Mélinda écouta les réponses de Yumi. La jeune femme lui avait annoncé qu’elle n’était pas ambitieuse, trouvant que l’ambition était néfaste. Mélinda ne voyait pas spécialement en quoi. De son point de vue, Yumi avait un raisonnement d’esclave. L’ambition était ce qui permettait aux individus de se dépasser eux-mêmes, mais elle ne pourrait sans doute pas en parler tout de suite avec la femme, car elles avaient d’autres priorités… La jeune femme lui expliqua que l’Holocron contenait sûrement les plans des sabres-lasers, mais qu’il faudrait une très grande surface pour permettre le déplacement de l’engin. Quand elle lui parla d’autres planètes, Mélinda supposa qu’il devait s’agir d’un vaisseau spatial.
*
Mon Dieu, j’en jouirais presque ! Un vaisseau spatial… Même Tekhos nous envierait cela… Mais c’est trop pour mes petites épaules… Il est temps de passer à la suite des opérations…*
La vampire ne répondit pas tout de suite à Yumi, le temps de retrouver ses esprits, puis tourna sa tête vers elle.
«
Je vais répondre à tes questions en te montrant quelque chose… Si je t’ai forcé à t’habiller ainsi, petite Jedi, ce n’est pas que pour me rincer l’œil, même si j’avoue que ton décolleté est fabuleux… C’est aussi parce qu’il est temps d’aller à la Cité impériale, au sein du Palais, et de nous rendre à la Tour du Mage. Il y a là-bas des consoles qui pourront nous être utiles, et auxquelles j’ai accès. »
La Cité Impériale désignait, dans le jargon, outre le palais, tous les bâtiments qui y étaient rattachés, certains étant ouverts au public, et d’autres non.
«
Nous allons commencer par récupérer tes sabres… Suis-moi. »
Les laboratoires de Mélinda n’étaient pas, après tout, de biens grands laboratoires. Elle n’était qu’une femme d’affaires, dans le fond, pas une spécialiste du sujet. Les sabres-lasers étaient posés au centre d’espèces de sceaux magiques destinés à en éprouver l’efficacité, mais les sceaux étaient inertes, ne parvenant pas à établir quoi que ce soit. A ce niveau-là, il faudrait plutôt compter sur la technologie tekhane, mais la vampire n’avait pas l’équipement nécessaire pour cela. Yumi put donc récupérer ses sabres, mais Mélinda choisit de ne lui en donner qu’un. Avec sa robe, elle n’avait aucun endroit où le mettre. Mélinda appela ensuite, à l’aide d’une orbe, son contact au sein du Palais, pour lui faciliter les formalités administratives afin de pénétrer dans la Tour du Mage.
Elles sortirent ensuite du harem de Mélinda, dont l’entrée était une espèce d’agréable grand jardin, avec des bassins, plusieurs fontaines, des arbres, et plusieurs gardes dans les coins, dont des archers sur les murs. Il y avait des femmes et des hommes dans des toges ou dans des tenues plus appropriées. Mélinda s’adressa à quelques clients, avant de sortir du harem par une grande porte qui s‘ouvrit en deux à leur passage. Son harem se trouvait le long d’une espèce d’immense boulevard très ouvert, qui rappelait un peu les boulevards tekhans, à cette différence près qu’on n’y voyait pas de voitures volantes, mais plutôt de nombreux chariots. On était ici dans le quartier haut de la ville, un quartier huppé où les rues étaient dallées et propres, et où il y avait de multiples patrouilles de gardes dans des armures dorées. Le vagabondage était un crime qui était puni ici de la peine de mort.
«
Le Palais est au bout de ce boulevard. Suis-moi. »
Les gardes étaient d’un naturel suspicieux, même à l’égard de Mélinda, mais ne dirent rien. Les gens qui marchaient à pied étaient généralement des esclaves ou des commis. Mélinda et Yumi n’avaient aucun collier, indiquant donc qu’elles étaient des femmes libres, mais qui, pour autant, se déplaçaient à pied. Si Yumi avait eu sa tenue de lycéenne, elle aurait été arrêtée, mais, dans des tenues si attrayantes, on les prenait pour des femmes riches et excentriques. Et puis, ceux qui connaissaient Mélinda Warren savaient qu’il ne fallait pas l’embêter.
