasser de ces gus. Ils étaient mieux armés qu’elle, mais leur protection compliquait leurs mouvements, ce qui était un avantage. Ils avaient des armures futuristes, bardés d’électronique. Il y avait sûrement quelque chose à en tirer pour les neutraliser.

*Oh ! Mais bien sûr! J’aurais du y songer plus tôt...*

Laura avait une arme qui serait de taille contre leurs armures : les pointes de ses avant-bras. Ils avaient été trempés dans un matériau résistant, et étaient en diamant. Le genre très coupant. Elle se focalisa sur l’un des Profanateurs, tandis qu’un autre, profitant de la fumée, pointait son arme vers Laura. Cette dernière ne le vit que trop tard, et fut sauvée par l’intervention d’une policière. Tournant rapidement la tête, Laura eut le temps de voir la femme, qui se mit à lui hurler quelque chose qu’elle eut du mal à entendre dans le chaos ambiant :

« ...’TEZ... CA’... ‘DEL ! »

Déconcentrée, Laura se replongea sur son objectif, et fila vers l’un des Profanateurs. Ce dernier tenta de la frapper avec son bras, mais elle évita habilement. Elle avait plongé vers lui, se retrouvant accroupie près de ses pattes, et se dressa, le poing du terroriste frôlant sa cape. Elle en profita alors pour se glisser dans son dos, faisant voltiger sa longue cape, et le frappa avec ses espèces de pointes en diamant au niveau du cou. Elle fit mouche. Entre le casque et le reste de l’armure, l’armure était moins solide, car il y avait tout un ensemble de vis et de câbles nécessaires pour maintenir les deux. Elle entendit des grésillements, et le Profanateur porta la main à sa tempe, en se courbant légèrement. Sa visière se mettait à clignoter de panneaux d’avertissements et de diagnostics d’erreurs, alors que des fils électriques se mirent à pendouiller. Laura n’eut toutefois pas spécialement le temps d’y penser, car un autre terroriste en profita pour l’attaquer, ouvrant le feu sur elle.

Utilisant un débris, elle bondit dans les airs, atterrit sur le robot du combat, puis bondit à nouveau, filant au milieu de la fumée, et atterrit derrière le Profanateur. Dans son dos, le troisième larron visait Batgirl, mais elle fut plus rapide. Utilisant encore ses pointes en diamant, elle les planta dans le dos de l’armure, pile entre ses espèces de réacteurs, et les planta profondément. Elle ne fit aucun dommage, mais, de cette manière, et en utilisant sa force, elle parvint à faire pivoter l’homme, utilisant pour cela la gravité en se penchant en arrière, et en poussant. Le Profanateur servit ainsi de bouclier, et se reçut dans le plastron et dans la tête une salve du minigun. Une partie de sa tête explosa dans une myriade d’étincelles, et elle récupéra ses avant-bras.

« Il semblerait qu’une mystérieuse femme soit en train de se battre contre les terroristes, lâchait pendant ce temps une journaliste. Il est difficile de voir quoi que ce soit à travers cet écran de fumée, mais... Elle semble avoir une cape... »

La femme en question prenait littéralement son pied. Elle se demandait si c’tait comme ça pour tous les super-héros. Qu’est-ce que Spider-Man ressentait en sautant dans une tour en feu pour sauver des otages capturés par le Vautour ? Qu’est-ce que Superman ressentait en affrontant Darkseid dans une base spatiale située sur une météorite allant s’écraser sur la Terre ? De la peur ? Laura se refusait à y croire, car, si la peur était bien présente, elle se sentait avant tout... Incroyablement libre. Se battre, a fortiori pour la bonne cause, c’était un véritable exutoire. Cette situation lui rappelait ce roman terrien qu’elle avait lu, de Palahnuik, sur le caractère libérateur de la violence. C’était plus ou moins ça.

