L'Oeil et la Mâchoire (Mâchoires Ferreuses)

Les troupes avançaient, leur pas lourds piétinant l'herbe. Les monstres qui composaient le clan de l'Oeil allaient bientôt pouvoir établir un campement et ensuite voir ce qu'il y avait à conquérir dans cet endroit. Thorka, comme à son habitude, était devant, hallebarde en main, toujours flanquée de ses généraux. Plusieurs dizaines de peaux vertes la suivait, les derniers en arrière étant les ogres, trolls, gobelins et autres minorités que la cheftaine tolérait. Si le Clan de l'Oeil n'était pas forcément une famille pour les monstres, ils y trouvaient quand même leur intérêts, à savoir l'alcool et la baston. Et, quand ils avaient de la chance ou quand Thorka était spécialement de bonne humeur, ils avaient même le droit de violer quelques prisonnières et, dans le cas des ogres, de dévorer certains prisonniers. Thorka fini par s'arrêter, levant une main pour signaler aux troupes de cesser d'avancer.

-On s'arrête ici! Montez l'camp!

Les monstres interrompirent leur marche, la plupart soulagé de pouvoir s'arrêter. Cependant, ce n'était pas encore le moment du repos, puisqu'il fallait dresser le camp, à commencer par la grosse tente confortable de la demi-orc cheftaine. Pendant que les autres s'affairaient à dresser les huttes, Thorka se tourna vers un gobelin.

-Toi, réunis tes copains et allez voir autour c'qu'il y a d'intéressants, qu'ce soit des villages, des camps ou encore, des caravanes.

Le petit monstre s'exécuta, préférant obéir que de contrarier la cheftaine. Elle avait beau avoir su sang humain, elle avait la force et le caractère d'un orc. Une vraie dominatrice, en sommes et de quoi faire une femme parfaite pour n'importe quelle brute à face de sanglier. Si toutefois, cette brute arrivait à se faire accepter de la cheftaine borgne. Les heures passèrent et le campement se dressa peu à peu, les gobelins revinrent avec quelques nouvelles.

-Cheftaine, j'ai trouvé un autre camp orc plus loin.

-Vraiment? Va m'chercher une dizaine d'orcs et ajoutes des ogres, des trolls de guerre et des gnolls. Et gare à celui qui frappe sans que j'l'ordonne!

Le gobelin obéit sans se faire prier, en une quinzaine de minutes, Thorka était à la tête d'une vingtaine de monstres et deux de ses généraux étaient présents, à savoir Zarek le shaman ainsi que Kohanu, qui tenait en laisse son petit esclave pervers à elle, frère Miklas. La cheftaine amena ses troupes, quittant le campement. Le groupe fût guidé par l'éclaireur gobelin.

-Personne tape tant que j'l'ai pas dit! J'veut voir c'que leur chef a dans l'ventre.

Thorka avait des standards élevés lorsqu'il s'agissait de fraterniser avec un autre groupe, si c'était un clan de faiblards, ceux qui refuseraient de se joindre au Clan de l'Oeil seraient massacrés. Après quelques minutes de marche, le contingent arriva devant le camps, des gardes surveillaient plus ou moins, les orcs n'étant pas toujours des gardes fiables.

-J'suis Thorka, Oeil de Gruumsh et cheftaine du Clan de l'Oeil. Allez m'chercher vot'chef et qu'ça saute!

Thorka prit un ton autoritaire, si les gardes ne seraient pas impressionné par le petit groupe, ils seraient sans doute plus convaincu par les deux femelles à peau verte, même si Thorka avait moins de sang orc que Kohanu.

La rumeur d'un autre clan d'orques avait rapidement fait le tour du campement des Mâchoires Ferreuses, plus particulièrement lorsque ces dernières apprirent l'appartenance d'ogres et de trolls au groupe qui faisait marche non loin d'eux, mais aucune crainte ne s'insinuait dans le coeur des habitants du petit hameau paisible, et ces murmures ne se faisaient entendre qu'entre deux coups de bêche des travailleurs de la terre, ou bien sur le petit marché qui servait surtout de stock de nourriture et de place d'exposition des prisonniers. Au moins, personne ne les mangeait, eux.

Le clan de l'Oeil, du moins la petite troupe qui s'en détacherait serait assez surpris par le manque de précision des dires du gobelin, et ce qui s'apparentait à un campement de base lors du première passage du sous être à la peau verte s'était en un rien de temps transformé en une véritable petite ville fortifiée, des remparts en tôle et en os de diverses bestioles imposantes transportés à dos de sangliers de guerre ayant été érigées en un rien de temps grâce au savant système de poulies que les gobelins des Mâchoires maniaient de mieux en mieux, quelques supports, de la corde et les murailles étaient prêtes en moins d'une heure, le plus dur restant de réassembler les morceaux de ferrailles pliées et rangés. Une petite ville imposante ET sur mesure.

Un petit détail qui pourrait encore attirer l'attention de la demi-orque : les portes étaient, même après que le groupe d'éclaireur arrive à portée, restées ouvertes, et aucune crainte ne semblait envahir non plus les trois gardes hobgobelins de la grande porte retenue elle aussi ouverte par un système de poulie, permettant une fermeture facile et rapide, de quoi témoigner encore un peu de la supériorité technologique de la tribu de goblinidés.