Les murs impressionnants de la Cité Impériale ne tardèrent pas à se dessiner. C’était sans doute l’une des places fortes les plus solides de tout Ashnard, qui avaient été prévus pour résister à tout et à n’importe quoi. Une attaque de dragons ? Les terrifiantes balistes et autres lance-pieux dans les tours pouvaient déchiqueter n’importe quelle bête. Une armée à terre ? Les épaisses douves entourant le Palais et les monstres aquatiques baignant dans les profondeurs suffisaient à décourager n’importe qui. Un bombardement magique intensif ? Les tours étaient des relais magiques permettant aux mages et Archimages du Palais de créer un épais dôme de protection. Chaque jour, un flux continuel de gens allaient et sortaient de la Cité impériale, qui se découpait elle-même en plusieurs secteurs. Au centre de tout, le Palais présentait une architecture extrêmement arrogante, son donjon étant la plus haute tour de la ville, l’Empereur y ayant ses appartements et son trône.
Les deux femmes entrèrent dans l’une des cours du cercle extérieur du Palais. La Tour du Mage était facilement reconnaissable. Il y avait une espèce d’énorme antenne sur le toit, d’où des éclairs violets s’échappaient sporadiquement. Elle était dressée au centre d’une espèce de pyramide.
«
La Tour du Mage est aussi un musée magique, expliqua Mélinda.
Mais il y a à l’intérieur quelque chose qui nous intéresse concernant les Portails… »
Quand on se promenait dans les cours du Palais, on pouvait avoir l’impression d’être en état de siège. Il y avait des gardes absolument partout, ainsi que des chariots convoyant constamment des armes. Dans le ciel, les dragons impériaux volaient de temps en temps, quand ils n’étaient pas occupés à s’entraîner dans les montagnes. L’idée était de montrer aux visiteurs qu’on était bien face à un Empire militaire. Mélinda et Yumi s’approchèrent de l’une des entrées latérales du musée, conduisant directement à la Tour, mais furent stoppés par plusieurs gardes.
«
L’entrée est interdite aux touristes ! Circulez ! »
Mélinda avait senti le sang des gardes monter en voyant ces deux beautés, mais on pouvait reconnaître qu’ils étaient assez professionnels. On ne pouvait pas voir leurs visages, à cause de leurs hameaux, mais ils n’avaient pas l’air de rigoler. Mélinda fut tentée de dire quelque chose quand une voix les héla du ciel :
«
Laissez-les passer, gardes ! »
Une femme à la peau sombre et aux longues ailes atterrit entre Mélinda et les gardes. C’était justement celle que Mélinda avait appelé tantôt, avec l’orbe de communication :
Kaileesha ! Les gardes obtempèrent, et s’écartèrent. Mélinda alla se blottir dans les bras de la démone, qui lui rendit son câlin, avant de regarder Yumi.
«
Alors, c’est toi, la petite curiosité de Mélinda ? Tu n’as rien d’exceptionnel, pourtant… Tu sais, Mél’, j’apprécie beaucoup de m’amuser avec des humaines chez toi, mais ce genre d’excentricités à Ashnard n’est pas… »
La laissant parler, Mélinda s’approcha du chariot d’un homme convoyant des armures, et en prit une. Ce dernier protesta, mais elle ne l’écouta pas.
«
Mais qu’est-ce que tu fais ? -
Utilise ton sabre pour couper cette armure, Yumi. -
Son sabre ? Quel sabre ?! »
Kaileesha n’y comprenait rien, et Mélinda se contenta de sourire. Les armures ashnardiennes d’élite étaient extrêmement résistantes, et l’armurier, mécontent, s’était calmé en voyant Kaileesha, ainsi que le joli popotin de Yumi. Sceptique, il se demandait ce qui se passait, tandis que Kaileesha croisait les bras, s’attendant à une autre excentricité de la part de Mélinda.