Ayant tué à coup sûr l’un des Profanateurs, Laura sortit rapidement l’un de ses gadgets, à savoir son Bat-grappin, et agit rapidement. Elle envoya un Batarang sur la gâchette du minigun, perturbant le terroriste, et en profita pour courir vers lui, et fila entre ses pattes, glissant sur le sol, puis se servit rapidement de son solide filin pour le glisser autour des jambes de l’homme, autour de la jambe gauche, puis rapidement autour de la droite. Elle s’écarta alors rapidement, évitant de peu un coup de poing, et fila sous les pattes du robot, encore une fois à l’aide d’une glissade. Sa peau frottait douloureusement sur le sol, mis elle tâchait de ne pas trop y penser, que ce soit aux ecchymoses ou aux coupures possibles. En s’écartant, le mou du filin finit par se réduire, et elle tira son Bat-grappin au hasard. Les obscures lois de la physique entrèrent en action, et le Profanateur tomba sur le sol, s’écrasant lourdement. Entre-temps, un fourgon blindé arrivait rapidement le long du boulevard, remontant ce dernier, ayant sur le toit une tourelle de combat. Un canon lourd balançait des espèces de petits obus explosifs qui pulvérisèrent le Profanateur que Laura avait sonné. Les balles étaient surpuissantes, et les explosions rugirent sur le corps du terroriste. Laura entendait des explosions tout autour d’elle, et récupéra son grappin, tout en bondissant sur la cible. Elle réfléchit rapidement, puis planta ses pointes en diamant dans son dos, faisant une petite brèche dans laquelle elle glissa un petit explosif IEM. Elle l’enclencha, puis bondit en l’air. L’explosion se déclencha rapidement, et l’armure du Profanateur se tordit sur le sol, ses systèmes électroniques se coupant instantanément.

Malheureusement, la machine de combat était toujours active, et, tandis que les forces spéciales en hélicoptère se posaient sur le toit, et préparaient leur lance-missiles, le robot visa le fourgon, et cracha un laser. Toute la partie droite de la cabine explosa, crevant un pneu. Le fourgon heurta ensuite un débris, dérapa, et glissa sur le sol, fonçant droit vers la flic qui avait aidé Laura.

*Merde !*

Priorité numéro un : sauver les civils ! Laura bondit sur le sol, roula par terre, se redressa et courut vers les deux femmes, avant d’utiliser son Bat-grappin, l’envoyant se planter dans un mur. Le temps était manqué, et elle utilisa le Bat-grappin pour atteindre plus rapidement la flic et une autre flic, puis relâcha le Bat-grappin, ouvrant les ailes pour gagner de la vitesse, et attrapa les deux flics, une dans chaque bras. Dix secondes plus tard, le fourgon renversait violemment la voiture derrière laquelle les deux femmes s’éta   ient abritées, provoquant un appel d’air qui perturba Laura. Elle poussa un petit cri de surprise, relâchant la policière blessée, et tournoya dans les airs, pour finalement atterrir dans un restaurant dont les vitres avaient été soufflées par le combat. Laura tomba par terre, brisa une table, roula sur le sol... Et se retrouva allongée sur le corps de la femme. Au même instant, un missile atteignit l’arrière du robot de combat, provoquant une violente explosion dans ses systèmes de refroidissement. L’enquête ultérieure établirait qu’il s’agit d’un robot de combat militaire obsolète, mais dont les plans de fabrication étaient confidentiels. Une enquête approfondie démontrerait également plusieurs erreurs dans la conception du robot, et un rapport en conclurait au fait que ce robot n’était pas ici des usines militaires, mais d’une usine artisanale.

Pour le moment, Laura se retrouvait sur le corps d’une policière, et put réaliser qu’elle avait une poitrine assez confortable... Et que sa bouche était très près de la sienne... Elle sentait le souffle de l’agente sur ses lèvres. Était-ce lié au fait qu’elle avait de belles lèvres ? Au fait que Laura était toute excitée de ce combat ? De son premier réel combat en tant que Batgirl sur Tekhos ? Qu’elle portait un costume ? C’était sans doute l’ensemble de ses raisons qui l’amena à embrasser les lèvres offertes de la policière. Un bref baiser, qui ne dura pas plus de quelques secondes, mais qui n’en fut pas moins réel et sincère. Laura avait peu de doutes sur l’orientation sexuelle de la femme : à Tekhos, être lesbienne était la normalité acceptable. Elle retira sa bouche avec un léger sourire, et chercha quelque chose d’intelligent à dire.

