Le soleil était réellement superbe.. Il irisait dans le ciel des couleurs toujours plus incroyables, ces roses, ces bleus turquoise, ces verts, ces violets... Les nuages s'étiraient avec douceur, se préparant au sommeil qui serait le leur une fois la descente de l'astre solaire totalement achevée. Un spectacle à couper le souffle, réellement. La forêt était d'un calme olympien, les animaux se retirant peu à peu dans leur terrier, leur cachette, pour y passer une nuit bien méritée.
Sauf ce putain de cerf qu'Enora poursuivait depuis une bonne demi-heure au moins ! Et je puis vous assurer que les petits oiseaux, les grenouilles qui croassent et toutes les autres créatures peu communes que l'on peut croiser sur Terra, elle s'en tamponnait l'oreille avec une babouche !
Depuis une demi-heure, elle se cachait, en embuscade, arc bandé, bien camouflée derrière un buisson, et à chaque putain de fois, il déguerpissait !
# Con de bestiole ! #
Elle avait fini par imaginer que c'était Zeus qui s'était ENCORE déguisé sous les traits d'un animal pour ENCORE faire des infidélités à Héra. Quoi qu’apparemment elle lui en faisait aussi maintenant. Agacée, elle se laissa tomber sur un rocher. Tant pis pour le cerf.
Fouillant dans ses poches, elle en extirpa un paquet de cigarettes, dont elle en sortit une, qu'elle allumait. Oui, fumer pendant la chasse, ça a tendance à être totalement suicidaire : les animaux, ne reconnaissant pas l'odeur, fuient. Mais là, au point où elle en était, et comme ce petit trophée ambulant l'avait agacé, ce n'était pas grave.
Elle se remit à penser à l'Olympe. Le bordel. C'était un vrai bordel.
_Des consanguins qui se prennent pour nos dirigeants suprêmes... Conneries, oui..
Elle poussa un long soupir avant de s'allonger dans l'herbe. Juste au-dessus d'elle brillait l'étoile du Nord, la plus grosse, la plus belle, la plus étincelante. Elle avait décidé que c'était Gwenaëlle. Elle sourit, ferma les yeux.
Sa cigarette, consumée au bout de ses doigts, tomba en se cognant contre ses longs ongles, continua un moment de fumer avant de s'éteindre.
Que c'était bon, ce silence...
Silence... ?
Il y avait comme un bruissement de feuilles, non loin... Faisait lentement et très discrètement léviter son arc jusqu'à elle, elle s'en saisit, et bondit sur ses pieds. C'était une superbe biche, sans doute la compagne du cerf. Elle eut un sourire cruel : elle se ferait la famille entière ce soir !
Elle s'élança à la poursuite de l'animal. Bien que plus rapide que la bête, cette dernière, plus petite et menue qu'un humanoïde, se glissait, leste, dans tous les petits recoins, se montrait bien plus habile que la mercenaire. Néanmoins, elles débouchèrent bientôt sur une clairière. Prenant son élan, Enora sauta et atterrit devant la biche, à seulement quelques centimètres d'elle. Avec un grand sourire, elle lâcha un « Bouh ! » du bout des lèvres en brandissant cette fois son katana. Mais la biche avait encore de la réserve ! Par un superbe saut de côté, elle évita la ESP.er, et repartit à l'opposé, c'est-à-dire qu'elle reprit le chemin qu'elles avaient emprunté précédemment.
_Mais merde qu'est-ce qu'ils ont tous aujourd'hui ?!
Il devait y avoir quelque chose d'anormal, d'ordinaire les animaux étaient calmes et de fait, simples à capturer – ceci dit elle ne s'en plaignait pas, ça lui faisait faire de l'exercice.
Accélérant, elle rattrapa bientôt la bête, qui fit une nouvelle embardée.
# T'as de la ressource ma belle ! #
Certes, Enora aurait pu se servir de son pouvoir afin de chasser : bien plus rapide, mais elle trouvait ça d'abord trop facile, ensuite, injuste pour l'animal : chacun a le droit à sa chance. Pour ça aussi qu'elle ne chassait pas avec son bon vieux revolver mais qu'avec un arc qu'elle fabriquait sommairement quand cela été nécessaire et son katana.
Enora ralentit soudain, mobilisant son pouvoir, elle se fit s'élever dans les airs (oui, quand même, elle ne s'en sert pas sur les animaux mais y a des choses qui sont bien plus pratiques ainsi!) et se posa sur une branche. Mobilisant toujours plus ou moins son don, elle se mit à courir d'arbres en arbres, de cette façon, se soutenant sur sa capacité lorsqu'elle perdait l'équilibre. Elle eut bientôt rejoint la biche qui commençait à ralentir – de fatigue ou parce qu'elle se croyait de nouveau en sécurité, qu'importe – et Enora dégaina son katana. Avec rapidité et efficacité, elle se laissa tomber au-dessus de la bête, enfonçant son katana droit dans son crâne. L'animal mourut sur le coup, sans douleur.
Doucement, la mercenaire se redressa, retira sa lame et caressa le pelage du cervidé. Ce n'est pas parce qu'elle tuait les animaux pour se nourrir qu'elle ne les aimait pas...
Fermant les yeux de la bête, elle la jeta sur ses épaules, les pattes avant sur son épaule droite, les pattes arrière sur la gauche. Rengainant son arme après l'avoir essuyé, elle trottina tranquillement jusqu'aux abords d'un lac, qui avait était luxuriant et superbe il y a de nombreuses années. La nuit tombait, Enora fit du feu et commença à dépecer la bête, une marmite déjà posée sur le foyer, fumante et fleurant bon les herbes aromatiques.
_Merde !
Tenant mal une des artères de la bête, une grande giclée de sang avait atterri sur le corsage de la belle. Maugréant, elle termina de dépecer l'animal, et une fois coupé, elle le jeta dans l'eau bouillante. Elle dut enlever son haut de kimono, se retrouvant donc seulement en pantalon de cuir et bottes de cuir. Elle rinça le vêtement et sa peau à l'eau claire du lac, étendit l'étoffe près du feu et commença à s'occuper de la peau de la bête : elle pourrait en faire une petite besace de cuir... ?
Tout à coup, des craquements de bois, des piétinements lui firent lever la tête, elle bondit sur ses pieds, son arme vola à sa main. Une femme, blanche, brune, vêtue d'une simple robe de toile rapiécée déboula d'un buisson. Voyant Enora, la mine patibulaire et armée, elle hurla, reprenant sa course. Quelques secondes plus tard un homme, blond, en habit chic et à lunettes rondes déboulait après la jeune femme.
La mercenaire avait beau avoir quelques lacunes en matière de commerce et de modes de vie sur Terra comme sur Terre, au vue de la mine de la jeune fille, il n'y avait aucun doute, c'était un marchand d'esclaves, et il était hors de question qu'il la prenne, elle. Loin d'abaisser son arme, la ESP.er vint coller sa seconde main sur la garde du katana, raffermissant sa prise.