Malgré l'ordre rauque et guttural qui fut envoyé aux gardes, ces derniers agirent comme avec n'importe quel péquenaud, vérifiant mollement si la porte était toujours ouverte avant que l'un d'entre eux ne s'efface, se dirigeant tranquillement vers les tentes de chefs, dispersés dans les divers "quartiers" de la ville, réunissant le chef des orques, des hobgobelins et des gobelins/kobolds pour finalement organiser leur arrivée face au groupe parvenu jusqu'eux en éclaireurs.

Avec toute cette attente, les deux gardes restants aux portes observèrent lentement la nuit tombée avant que l'un ne se décide à sortir une sorte de grande poterie, amenée par un gobelin en armure étonnament lourde, qui disparut une fois le colis livré.
Les chefs se préparaient toujours à venir, enfilant leurs armures au cas où la situation dégénèrerait et qu'ils doivent battre en retraire, tandis que le garde munit de sa poterie faisait tranquillement le tour de la muraille en vidant lentement son contenu en bas de cette dernière, dans un petit fossé creusé à l'occasion.

Lorsqu'il fut revenu au point de départ, le planton s'empara de la torche de son collègue et la jeta à son tour dans le fossé qui s'embrasa aussitôt d'une flamme pure et presque translucide, témoignant de la châleur intense qu'elle devait émettre. Ce processus permettait de tenir le petit village au chaud pour la nuit, et les flammes n'étant pas bien hautes, évitaient de faire cuire ceux qui se baladaient sur le tour de garde. Peu après cette petite démonstration de la manipulation parfaite du feu par la tribu des Mâchoires, les trois chefs au pouvoir sortirent finalement du campement, tous accompagnés de leur femelle à l'exception du hobgobelin au milieu, vêtu d'un casque à crête en plume récupérée sur un cadavre de guerrier célèbre vaincu par lui-même.

- "Afar Thorka Oeil de Gruumsh."

Le Hobgobelin avait planté sa lance peu après ces paroles, et attendait maintenant une réaction de la cheftaine, laissant les deux autres faire office de décorations face à la nouvelle arrivante.

- "Pourquoi nous visiter ?"

L'attente fût longue, trop longue au goût de la cheftaine, qui se retenait de menacer les gardes restant, même si l'envie de leur couper chacun un bras pour les forcer à accélérer le processus la prenait. Le "camp", en réalité, était une petite partie d'une sorte de ville orc, ça ressemblait presque à une cité humaine. Si elle ne doutait pas du côté pratique des évolutions que ce clan avait choisi, elle était tout de même dégoûtée par cette ressemblance avec les villes des peaux blanches. La lune eût le temps de se lever avant que les chefs arrivent devant la demi-orc, qui en avait déjà marre d'attendre. Un grand feu avait été allumé, entourant la ville orc et l'un des chefs salua la visiteuse avant de, bien sûr, demander les raisons de la visite du Clan de l'Oeil.

-Mon clan vient d'arriver dans l'coin, j'ai envoyé des gobelins voir ce qu'il y avait autour. Il m'a amené jusqu'ici, j'm'attendait à un camp mais v'là une ville. Je viens voir à quoi m'attendre de la part d'un clan voisin.

Thorka garda les pieds écartés, serrant sa hallebarde, l'air fière. Le chef orc était un leader typique, grand, fort, vert, l'air brutal, et il avait sans doute beaucoup d'expérience derrière lui car il avait l'air plutôt âgé. De toute évidence, ce n'était pas une mauviette, même si Thorka n'était pas intimidée.

-J’agrandis le territoire du clan au nom de Gruumsh, si toi et tes suivants combattez pour lui, on va s'entendre. Moi et quelques-uns de mes orcs avons passé le rituel de Gruumsh.

Elle pointa son oeil fermé, elle ne relevait jamais la paupière car le rituel voulait qu'elle s'arrache l'oeil et elle préférait garder la paupière baissée que de porte un bandeau.

-J'veux voir c'que tu sais faire, nous n'avons pas rencontré d'autres clans depuis des lunes.

Sans faire le moindre geste hostile, Thorka se contenta de garder son regard dans celui du chef, attendant de voir ce que celui-ci proposerait pour accueillir la cheftaine et sa cohorte. Miklas, lui, s'éloigna un peu de Kohanu, cherchant à voir au-delà du chef orc.

-Oooh, y'a-t-il de belles demoiselles?

L'ex-prêtre saliva avec un air pervers, Kohanu tira d'un coup sec sur sa laisse, posant son pied sur le ventre de Miklas.

-Tais-toi, cabot! Sinon je te fouette au sang!

Miklas jubila, tout le contraire de la réaction qu'une menace de punition devrait normalement engendrer. Thorka leur jeta un bref coup d'oeil en grognant, avant de ramener son attention sur le chef.

Les trois chefs restaient fièrement plantés devant la ville enflammée dont les flammes transparentes léchaient les remparts et réchauffaient l'atmosphère ambiante, alors qu'à l'intérieur la vie continuait paisiblement son cours. Plag Varg, le chef des hobgobelins, avait quitté une partie d'échec en compagnie du chef des orcs pour se rendre à ce petit "rendez-vous" et était assez déçu de se retrouver en face d'une troupe d'orcs gérée par des orcs.