« Merci pour votre aide », fut tout ce qui traversa ses lèvres.

Dehors, il ne restait plus qu’un seul terroriste, qui comprit qu’il était foutu. Se rendre, toutefois, ne faisait pas partie de ses priorités. Il regarda brièvement les journalistes. La mission était un succès, et ce malgré l’apparition de cette énigmatique femme. Le message était passé, et il put, sans aucune hésitation, enclencher son autodestruction. Son armure se mit à trembler dangereusement, de la vapeur blanche s’en échappant, et l’armure explosa. Une formidable explosion, qui déclencha une espèce de boule orangée. La déflagration renversa Laura, qui avait entrepris de se renverser. Elle heurta un comptoir, et pensa brièvement qu’elle allait devoir récupérer un grappin. Le sien avait été perdu quand elle avait tenté de sauver les deux agentes.

Sonnée, Laura se redressa rapidement, et, sans attendre qu’on ne vienne la chercher, elle se retourna. Sa cape était trouée par endroits, et elle avait mal à peu près partout. Elle fila par l’arrière, dans les cuisines, où elle vit des cuisinières apeurées, puis passa ensuite dans un couloir qui la conduisit dans une ruelle remplie de poubelles, à l’arrière. Elle ignorait si la femme la suivait. Sa moto ne devait pas être bien loin, maintenant. Elle s’avança à la sortie de la ruelle, titubant à moitié, l’adrénaline redescendant. Elle dut même s’appuyer contre le mur, et grinça des dents en tenant l’une de ses cotes.

*Ça m’apprendra à vouloir épater la galerie, tiens !*

Secouant la tête, Laura vit sa moto approcher d’une ruelle, et s’arrêter à proximité. Elle s’y rapprocha, prête à partir.

Fumée, débris, tirs et explosions, voilà à quoi pouvait se résumer l'ambiance des alentours immédiats de Sarah, qui était en assez mauvaise posture. D'aucuns auraient considérés que de tirer sur l'un de ces terroristes en armure était un geste inconsidéré, mais elle n'avait pas pu laisser ce type déchiqueter à coup de gatling la femme qui les affrontait.

Le problème, c'est que maintenant que Sarah avait attirée l'attention de certains d'entre eux, elle n'était pas dans une position enviable. La carcasse de sa voiture de fonction, qui lui servait de protection, résonnait de l'impact de nombreuses balles cherchant à la descendre. Le Witchblade lui murmurait de le laisser prendre les choses en main, de la sauver, de le laisser chanter sa symphonie de feu et de métal.
C'était vrai que ce serait tellement simple, même ces armements lourds n'étaient rien en comparaison de la puissance du Witchblade, mais Sarah s'y refusait une fois de plus, d'autant qu'il y avait fort à parier que la presse couvrait massivement cet évènement. Sarah n'avait guère envie qu'on la voie massivement dans une armure semi organique,en train de pulvériser ces terroristes, car au vu des problèmes que les Tekhannes avaient avec certaines entités aliens, elle serait probablement d'avantage enfermée puis disséquée que traitée en héroïne.
En parlant d'héroïne, la femme en costume noir semblait se débrouiller contre ces terroristes, puisque un par un elle les neutralisa, ce qui se manifesta par la diminution du nombre de tirs que Sarah essuyait de son côté. Elle pu enfin sortir doucement la tête de son abri, avant de voir avec effroi un fourgon en flammes voler à toute vitesse dans sa direction.

Oh m...

