Un loup… A l’entendre, un vampire, ou un être de nuit, tenait du loup, et elle de l’agneau. L’analogie la fit brièvement sourire. Elle était donc un agneau au milieu d’un peuple de dragons, destinée à les contrôler… On imaginait déjà mal une brebis commander une meute de loups, alors un troupeau de dragons… Car les Commandeurs ne se comparaient pas à n’importe quel fauve, mais bien à des dragons fondant sur leurs proies. Elle l’écouta parler, décrire le fait d’être mordu, sans pour autant vraiment le décrire, parlant de choses et d’autres, mais de rien ce qui ne l’intéressait vraiment, sauf pour quelques détails.
« Rassurez-vous, d'après des points de vus, cela n'est pas douloureux, bien au contraire, cela est soit disant jouissif... »
L’image la fit sourire, et il promena ensuite ses doigts sur son cou, à l’emplacement fétiche d’une morsure, et, pour mieux le titiller, elle pencha un peu sa tête, exposant son cou, avec sa veine qui battait. Sentait-il à quel point elle était excitée ? A quel point son sang devait follement circuler dans son corps ? Est-ce que ça ne la rendait pas encore plus appétissante ? Il lui demanda quelles étaient ses motivations, tout en l’assurant qu’elle ne deviendrait pas un vampire, ce qu’elle savait déjà, et elle s’empressa de lui répondre.
« L’un des Commandeurs a déjà parlé des vampires, expliqua-t-elle. Une maison de charme tenue par des vampires dans une grande ville, où les vampires sont payées avec des pièces d’or et des pièces de sang, et il affirmait que les morsures étaient loin d‘être désagréables, bien au contraire. »
Elle l’avait entendu à la table de Père, alors qu’elle mangeait une énorme cuisse de poulet, et que des Commandeurs, revenus à Sylvandell, palabraient entre eux sur leurs voyages. La conversation, qu’elle avait surpris, lui était restée en tête. Elle se rapprocha un peu plus du vampire, le bout de ses deux seins galbés frottant contre sa chemise. Elle parla alors sur un ton un peu plus bas.
« Quant à ce que je veux… Appelez cela de la curiosité… » fit-elle claquer dans le creux de son oreille, avant de délicatement s’écarter.
La Princesse s’écarta un peu, avant de croiser les bras en le regardant. Cessant de jouer à ce petit jeu de séduction, elle reprit un air un peu plus princier, retrouvant ses contenances.
« S’il y a une chose que j’apprécie, c’est la franchise. Je ne pense pas que votre présence ici soit un pur hasard, même si je pense que vous avez joué de malchance… Ou pas, selon les points de vues. Quoiqu’il en soit, je ne suis pas totalement dupe. Vos dents bien pointues ne mentent pas, et je vois dans vos yeux un désir fou. Mon sang vous fait envie, et, même si j’appelle ma garde, le temps qu’elle arrive, vous aurez amplement l’occasion de vous abreuver de mon sang, et, sous l’effet conjugué de la peur et de l’excitation, à supposer qu’un vampire puisse avoir peur, de me trancher une veine, ce qui me tuera. Nous voilà dans une fâcheuse impasse », résuma-t-elle.
Bras croisés, elle laissa plusieurs secondes s’écouler, réunissant ses pensées, avant de poursuivre.
« Mon sang vous fait envie, et, si c’est ce qu’on dit de votre espèce est généralement inexact, variant entre les légendes, les conteurs s’accordent généralement pour considérer que votre soif de sang est inextinguible. Il est donc dans notre intérêt commun de vous laisser boire à ma gorge. »
De plus, même si elle n’osait pas se l’avouer, elle trouvait aussi excitant que dangereux. Elle se doutait bien du déroulement de la chose, de la minutie que cela suscitait. Seishi allait titiller sa veine pour absorber son sang, et deux risques majeurs se présentaient : soit qu’il aille trop loin en perçant la veine, ce qui reviendrait à provoquer une hémorragie interne relativement mortelle, soit qu’il absorbe tout son sang. Deux risques majeurs, mortels, mais n’est-ce pas ça qui rendait précisément la chose attirante ? Alice était une Korvander, et ce n’était que face à la mort qu’un Korvander devait savourer et déguster la vie.
« Dites-le », conclue-t-elle, tout simplement.