La petite ville ambulante des peaux vertes ne devait-elle pas sa force à la capacité de chacune des trois races l'habitant à se compléter ? Les ingénieurs gobelins, les forgerons orcs et les chefs de chantier hobgobelins pour les constructions par exemple, mais aussi pour les batailles, les rationnements et toutes ces choses particulièrement subtiles n'avaient-elles pas été possibles grâce à la prise de pouvoir des hobgobelins ?

Plag Varg était néanmoins nostalgique de l'époque où les Mâchoires Ferreuses se comptaient en milliers de têtes, juste avant l'invasion des kobolds et la sanglante guerre qui s'ensuivit, résultant finalement de l'anéantissement et l'asservissement des kobolds au prix de la vie de plusieurs centaines de guerriers, un épisode tragique de l'histoire de la tribu, qui quelques années auparavant aurait écrasé tout clan étranger s'approchant trop près.

Mais désormais le règne était à la raison et les temps, mêmes s'ils étaient durs, avaient tout de même leur part de bon, et jamais les rendements agricoles n'avaient été aussis bons, les réserves de la "ville" débordaient et malgré les doubles rationnements pour tout le monde, ils ne parvenaient pas à les vider, aussi les vivres menaçaient-ils de pourrir simplement.

Au grand étonnement des trois chefs, et malgré que le hobgobelin se trouvait en position centrale, la cheftaine s'adressait à l'orc, prônant sa déception face à l'organisation un peu trop technologique du campement, même si l'attente prolongée devait en être un peu la raison.
Toujours en s'adressant au chef, Thorka révéla venir agrandir le territoire au nom d'un dieu que seul le chef orc connaissait, de par sa grande expérience en matière de croyances orques, mais l'exposé de la cheftaine sonna plus comme une menace aux non-croyants, alors que Plag Varg continuait de la laisser parler, toujours aussi attentif. Il ne connaissait pas le rituel de Gruumsh et n'en avait que faire.

Une fois le monologue finit, Plag Varg, chef des hobgobelins et des Mâchoires Ferreuses, s'avança, fier et droit, tenant fermement sa lance sur laquelle flottait une bande de tissu flanquée du blason des mâchoires, alors que ce dernier s'adressait d'une voix solennelle :

- "Thorka Oeil de Gruumsh, il est inutile ici de vous adresser à quelqu'un d'autre que moi, Plag Varg, chef des hobgobelins et de la tribu des Mâchoires Ferreuses.
Cela fait des lunes que les Mâchoires ne se battent plus au nom d'une divinité tant elles sont nombreuses en notre sein. Vous êtes les bienvenus parmis nous mais les terres sauvages appartiennent à tout le monde et nous les arpenterons autant que nous voudront, sans aucun rituel nécessaire.

Emettant un long sifflement, le Grand Chef fit signe aux gardes qui revinrent peu après en compagnie d'une elfe enchaîné qu'ils traînèrent jusqu'aux pieds de la cheftaine, une elfe qui malgré les hématomes couvrant son visage et les quelques souillures qu'elle avait pu subir conservait une certaine beauté. Bien entendu elle n'était aucunement vêtu et la terre séchée la couvrait encore.
Plag Varg observa alors Miklas, souriant légèrement :

- "Je vous prie d'accepter ce présent en guise d'amitié envers nos deux peuples et vous invite à camper au sein de notre fortification, la place est immense et nous avons de quoi acceuillir votre tribu au chaud, nos réserves débordent malgré nos efforts et il y en a assez pour tout le monde, vous aurez de quoi vous repaître allégrement, du moment que vous tenez vous ogres et vos trolls tranquilles, pour ce qui est des gobelins, nul doute qu'il joueront très bien avec les nôtres, pas besoin de s'en occuper."

En guise de réponse au sous être, le hobgobelin cracha puis repris :

- "Nos femmes sont pour la plupart accouplées et porteuses d'enfants, n'espérez même pas y trouver une quelconque chaleur dans vos couchettes, donc. En revanche, si vous aviez des vôtres à nous présenter, nous serions ravis de les acceuillir, les Mâchoires sont en pleine convalescence et le renforcement de notre tribu constitue l'un de nos buts premiers, Thorka."

Les deux autres chefs saluèrent brièvement le petit comité et tournèrent les talons, retournant vacquer à leurs occupations, laissant le fier chef hobgobelin face à la cheftaine et sa bande, lance en main, attendant patiemment une réponse.

Voir un hobgobelin lui répondre énervait Thorka, ce n'était plus un fier clan orc mais un amalgame de races inférieurs où orcs, gobelins et autres créatures étaient considérés égaux. Thorka avait bien envie de défier l'hobgobelin et les deux autres chefs afin d’asservir ce groupe, surtout que la cheftaine voyait la réponse du monstre comme un défi. Comme si la demi-orc allait épargner quiconque n'était pas de son côté. Sifflant un bon coup, l'hobgobelin fît venir quelques gardes qui amenèrent une esclave elfe qui, à l'évidence, n'avait pas passé de bons moments avec les monstres. Elle n'était cependant pas dénuée de beauté, elle avait de belles formes même si elle avait sans doute été mal nourrie et passée à tabac. Thorka agrippa par la tignasse, lui pelotant un sein d'une main. C'était un bien piètre cadeau, une elfe sale et déjà usée, la cheftaine ne savait plus si l'hobgobelin était sincère ou bien s'il se moquait d'elle. Désintéressée, elle poussa l'elfe parmi ses rangs.