Ses yeux s’écarquillèrent et son sang ne fît qu'un tour, quand elle se sentit happée par des bras et emmenée dans les airs.
Le reste était flou dans son esprit, le fourgon explosa, ce qui provoqua une onde de choc qui déstabilisa la personne qui la portait. Elles tombèrent, percutant une vitrine et des tables avant de s'écraser contre le sol. Les oreilles de Sarah sifflaient du fait de l'explosion proche, et elle avait l'impression d'avoir la tête enveloppée dans du coton, tout lui parvenait sous la forme d'échos. Ce fût la raison pour laquelle elle se laissa embrasser aussi facilement par Batgirl, Sarah Pezzini n'était pas le genre de femmes à se laisser embrasser dès la première rencontre, même si ce n'avait pas été désagréable, seul son état de choc avait évité à Batgirl de se recevoir une bonne grosse gifle.
Pez' se remit peu à peu de son état de choc, les lèvres encore chaudes du baiser qu'elle avait échangée avec cette femme insolite, elle se redressa tout en se massant la tête, elle avait une migraine du tonnerre, et se demandait où était passée cette femme. Se relevant, elle se mit à courir dans la direction qui semblait la plus logique: la cuisine puis l'arrière cour, car il était hors de question que cette femme s'en aille ainsi. Elle la retrouva dans une ruelle après être sortie de ce restaurant, s'appuyant contre un mur et titubant, allant en direction d'un véhicule qui devait être le sien. Sarah sortit alors son arme de service, et la pointa en direction de Batgirl.

Stop ! Plus un geste, vous êtes en état d'arrestation !

Que cette femme soit sa sauveuse n'entrait pour le moment pas en ligne de compte. La loi Tekhanne était assez claire quand à ce que ses citoyennes pouvaient faire, et les civiles n'avaient pas à rendre justice elles mêmes. Et pour autant qu'elle le savait, il n'y avait pas eu récemment la création d'une nouvelle unité spéciale avec un déguisement aiguichant. Qui plus est, Sarah ne croyait pas aux coïncidences, et la présence de cette femme au moment où les terroristes avaient attaqués lui laissait entendre qu'elle devait en savoir pas mal sur eux.
Elle entreprit de marcher doucement dans sa direction en la gardant en joue.

Vous allez me suivre sans faire d'histoire jusqu'au commissariat mademoiselle, vous et moi on a pas mal de choses à se dire.

Priorité n°1 : se faire soigner. Laura était blessée de partout, et, s’il n’y avait que des blessures superficielles, elle était quand même dans un piètre état.

Priorité n°2 : reprendre la traque. Les Profanateurs étaient surarmés, et elle était maintenant convaincue que ces fanatiques devaient recevoir une aide extérieure, quelqu’un qui leur refilait des armes. Son enquête personnelle commençait à porter ses fruits, et les connexions entre les différents éléments de ce puzzle géant et macabre commençaient à se former.

Priorité n°3 : s’ôter de la tête le goût des lèvres de Pezzini. Maintenant que l’adrénaline avait disparu, Laura avait trouvé une nouvelle raison expliquant son geste : le fait que, sans vraiment y attacher de l’importance sur le coup, elle s’était retrouvée allongée sr le corps de Sarah Pezzini. Étant elle aussi une policière, bien que de rang inférieur à Mlle Pezzini, elle avait reconnu la dame, une fille sexy qu’elle respectait, et avait toujours eu envie d’embrasser. Porter ce costume avait cet avantage (ou cet inconvénient) de la rendre bien plus audacieuse, et bien moins... Responsable, dans un sens. Elle se sentait protégée, protégée par le masque et le costume. C’était idiot, puéril, mais c’était ainsi.

