Un fanfaron. Un adorable petit fanfaron. Elle sourit davantage. Évidemment, il ne reconnaîtrait jamais qu'il s'était inquiété pour elle, en voyant qu'elle ne se relevait pas, mais elle en était persuadée, il n'était pas totalement insensible, alors il avait du s'inquiéter. Et c'est lui qui la traitait, elle, de gamine prétentieuse... L'hôpital qui se fout de la charité, mais vraiment.
_Ton copain qui s'est servi dans le frigo n'était pas le Haut Paladin que j'ai senti tout à l'heure. Un Diacre ou un Prêtre à tout casser, mais on n'est pas sortis si tu continues tes conneries.
# Mes conneries ? Manque vraiment pas de culot ! #
Il l'avait balancé par-dessus son épaule lui claquant la fesse, comme un vulgaire sac de marchandises vendues en gros, elle eut un gémissement de douleur. Sa tête restait incroyablement lourde, et visiblement le dieu n'avait refermé cette blessure que partiellement. La tête ainsi en bas, dans le dos de Kyô, le sang affluerait et se viderait deux fois plus vite que si elle restait debout, tête en haut. Et en plus là le dieu ne le verra pas. Et comme d'habitude, il ne l'écoutera pas. Son pouvoir n'était toujours pas revenu, elle était impuissante.
Il n'y allait pas de main morte, en plus, se déplaçant sans prendre garde au colis qu'elle était, son corps bringuebalant comme une vulgaire poupée. Sauf que la poupée était salement amochée et qu'il n'y faisait même pas attention. Elle manqua se reprendre un mur en pleine poire lorsque le dieu bondit :
_D'où tu sors, tête de con?
L'échange avec l'inconnu ne dura pas, Kyô le tua aussi sec, comme il tua les autres gardes. Enora voyait des gouttes de sang les suivre, par terre, le dieu jouait au petit poucet avec une force bien plus grande que le mage, et elle était les miettes de pain qu'il semait. Sa tête commençait à lui tourner gravement, elle donna un coup de coude dans le trapèze de la déité : tout le monde concentre des tensions là, les dieux n'échappent pas à la règle, et ça ne loupa pas, il sursauta et la mit face à lui prêt à lui exploser la tronche, mais elle glissa comme une vulgaire poupée de chiffon, les jambes toutes cotonneuses :
_Attends, Kyô, regarde...
Elle pointait du doigt les gouttes de sang qui montraient leur trajet
_... Ça va les mener à nous ou, si tu t'en fous, ça va juste me tuer avant que tu en ais fini avec moi... Me mets pas la tête en bas... Laisse-moi un peu de temps et je refermerai mes blessures...
Elle s'appuya sur l'abdomen du dieu, à travers les bandelettes elle sentit quelque chose d'à la fois chaud et rugueux... Elle écarta les tissus avant qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit et fit une grimace de dégoût. La peau n'était pas brûlée, non, elle était cramée, cramoisie, incandescente, presque. Le sort avait dû être puissant, la peau donnait l'impression de continuer à se consumer, comme une... clope.
_Et après tu prétends nous sortir d'ici... Okay... Il faut que je mange un truc...
Un des deux gardes était plus gros qu'un éléphant, ce genre de mec gras, bedonnant, devait avoir quelque chose à manger sur lui. Titubant, elle se laissa tomber près de lui. A l'endroit, elle se sentait déjà mieux, cela devrait marcher...
# De toutes façons, il faut que ça marche... #
Elle fit les poches du type, essayant au maximum de ne pas se mettre de son sang partout. Elle finit par trouver quatre barres protéinées et trois barres de céréales.
# Pomme verte... Mes préférées ! #
S'adossant au cadavre sans tête, elle déchira les emballages et avala avec hâte les sept confiseries. Son métabolisme, affaiblit, accueillit cette ressource avec joie, bientôt les nutriments parcouraient son corps, son pouvoir absorbait cette énergie et s'éveillait. Il n'était pas à son maximum, certes, mais il suffirait pour ce qu'elle avait à faire. Se relevant, de nouveau avec un visage rosé et non plus blanchâtre, mais loin d'être ce qu'il était avant, elle se rapprocha de Kyô, se colla toute entière à lui, elle était trop fatiguée pour que cela soit réellement efficace juste mentalement, il fallait que les flux de son pouvoir passent directement dans le corps du dieu pour agir plus efficacement, sans qu'elle ne meurt par manque d'énergie.
_Fais-moi confiance, s'il te plaît.
Ne lui laissant pas le temps de répondre, elle se concentra au point d'en suer. Avec difficulté, elle réussit à transposer son pouvoir sur Kyô. Elle n'avait jamais soigné un dieu, et la puissance qui régnait en lui luttait contre celle, étrangère de la ESP.er, même son corps était têtu comme une mule. Son corps, si grandement lié à son âme, se défendait, encore dans la bataille qui avait eu lieu. Comme une bête blessée, son corps ne se laissait pas approcher. La mercenaire dût forcer le passage, elle devenait rouge de concentration. Finalement, elle parvint à envoyer son pouvoir sur l'abdomen du dieu. Mentalement, elle ressouda les tissus, arrêtant la combustion, réparant les chairs et faisant disparaître la douleur. Elle se contenta de le soigner, trop épuisée pour faire disparaître la cicatrice de brûlure qui régnait désormais sur le corps du dieu. Elle se recula, admirant son œuvre. Elle tâta la peau, un instant :
_C'est bon... Tu es frais comme un nouveau-né... Je m'occuperai de cette cicatrice plus tard, sauf si tu veux la garder... Il faut...
Elle déglutit, chancelante. Guérir Kyô lui avait demandé plus d'énergie que ce qu'elle pensait, elle s'appuya contre lui :
_Trouve moi un truc à manger si tu veux pas que je clamse dans tes bras, et je te jure que je ferai tout pour que ma mort te soit encore plus chiante que ma vie.
Et je te préviens, je boufferai pas les types que tu as tué, même à l'agonie je ne verserai pas dans le cannibalisme.
Elle eut un sourire, ce n'était pas vraiment une menace, même si elle l'avait voulu, elle aurait été incapable de se rendre insupportable, elle était trop exténuée.