-Faites c'que vous voulez de l'elfe.

La demi-orc se tourna ensuite à nouveau vers l'hobgobelin, reprenant la conversation. Le chef invitait le clan à rester parmi eux, c'était une offre déjà plus intéressante que l'elfe boueuse qui fût offerte. Le monstre en profita pour prévenir que les femelle de sa tribus n'allaient pas s'offrir aux invités, compte tenu de leur grossesse.

-À moins que vos femelles ressemblent à Kohanu, elles m'intéressent pas. Faudra faire mieux qu'une elfe et une invitation à camper pour que j'vous livre nos femmes. Va pour une alliance entre nos clans mais gardes en tête que Gruumsh ne supportera pas d'être défié.

Une façon comme une autre de signaler que si le clan du hobgobelin ne se mêlait pas des affaires du Clan de l'Oeil, leur relations resteraient pacifiques.

-J'vais envoyer not' gobelin informer le reste de mon clan. en attendant, j'ai envie d'une bière et d'un sanglier.

Face à l'attitude supérieure de la cheftaine même devant son présent, le hobgobelin manqua de faire hausser le ton, alors qu'il ouvrait la bouche pour en sortir un flot d'injure, il fut stoppé avant par Ha-Armauk et sa sagesse, qui, d'une main, fit reculer le hobgobelin et l'empêcha de prendre la parole. C'était Plag Varg lui-même qui l'avait mis au pouvoir du côté des orcs et l'idée n'était pas du tout mauvaise, car c'était celui qui avait sûrement le plus de jugeotte.

Une tribue à races égales ? Vu de l'extérieur, c'était exactement ça, mais en vrai, les orcs dominaient tout de même, simplement "calmés" par les hobgobelins. Les gobelins, eux, au même titre que les kobolds, s'inclinaient face aux deux races, et les hobgobelins eux comptaient encore sur l'habileté diplomatique et la ruse de leur chef pour survivre au sein de la tribu, réduit à une petite dizaine seulement face aux deux autres races bien plus nombreuses, et si sur le plan technique toutes se complétaient, sur le plan social la loi du plus fort régnait tout de même, mise en sursis par la paix entre Ha-Armauk et Plag Varg, les deux tenant fermement les rennes de la tribu.

Mis à l'écart, le hobgobelin grommela d'indignation avant de se retourner et s'en aller en ses quartiers pour s'y enfermer, laissant maintenant l'orc à sa place, bien plus imposant que lui et nettement plus connaisseur de la diplomatie des orcs.
Ce dernier détailla un moment la demi-orc plutôt bien fournie et devina immédiatement sa véritable nature, à son odeur, principalement :

- "Tu es une demi-poroz, cheftaine, je le sens d'ici à ton odeur. Ne prends pas les hobgobelins de haut car, au fond, vos deux races sont similaires, un mélange de poroz et de powerts.
Tu m'as l'air aussi habile pour commander que pour chauffer une couche, mais je doute encore des deux, ton orgueil risque de te perdre, jeune femelle, et je connais bon nombre de tribus bien plus puissantes que la tienne s'emparant de terres au nom d'un autre dieu que Gruumsh.

Je sais bien que l'idée de siéger ici paraît être un besoin pour nous, mais ne le prenez pas comme cela, demi-orque, notre tribu saigne encore de ses guerres passées et doit comme tout guerrier après une bataille reprendre son souffle et guérir ses blessures, nous sommes donc purement pacifiques, ce qui ne nous empêche pas de pratiquer les rixes ancestrales entre nous.
Je vous invite en attendant dans les tentes orques, les hobgobelins et les gobelins n'ont pas tendance à manger de sanglier, les uns sont omnivores et les autres des charognards, nos clans ne mangent pas ensemble.

Au cas où je n'aurais pas eu la traditionnelle politesse de vous le dire, vous êtes bien bâtie pour la reproduction, demi-orque.

Passé les politesses qu'il avait peu l'habitude d'employer et au contraire de l'hobgobelin, l'orque vétéran tourna le dos à la cheftaine et l'invita d'un mouvement de nuque bref suivi d'un grognement viril.

L'hobgobelin perdit patience face à l'attitude de la cheftaine, Thorka considérait que le monstre avait déjà eu plus de politesse qu'elle ne voulait lui en témoigner, ce fût le chef orc qui vînt s'adresser à Thorka, la communication se faisant plus facilement entre peaux vertes. Elle écouta attentivement ce qu'avait à répondre l'autre orc, réponse qui, finalement, n'eût pas de meilleur effet que les paroles du hobgobelin. Thorka avait déjà envie de montrer à ces soi-disant chef ce dont elle était capable, elle ne pouvait concevoir une société où un orc valait autant qu'un gobelin ou qu'un troll. Au final, la seule chose décent qu'avait di le chef orc, aux yeux de Thorka, du moins, fût le compliment sur son physique.

-J'ai tué beaucoup de personnes, orcs rivaux, hobgobelins, trolls, ogres. Chefs ou esclaves, ceux qui m'ont défié pourrissent dans des fosses. Je ferai pareil avec les autres peuples qui me défieront, peu importe leur races. Mon peuple a été choisi par Gruumsh, Zarek, mon shaman, peut l'affirmer alors ne m'parle pas des autres peuples. Les hobgobelins sont utiles mais ils ne seront jamais égaux à mon peuple.