Sa moto l’attendait, et, avec elle, de longues heures de recherche. Elle allait devoir remonter la piste, et savait par où commencer. Alors qu’elle s’y dirigeait, Laura entendit derrière elle des bruits de pas rapide, et retint un juron, alors qu’une voix ferme se mit à retentir dans son dos ;

« Stop ! Plus un geste, vous êtes en état d'arrestation ! »

Laura se mordilla les lèvres, et s’arrêta, sachant qu’elle avait un flingue pointé dans le dos. Elle avait une main appuyée sur le mur, et l’autre invisible, dissimulée par la cape. Elle ne dit rien, mais tenait entre ses doigts un Batarang. Attaquer Mlle Pezzini ne lui plaisait pas trop, mais se faire embarquer au poste l’était encore moins. Elle attrapa lentement le Batarang, qui se mit à adhérer, par un effet magnétique, à son gant, et leva lentement les mains au-dessus de sa tête, avant de les rejoindre sur sa tête, tandis que la femme, prudemment, s’avançait.

« Vous allez me suivre sans faire d'histoire jusqu'au commissariat mademoiselle, vous et moi on a pas mal de choses à se dire. »

Effectivement... Laura avait bien des choses à lui dire, mais le commissariat n’était pas une destination qu’elle envisageait.

« Vous m’inculpez pour quelle raison, Mademoiselle ? Vous avoir sauvé la vie ? »

Laura pouvait s’en sortir en disant qu’elle était, elle aussi, une flic, mais elle tenait à conserver son identité secrète, à rester... Mystérieuse. Sarah aurait fait fureur dans un club sadomasochiste, avec son corps parfait et ses allures autoritaires.

« La loi n’interdit pas d’aider des citoyennes en danger. »

Pezzini, naturellement, ne l’écoutait pas, mais Laura voulait juste la distraire. Elle attendit patiemment que la femme se rapproche, qu’elle rentre dans son cercle intime... Elle savait que Sarah allait se méfier, car c’était toujours le moment où on tentait de se rebeller, où le suspect tentait une ultime bravade. Obéissant silencieusement, Laura n’agit pas, et glissa ses mains derrière son dos, pour qu’on lui passe les menottes. Ce faisant, elle referma les poings, et appuya sur la surface de son petit Batarang. Elle sentit ensuite les douces mains de Sraha approcher, et, quand les menottes rentrèrent en contact avec ses poignets, le Batarang agit. Il y eut une intense explosion sonore, auditive, et visuelle, et Laura agit sur place. Elle se retourna rapidement, et poussa Sarah contre le mur, lui ôtant son arme, et la retourna, la plaquant contre le ventre.

« Je veux bien parler avec vous, inspectrice Pezzini, mais pas dans une cellule. Lutter contre ces cinglés m’a quelque peu estropié, et j’ai besoin de me faire soigner. »

Appeler Sarah par son nom était peut-être la meilleure manière de l’amener à se détendre. Et, sous le costume, Laura était très excitée à l’idée d’être la partenaire de Pezzini. Elle n’avait pas rejoint la police pour rien. Relâchant rapidement la femme, elle alla se mettre sur sa moto, suffisamment grande pour contenir quelqu’un d’autre.

« Si je voulais vous tuer, j’aurais laissé ce fourgon vous écraser comme une pastèque, lui rappela-t-elle. Maintenant, si vous n’avez rien contre un tour de moto, et si vous avez toujours envie de discuter, glissez-vous derrière moi. »

Elle réfléchit brièvement, puis précisa, pour mieux l’appâter :

« J’ai besoin de votre aide, et vous avez besoin de la mienne. »

Sarah Pezzini était-elle encore en état de choc à ce moment là, ou bien s'était-elle vraiment faite avoir comme une débutante tout juste sortie de l'école de police ? Elle s'était pourtant méfiée dès lors que cette femme avait semblé coopérer sagement, en mettant les mains derrière la tête, et tout en s'approchant avec précaution elle lui avait répondue.

J'ai également évitée à vos fesses d'être transformées en bouillie, alors jouez pas la carte de l'attendrissement avec moi "mademoiselle", ça ne marchera pas. Quand à la loi, elle interdit bel et bien aux simples citoyennes de se mêler des affaires de la police.

Mais tout ceci n'avait été qu'un moyen de lui faire baisser sa garde, même d'un tout petit peu, cela avait suffit pour que Sarah ne se rende pas compte que cette femme tenait quelque chose dans sa main. Quelque chose qui lui explosa à la gueule, dans un flash éblouissant. La vue floutée par ce surplus de lumière vive, Sarah se fit alors maîtriser contre le mur. Elle n'écouta pas ce que cette femme lui disait sur l'instant, elle était en mauvaise posture, et la tentation de se servir du Witchblade pour s'en sortir lui traversa l'esprit. Heureusement, autant pour elle que pour cette mystérieuse inconnue, elle fût rapidement libérée.

Tandis que Batgirl montait finalement sur sa moto, Sarah elle s'était agenouillée pour récupérer son arme qui était tombée par terre. Elle resta silencieuse un moment, considérant ses options. La procédure aurait voulu que Sarah cherche à nouveau à l'arrêter, même si cela signifiais une course poursuite. Seulement cette femme avait de la ressource, il fallait le lui reconnaître, et Sarah avait besoin des éventuelles infos qu'elle pouvait avoir sur ces dingues, qui s’appelaient les Profanateurs.

On m'a toujours rabâchée que monter dans le véhicule d'une personne inconnue n'était jamais une bonne idée, surtout quand la dite personne sait qui vous êtes mais que la réciproque n'est pas vraie. D'où est-ce que vous tenez mon nom ?

Sarah ne portait pourtant pas sa plaque à sa veste, qui était par ailleurs trouée à quelques endroits. Certes, son identité n'était pas un secret d'état, mais le fait qu'une inconnue masquée capable d'affronter des terroristes à elle seule sache qui elle était, cela inquiétait naturellement l'inspectrice Pezzini. Elle se releva, puis rangea son arme à sa ceinture. Elle poussa un soupir, puis s'avança.

Mais mettons que je n'aie pas le choix.

Elle grimpa alors derrière Batgirl. La moto n'étant initialement pas prévue pour accueillir deux personnes, Sarah du donc se coller au plus près du corps de la conductrice, et posa ses mains sur ses hanches pour s'agripper.

Votre présence ici, c'était le fruit du hasard ? Ou bien comme je le pense vous en savez plus que moi sur ces enfoirés ?

« Votre présence ici, c'était le fruit du hasard ? Ou bien comme je le pense vous en savez plus que moi sur ces enfoirés ? »

En moins d’une minute, Sarah lui avait posé au moins trois questions. Laura réprima un sourire, avant de sentir la policière contre son dos, se calant bien, ses seins s’enfonçant contre elle. Ce que c’était excitant ! L’effet que cette femme lui faisait était impressionnant... Laura se sentait fiévreuse et excitée, comme si elle avait en face d’elle son héros d’enfance... Oh, bien sûr, elle ne voyait pas Sarah comme une héroïne, mais... C’était un bon agent de police, du genre tenace, et belle, de surcroît. Elle avait toutes les qualités requises pour Laura, et cette dernière mit les gaz. La moto commença à démarrer, et elle lui répondit brièvement :

« C’est une histoire très compliquée, inspectrice Pezzini. Ces types sont des symptômes, et je recherche le virus. »

Difficile d’en dire plus, car le vent l’empêcha bientôt de parler. Elle se concentra sur sa conduite, filant rapidement à travers les rues, pour rejoindre une bretelle d’autoroute, et ainsi s’engager sur la voie rapide. Se courbant légèrement, Batgirl avançait entre les véhicules, et atteignit un pont surplombant l’eau. Elle atteignit ainsi, non pas son appartement, trop risqué pour le moment, mais une planque de Batgirl, dans le port. Laura commença à ralentir l’allure, après un petit quart d’heure de tour en moto, et s’engagea entre les entrepôts désaffectés et poussiéreux, et s’arrêta près de l’un d’entre eux, roulant désormais lentement. Elle appuya sur une touche du tableau de bord de la moto, et les portails du hangar s’ouvrirent, lui permettant d’entrer. Ils se refermèrent derrière elles, et quelques néons s’allumèrent paresseusement sur le toit, éclairant une grande pièce sombre avec, dans un coin, une installation high-tech comprenant plusieurs ordinateurs, un générateur autonome, et une petite parabole qui tournait lentement de droite à gauche.