Elle ne cachait pas sa façon de penser en rapport aux races qu'elle considérait inférieures, si elle ne comptait pas causer de problèmes, elle n'allait certainement pas faire de courbettes devant les hobgobelins, aussi haut-placés fussent-ils. La cheftaine s'abstint cependant de commentaire sur le mode de vie pacifiste des Mâchoires Ferrées, l'explication du chef orc ne lui avait pas plus et elle s'attendait à une fière tribus orc plutôt qu'à une horde de bras cassés qui attendaient de reprendre du poil de la bête. Sans compter qu'ils s'exprimaient comme des humains, une ressemblance des plus déplaisantes.

-Merci pour le compliment.

Thorka suivit son congénère, faisant signe à sa cohorte de faire de même. Elle espérait au moins que la bouffe, l'alcool et la compagnie serait bonne, malgré la présence des sous-races dans la ville.

L'orque vétéran avait déjà dépassé l'âge de la recherche de force brut, il avait déjà prouvé sa valeur à maintes reprises et n'avait rien à prouver à personne, au contraire de la demi-orque qui elle devait encore se faire un nom, aussi comprenait-t-il aisément le comportement hautain de cette dernière et l'ignorait-il complétement lorsqu'elle se mit à vanter ses victoires, la laissant déblatérer dans le vide sous le regard amusé de la populace et des créatures de passage, du moins avant qu'ils n'entrent dans la zone réservée aux orcs, et à partir de ce moment là, deux imposants orcs noirs, à la limite entre l'ogre et l'orque, s'interposèrent face au comité, laissant tout de même passer les quelques orcs de la troupe mais envoyant balader les gobelins et autres espèces étrangères aux orcs.

Eux étaient en armures lourdes de fabrication locale, bien moins raffinée que celles des autres tribus orcs mais bien plus imposantes encore, alors qu'il repoussaient de léger coups de pieds les quelques sous-espèces accompagnant la cheftaine, Ha-Armauk en profitant pour glisser :

- "Chez nous non plus l'égalité n'existe pas. Je me doute que vous espériez voir une tribu en pleine forme, mais vous arrivez en retard pour cela, nous attendons la mise à bas de nos femelles, et à partir de là nous pourrons commencer à redevenir plus forts. Nous n'avons pas d'autres choix, et Plag Varg a sûrement été le plus intelligent à ce niveau là. Les hobgobelins sont pratiques mais savent bien qu'ils sont soumis. Vous êtes actuellement dans le quartier dominant, Thorka."

Comme complétement isolé du monde, le quartier orque laissait maintenant place à petit champs d'entraînement dans lequel quelques jeunes orques s'affrontaient pour l'entraînement, apprenant à se battre pour devenir de vrais guerriers.
Passé ce cap, le petit groupe put finalement atteindre la tente du chef, où cette fois-ci seule Thorka fut autorisée à entrer, l'endroit étant un lieu trop respectable pour des orques au bas de l'échelle sociale, mais les mets à l'intérieur avaient de quoi faire sourire cette dernière, alors que de bons plats juteux se profilaient devant elle en même temps que deux ou trois fûts de bière particulièrement forte.

- "La coutume veut que les chefs mangent ensemble. Respectons là, Thorka bien bâtie."

Le groupe traversa le village, guidé par le chef orc. Thorka balaya du regard les habitants qui regardaient son groupe, dégoûtée par cette égalité. Elle tolérait ses propres inférieures car ils étaient utiles mais elle ne s'imaginait pas leur offrir tout ce que les habitants de cette ville possédaient. Les ogres, trolls et autres monstres sous l'autorité de Thorka avaient l'autorisation de vivre avec le clan mais chacun d'eux devaient se débrouiller pour la nourriture et le gîte, seuls ceux qui se démarquaient sur le champs de bataille avait un quelconque respect. Thorka fût satisfaite d'arriver dans un quartier réservé aux peaux vertes, même s'il était gardé par deux métis à peau noire. Tous les non-orcs furent écartés, Thorka leur ordonna de s'éloigner et d'aller se balader en ville. Kohanu fît de même avec Miklas, l'avertissant de ne pas causer de problèmes en ville, connaissant la nature douteuse du clerc.

-Je n'm'attendais à rien, quand je suis arrivée dans cette région, je savais même pas qu'une tribu était proche.

Cette fois, pas de gobelins, de gnolls ou d'autres non-orcs, chaque créature dans ce quartier avait la peau verte. Hommes, femmes, enfants, peau verte, défenses, gros muscles. Thorka se sentait un peu plus dans son élément. Le groupe arriva à la tente du chef orc, Thorka s'arrêta pour donner quelques consignes à ses orcs avant d'entrer.

-Allez boire et vous amuser avec les autres, touchez pas aux femelles et me faites pas honte, compris?

Elle s'approcha ensuite de Zarek.

-Je compte sur toi pour calmer tout l'monde si ça dégénère, compris?

-Oui, cheftaine.

Elle se tourna vers Kohanu ensuite.

-Amuses-toi avec les mâles si tu veux mais pas d'enfantage.

Kohanu esquissa un sourire qui voulait tout dire. Ceux qui la connaissaient se doutaient bien qu'elle ne passerait pas une soirée chaste.

-Compris, Thorka.

Thorka suivit son hôte dans la tente, l'endroit ne manquait pas de nourriture et d'alcool. La soirée serait sans doute plus agréable que prévue.