Sarah descendit, et Laura en fit de même. Elle soupira en sentant ses articulations craquer, et dégrafa sa cape, puis s’approcha d’une boîte à pharmacie, et commença à soigner ses blessures avec une espèce de pistolet balançant un spray. Les blessures étant superficielles, ce spray suffirait à cicatriser ses coupures et autres hématomes. Elle s’assit sur une caisse en se soignant, et parla enfin :

« Pour la manière dont je connais votre nom... Disons que c’est mon petit secret, mais ce n’est pas ça le plus important. Consultez l’ordinateur. Vous y trouverez mes notes, ça devrait aller plus vite. »

Les notes en question s’étalaient sur plusieurs pages, et parlaient d’un trafic d’armes international sr Terre. L’hypothèse que Sarah ne connaisse pas la Terre ne vint pas vraiment à l’esprit de Laura. Pourquoi ? Difficile de le dire. Sans doute parce qu’elle pensait que tout le monde, dans le fond, surtout à Tekhos, connaissait cet autre monde, a fortiori un bon agent comme Sarah. Sans doute était-ce un moyen implicite de voir si Sarah était douée ou non. Une flic tekhane qui ignorait l’existence de la Terre était pour elle une mauvaise policière... Mais, vu que Sarah ne sembla pas surpris, c’est qu’elle avait tapé juste.

Les notes étaient un résumé commençant par Milton Industries. Ce nom correspondait à un puissant conglomérat terrien dirigé par le richissime Norah Milton. Elle avait adjoint au dossier sur son ordinateur un scan d’un numéro de The Economist évoquant Milton Industries et la biographie spectaculaire d’un fils d’ouvriers. Norah Milton était un homme d’affaires richissime, un philanthrope, mais, sur Terre, Milton Industries était lié à des actes sinistres. Europol, le FBI, et d’autres services de police puissants, poursuivaient en secret Milton, car on soupçonnait la firme d’armer des terrorises, des cartels, des mafias, et des seigneurs de guerre. Les motivations de Norah Milton étaient inconnues, et c’était sans doute ce qui constituait le plus grand point d’interrogation du dossier : son mobile. L’argent ne pouvait pas le justifier, car ses activités légales lui rapportaient déjà des fortunes colossales. Le conglomérat était, en somme, soupçonné d’être au cœur d’un trafic d’armes influent. Devant l’ampleur de ces agissements, et la puissance de la firme, enquêter dans les limites légales était très difficile. Il fallait se rendre dans des territoires difficiles pour recueillir des preuves. L’Iran, le Mexique, la Colombie... Depuis son repaire, Barbara Gordon avait fourni un énorme travail de recherche, en collectant toutes les enquêtes, tous les indices, et en essayant de regrouper l’ensemble. Comme elle le disait très souvent, enquêter, c’était résoudre un puzzle. Un puzzle un peu particulier, car on ignorait la forme finale du puzzle, ni le nombre de pièces. On avait plusieurs pièces, et il fallait assembler celles qu’on avait, établir des connexions, pour obtenir d’autres pièces.

Qu’est-ce que Tekhos et les Profanateurs venaient faire là-dedans ? C’était l’autre partie du puzzle, le dénouement de l’enquête. Les recherches d’Europol les avaient conduits à deux choses : une ville et un nom. La ville, c‘était Seikusu. La ville était une plate-forme de ce trafic d’armes, Europol soupçonnant, quelque part, dans la ville, un laboratoire clandestin qui se chargeait d’accueillir des scientifiques tekhans, des spécialistes, des experts, et d’obtenir leur aide pour fabriquer des armes, rapporter des schémas tactiques d’armes futuristes... Le nom, c’était celui de Deacon. Un ancien agent du S.H.I.E.L.D., qui était l’un des terroristes les plus recherchés sur Terre. Il figurait dans la lise des dix personnes les plus recherchées par le FBI, et était responsable de bon nombre d’attentats à la bombe, dans des lieux publics, des métros, des bus, un peu partout dans le monde... On le soupçonnait d’être très influent dans ce trafic d’armes, et d’être l’un des responsables.