-Bonne idée, Ha Armauk.

Thorka prit place auprès du chef, attendant d'être servie. Si les sous-races avaient plus de place dans cette société que dans le clan de Thorka, les orcs restaient tout de même les maîtres et il était plaisant de manger avec un chef orc. Lorsque la bière et le repas furent servis, thorka mordit dans un morceau de viande sans grande classe, elle fît descendre sa bouchée d'une lampée d'alcool.

-L'alcool est bon, en tout cas. Si t'en a d'autre comme ça, j'inviterai peut-être des femmes de mon clan.

Elle étira un rictus, malgré son attitude hautaine, elle n'était pas ingrate pour autant.

Le chef orc écouta avec une certaine distraction les soldats de Thorka recevoir leurs ordres, cela faisait des lunes que les Mâchoires marchaient aux pas et que les instructions étaient devenues une chose bien inutile, et que chaque personne foulant ce sol connaissait parfaitement le rôle qui lui était assigné.

La chose moins amusante serait sûrement réservée aux gobelins de Thorka, car ceux des Mâchoires, tels un clan à part entière au même titre que les orcs et les hobgobelins avaient développé entre eux une agressivité sans limite, de sorte que leur chef changeait chaque semaine et que, sans l'aide des kobolds charognards, les "rues" de leur "quartier" seraient pavées de cadavres à ne plus savoir qu'en faire. Ces bêtes là se reproduisaient à une vitesse hallucinante et les morts n'étaient pas un problème pour eux.

Mais ces problèmes étaient bien loins de l'orc et de la demi-orque qui pénétraient maintenant dans la tente du chef, ce dernier réfléchissant tout de même à la manière dont le chef hobgobelin allait se calmer et gérer l'arrivée de la nouvelle tribu multiraciale ainsi que leur installation temporaire, même si ce dernier savait généralement bien s'occuper des nouveaux venus, en un nombre moins élevé d'habitude, mais d'une manière toujours très efficace.

Alors que sa compagnie prenait place et commençait déjà à entamer les victuailles, le chef orc repris, tenant dans sa main un lapin cuit avec raffinement qu'il comptait bien engloutir sous peu :

- "Plag Varg met un point d'honneur à repeupler les Mâchoires, mais n'allez pas croire qu'avoir des femelles dans votre camp est un quelconque avantage, sauf si elles sont généralement aussi bien fournies que vous, dans ces cas là ce serait discutable, urk urk."

Alors que le lapin achevait son voyage dans la trachée de l'orc et que ce dernier recrachait les quelques os, il clama d'une voix rauque et gutturale, bien plus imposante que la langue des humains qui semblait irriter la femelle demi-orque, à l'intention d'un des serveurs orcs :

- "Ma kjani slaga ! Ma kjani !

L'orc, dont le terme "slaga" indiquait clairement qu'il n'était pas libre, se pressa de répondre à la demande de son maître en remplissant les vides présents sur la table par de nouvelles victuailles encore fumante, alors que dehors les cuisiniers continuaient de préparer à manger. Le repas allait visiblement durer un moment :

- "Je dois avouer que vos ogres et vos trolls, en revanche, m'ont déjà bien plus intéressé, et je suis certain que les hobgobelins leurs trouveraient une très bonne utilité autre que guerrières, et qu'avec eux nous pourrions économiser quelques sangliers de guerre pour le transport. Uk, je suis sûr qu'ils trouveraient quelque chose, mais nous n'en avons encore jamais croisé à l'état sauvage, d'où viennent-ils ?"

Le repas était délicieux, ainsi que la bière, Thorka appréciait déjà un peu plus l'invitation. Le clan des Mâchoires ne se portaient pas très bien, freiné dans leur conquêtes pour des raisons connus d'eux seuls mais cela ne les empêchait pas de savoir comment accueillir une cheftaine comme il se doit. Les deux verts discutaient tranquillement, appréciant les victuailles.

-Nos femelles n'ont pas toute la chance de Kohanu. J'ai du sang humain alors ça s'explique mais les autres naissent souvent moches mais fortes. D'toute façon, les mâles s'en fichent, tant qu'ils peuvent les farcir, même s'ils rêvent de faire un tour dans ma couche ou celle de Kohanu ...

Les orcs avaient cependant leur propres standards de beauté et si Kohanu et Thorka étaient belles selon des standards humains, c'est leur force qui faisaient que les mâles ne les méprisaient pas. Un orc moyen aimait une femme bien roulée mais si elle était faible, comme l'elfe de tout à l'heure, ça ne serait qu'une distraction temporaire et elle ne servirait sans doute même pas de porteuse. Le chef beugla un ordre à un serviteur à peau verte avant de reprendre la discussion. Il s'intéressait aux créatures monstrueuses du clan, plus précisément les orcs et les trolls. Si Thorka ne voyait aucune race comme étant égale aux peaux vertes, elle savait exploiter l'utilité potentielle des sous-races.

-Mon clan a beaucoup voyagé, on a rencontré des tribus de toutes sortes. Des fois c'est des prisonniers de guerre qui préfèrent se battre pour les orcs plutôt que brûler vif ou des fois ils errent sans but, rejoignant le clan. Les ogres et les trolls sauvages se baladent sur les terres et dans les forêts, les trolls de guerre, c'est une autre histoire. On en a trouvé dans des villages humains, où ils se battaient pour de l'or. Ceux qui se battent bien sont récompensés alors personne ne peut dire que je suis ingrate!

La cheftaine étira un rictus, elle connaissait tout de même le principe de mérite et si un guerrier méritait une récompense, il en avait une, orc ou non. Mais les punitions étaient souvent plus rudes pour les sous-races, les forçant à faire de leur mieux, sous peine de se faire arracher un bras là où un orc n'aurait eu que des coups de fouet de la part de Kohanu.

-Si y'en a qui veulent rester ici, prenez-les, j'en trouverai d'autres. Mon clan est assez grand pour pouvoir se passer de deux ou trois trolls et ogres. Et j'vais prendre plus de bière.

Thorka leva sa choppe vide, il n'y avait pas de réelles raisons pour fêter mais boire tout son saoul était toujours bien agréable.

Le critère de sélection des orques de l'Oeil fit sourire légèrement Ha-Armauk, car ces critères étaient les mêmes que ceux des Mâchoires, juste avant la guerre des Kobolds, mais désormais, il était plutôt coutume chez eux de choisir une femelle parmis celles en meilleure santé, possédant une poitrine suffisante pour élever une portée de plusieurs enfants, et divers autres critères bien plus basiques que la force et les aptitudes guerrières, mais venant d'un peuple au bord du pacifisme forcé, c'était tout aussi logique.

L'histoire de l'origine des trolls et des ogres dans le groupe d'orcs de l'Oeil rendit en revanche plus attentif le chef orc, mais l'idée de voyager de longues distances n'était plus dans l'idée collective des Mâchoires, et peu à peu les oppositions entre les Mâchoires et l'Oeil se faisaient nettement voir.
Les récompenses, par exemple, étaient administrées aux plus productifs, alors que chez leurs camarades, c'étaient les meilleurs combattants qui empochaient le gros lot, les uns étaient en convalescence, les autres en croisade.

Il est également coutume chez nous d'offrir des récompenses, mais ces dernières restent réservées aux orcs et aux hobgobelins, les gobelins et les kobolds ne vivent pas assez vieux pour en profiter.
Nous offrons, de notre côté, des armes et des armures, et parfois l'occasion de féconder une femelle convoitée, j'ai ainsi acquis le plus grand harem du campement, par exemple.

Je serais ravi de receuillir ceux qui souhaiteraient nous joindre, amie Thorka ! Peut-être qu'un jour, nos deux clans sonneront des mêmes tambours de guerre et que les terres sauvages nous appartiendront ! En attendant, levons nos verres et trinquons !

L'alcool était fort, mais l'alcool était bon, et les brasseurs gobelins en charge de produire la bière étaient passés maîtres dans cet art, aussi la saveur était-elle unique en son genre :

Vous appréciez notre alcool, j'espère, mais attention tout de même, le plus solide de vos trolls serait à terre après une demi-douzaine de tonnelets seulement !

Pour mon information personnelle, vous vous dirigez où, exactement ?

Les récompensent étaient, semble-t-il, plutôt limité chez le clan des Mâchoires, mais pas par principe, plutôt parce que les créatures inférieures mourraient avant d'avoir une chance d'en profiter. Sans doute que les gobelins et kobolds servaient de chair à canon ou bien ils étaient trop maladroit pour survivre longtemps dans un clan qui était organisé d'une façon particulière. Ou bien ça a quelque chose à voir avec leur espérance de vie. Dans tous les cas, les orcs et les hobgobelins avaient droit aux récompenses. Thorka accordait parfois une récompense à une sous-race, mais l'individu en question devait faire des efforts immenses pour la mériter et ne devait pas avoir contrarié Thorka pour quelque raison que ce soit. Et les récompenses des sous-races étaient bien souvent inférieure à celles des orcs mais leur motivations simples leur permettaient de faire avec ce qu'ils recevaient, même si la jalousie était souvent présente. Mais si Ha-Armauk se permettait d'offrir des femelles à ses sous-races, Thorka, elle, n'accordait jamais ce genre de chose, sans compter qu'aucune femelle orc, à moins d'être désespérée, ne voudrait s'offrir à un ogre ou un troll ... cela donnerait des demi-sang sans doute puissants mais Thorka préférait garder son clan en majorité verte et cela, même si elle-même n'était pas une orc pure, ce qui se remarquait plutôt difficilement, parfois, car elle avait l'attitude, le mode de vie et la force d'une orc pure. En général, quiconque lui reprochait son sang humain finissait le torse ouvert par sa hallebarde ...

-Ça reste à voir, j'ai pas en tête de mélanger mon clan avec un autre pour en faire un. Mais on aura peut-être une chance de s'battre ensemble contre les communauté des terres dévastées!

Sous la suggestion du chef, Thorka trinqua également, buvant avec toute la classe D'une peau vert, c'est-à-dire que deux filets de bière coulèrent de chaque côté de ses lèvres et qu'une fois sa gorgée prise, la cheftaine s'essuya les lèvres du revers de la main.

-On va vers l'Est pour détruire des villages, on a déjà attaqué des tribus de terranides et des petits villages humains. Les plus gros villages sont sûrement à l'est. On va commencer par s'établir par ici et agrandir notre clan avant d'attaquer les plus gros morceaux.