Là où les choses devenaient intéressantes, c’était que Deacon était aussi connu sur Tekhos, et que Laura avait réussi à trouver plusieurs photographies de l’homme. Deacon était aisément reconnaissable avec ses énigmatiques lunettes rouges et son long manteau noir.

« Deacon est la seule piste que j’ai. Je pense qu’il s’amuse à faire sur Tekhos ce qu’il faut sur Terre : voler des armes et les vendre à des cinglés. Les armes de ces Profanateurs étaient d’anciens prototypes militaires, notamment l’armure de combat. J’ignore comment Deacon obtient ces armes, qui l’aide, où il se trouve, et, plus important encore, pourquoi il fait ça. Ce n’est pas un fanatique, ni un extrémiste, même si c’est un malade. Il suit un plan, mais j’ignore lequel. »

Laura avait fini de se soigner, et se redressa, s’avançant vers Sarah.

« Je ne vais pas entrer dans les détails, Mlle Pezzini, mais je  sais plusieurs choses sur vous. J’ai mes contacts au sein de la police, et on dit que vous êtes une acharnée. »

Laura le savait même plutôt bien, vu que Sarah passait généralement son temps au boulot à se faire engueuler par ses supérieures. Elle avait apparemment la sale manie de s’investir à fond dans des dossiers, et d’avoir du mal à respecter la présomption d’innocence, surtout quand les suspects s’en tiraient pour des vices de procédure. Laura se pencha à côté de la flic’, essayant de calmer son excitation et les tremblements nerveux de ses doigts. Si ça ne tenait qu’à elle, elle lui aurait révélé sans hésiter son identité, mais l’Oracle lui avait de lui méfier. Milton était un individu dangereux, d’une autre espèce que les super-vilains classiques, et même que les milliardaires véreux habituels. Il était totalement insoupçonnable, car il avait ce que le peuple américain plébiscitait : une famille, et de charmants enfants. Un tableau parfait que Norah expliquait par le fait que son père lui avait inculqué des « valeurs » : le travail, le respect, la fierté.

Une image se forma sur l’écran, montrant un bâtiment crasseux avec des néons clignotants. C’était un hôtel poussiéreux, désuet, qui comprenait plusieurs étages, et qui était perdu au milieu des quartiers pauvres de Tekhos Metropolis, à l’ombre des gratte-ciel.

« Ce taudis sera, je pense, bientôt attaqué par la police... Ils ne devraient pas tarder à remonter la trace des Profanateurs jusqu’à ce bâtiment poussiéreux... Les Profanateurs sont la seule piste permettant de remonter jusqu’à Deacon, mais ce taudis est une véritable forteresse. Il y a des toxicos, des junkies, des prostituées, et des androïdes défectueux avec qui on peut pratiquer du cybersexe... Je comptais m’y infiltrer ce soir, et... Fouiner. Je sais que Deacon a rencontré dans ce taudis miteux  nos amis, mais, quand les forces spéciales débarqueront, toutes les pistes s’envoleront. »

Laura se redressa, et planta son regard vers Sarah.

« Je vous demande votre aide, inspectrice Pezzini. Je comprends que vous soyez irritée de ne pas savoir qui je suis, mais... Si jamais vous deviez être capturée, je ne veux pas que Deacon puisse remonter jusqu’à moi, et, à partir de là, jusqu’à ceux qui m’emploient. Vous vous doutez bien que je n’ai pas réuni toutes ces infos’ toute seule, et vous êtes trop intelligente pour que je vous mente, ou que je minimise les risques. Les ennemis que je traque sont puissants, influents, et cruels. Ça ne sera pas une promenade de santé, et le respect des procédures sera assez difficile à établir si vous voulez coincer Deacon. »