Un plan typiquement orc mais duquel ressorti un peu du côté humain de Thorka, car si un clan aurait tout simplement attaqué, Thorka, elle, préférait attendre un peu et prendre de l'expansion pour s'assurer la victoire. Il y avait des chances que des femelles du clans de l'Oeil aillent s'offrir aux guerriers de Ha-Armauk mais cette façon d'agrandir allait prendre du temps. Les terres sauvages ne manquaient pas de gnolls, de trolls et autres monstres prompt à se battre pour étancher leur soif de sang ainsi qu'avoir droit à un groupe auquel appartenir.

- "Je parlais effectivement de combattre ensemble, 'pas envie de mélanger non plus."

Niveau boisson, le chef orc ne relevait pas vraiment le niveau, et bien souvent il prenait presque tout le contenu de sa choppe dans la tronche, avant de passer un coup de langue sur les alentours de sa bouche pour en laper le liquide alcoolisé, bref, il buvait vraiment comme un porc, lui aussi.

Un orc fit alors interruption dans la tente, un orc noir et sûrement l'un des gardes de la tente, alors qu'il soufflait quelque chose à l'oreille de son grand chef, déclenchant chez ce dernier une moue entre dépit et colère, visiblement la nouvelle ne lui plaisait pas tellement :

- "On dirait que les gobelins ont un nouveau chef, c'est le troisième en cinq lunes..."

Engloutissant silencieusement un verre, le regard dans le vague mais qui restait tout de même sur Thorka, le chef orc se mit à réfléchir, autant qu'un orc vétéran le pouvait, avant de finalement congédier le messager improvisé d'un geste de la main, préférant profiter pour le moment de la visite de la demi-orque :

- "Nous venons de l'est, et là bas les esclavagistes ont rasés pas mal de petits villages, tandis que nous on a tué la plupart des esclavagistes ayant rasé des villages, y'a plus que des petits groupes et les gros villages deviennent vraiment paranoïaques, y'a de la résistance partout, alors faudrait mieux rester ici, ouais."

Le regard perdu dans le vide de l'orc se fixa finalement dans celui de Thorka alors qu'il lui rétorquait en souriant :

- "Bah, comme votre amie, j'pense que vous trouverez un moyen d'apprécier votre séjour, urk urk."

Un chef orc et son équivalent féminin à sang humain, tout deux buvant comme des porcs, la soirée s'avérait prometteuse et les monstres du clan de Thorka devaient bien s'amuser eux aussi. Les trolls racontaient sans doute des histoires de guerre entre eux, les ogres s'empiffraient probablement et les autres orcs buvaient et dansaient sûrement autour d'un feu, chope en main. Rares étaient les occasions qu'avaient eu le Clan de l'Oeil de s'entendre avec un autre clan de monstres et la cheftaine ne s'en plaignait pas, d'ailleurs. Malgré son âge, Ha-Armauk avait l'air vigoureux comme un jeune orc tout frais sortit du moule et il ne donnait pas sa place pour ce qui est de vider des choppes. Le beuverie des deux chefs ne fût troublée que par l'intrusion d'un gros orc noir qui vînt apporter quelques nouvelles à son chef, sans doute. Ha-Armauk ne semblait pas bien prendre ce que lui disait son subalterne mais il ne laissait pas cela le troubler plus, continuant à discuter.

-Raison d'plus pour agrandir le clan, alors et faudra que Zarek forme d'autres shaman. Si y'a autant d'résistance, faudra plus que des guerriers, faudra du support aussi.

Zarek le shaman, le maître spirituel de la tribu, lui-même élève du shaman qui avait révélé l'avenir du clan de l'Oeil autrefois. Il avait maintes fois prouvé qu'il avait un lien fort avec les esprits et Thorka avait pleinement confiance en ses capacités, elle savait que s'il transmettait son savoir à d'autres orcs, le Clan de l'Oeil aurait une puissance magique redoutable.

-On verra bien. Ça m'étonnerais même pas que Kohanu soit déjà en train de dominer un mâle.

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Pendant ce temps, dans la tente d'un des guerriers orcs d'Ha-Armauk ...

-Alors, c'est qui ta maîtresse??

Kohanu était à califourchon sur un gros vert qui était attaché à sa couche, à la merci de la voluptueuse femelle.

-C'est Kohanu!!! Mais arrête de m'torturer, j'en ai envie!!

Le pauvre était à poil, avec une envie folle de jouer avec le corps de la verte, qui décidait de jouer les agaces. Ce mâle trouverait sans doute la soirée longue, du moins, jusqu'à ce que Kohanu décide enfin de s'occuper de la petite démangeaison dans la zone de son maillot ...

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-Ouais, j'plaint le mâle qui s'ra tombé sous son charme ... quoique s'il est patient ... C'est plutôt son imbécile d'humain qui m'inquiète, s'il voit des femelles, ce pervers va sûrement se prendre quelques raclées.

Thorka étira un rictus, elle n'était, au fond, pas si inquiète que ça. Miklas, s'il se faisait attacher à un poteau avant de prendre des coups, serait sans doute heureux, tordu qu'il était. La cheftaine vida une autre chope, son visage rougissant après autant d'alcool. La bière commençait à faire son effet.

-Alors, t'offres autres chose aux autres chefs quand tu les invite dans ta tente? Héhéhé.

Les inhibitions disparaissaient peu à peu, la dernière remarque d'Ha-Armauk n'était pas tout à fait fausse, semblait-il.