Un nouveau modéle ... ( Lucie M. )

Christ poussa un profond soupir. Une heure qu'il était dans la salle des professeurs à fumer, la fenêtre ouverte, en buvant son café. Il passa une main dans ses cheveux, et remit correctement le col de sa chemise. D'ici 5 minutes, il devrait aller faire cours pour la première fois à un groupe de premiéres années survoltés. C'était toujours ça, au début ... Les premiers cours détendus, les sourires sur tous les visages, les crayons qui tremblent et qui hésitent ... Il en vint à se remmémorer sa première année, dans cette école d'art de Munich. La fenêtre de sa salle de cours était ouverte sur une épaisse forêt dans laquelle il aimait vagabonder, la nuit, en chantonnant " The Clash ". Les premières années étaient les meilleures ... Ce souvenir empiéta sur ses dernières minutes de liberté restantes. Il vida sa tasse d'une gorgée, se brûla la gorge au passage, et écrasa sa cigarette sur le cendier qui trônait au centre de la pièce.

Au moment de quitter la pièce, il passa devant un miroir qui trônait dans le couloir. Une installation d'une de ses élèves de quatrième année ... Sa conclusion fut qu'il était plutôt bien conservé pour un futur trentenaire. Pantalon noir, chemise blanche surmontée d'un veston couleur d'encre, cheveux encore ébourrifés ... Il n'était pas mécontent de voir que l'âge ne venait pas entamer son physique.

Mais quand il commença à monter les escaliers, il réalisé qu'il devait diriger un cours de modéle vivant ... Et se frappa le front avec la paume de sa main. Comme bien souvent, il n'avait au droit qu'au minimum des informations ... Il ignorait tout du modéle. Il ne connaissait ni son prénom, ni son sexe, ni même combien de temps elle était censée rester. Tant pis. Advienne que pourra. Il rejoignit vite sa classe, croisant sur son chemin une surveillante de l'établissement, qu'il pria d'aller chercher le modéle, et de l'amener ici. Puis il entra dans la vaste pièce, remplie par une bonne cinquantaine d'étudiants plus ou moins réveillés.

- Je vous salue, chers éléves. Je me nomme Christ, et je serais votre professeur de morphologie, de techniques graphiques et de modelage.

Il les gratifia d'un sourire, faisant passer la feuille d'appel. Quelques retardataires arrivérent, tandis qu'il se chargeait de vérifier si la table recouverte d'une couette chauffée était en bon état. Tout devait se passer dans de bonnes conditions ...

- Je suppose que vous la plupart d'entre vous, c'est le premier cours de modéle vivant ... Je serais donc clément.

Nouveau sourire, tandis qu'il entendait la porte s'ouvrir à nouveau ... Etait-ce le modéle ?

Lucie vagabondait peu dans Seikusu le week-end. Elle avait toute nourriture près de chez elle, et même dans son potager et sa grange. Mais elle sortait quelques fois, sans réel but précis. Durant ses jours de repos, quand elle ne travaillait pas à la crèche, la jeune femme s’en allait acheter un journal pour l’emploi et s’asseyait sur un banc du parc de la ville. Elle rêvait de toucher à tout, riche d’apprendre encore et encore. Non pas qu’elle n’aimait pas son métier, mais Lucie savait que le monde était bien vaste et que toute opportunité était bonne à prendre. Comment savoir si vous aimez ou n’aimez pas quelque chose si vous restez là sans rien faire, sans tester ? Après avoir testé, vous aurez tout le droit de dire que cela ne vous plaît pas, ou l’inverse. Lucie était comme cela, prête à de nouvelles expériences. C’était une façon à elle de voir la vie, d’en profiter un maximum, sans rien regretter le moment fatidique venu.

Ce week-end-là, en feuilletant son périodique de demandeur d’emploi, elle s’était attardée sur la section arts. Un métier dans l’art, le plus beau des métiers sûrement…Et la rondouillette, plus habituée à des métiers « manuels » ou sociaux, pourrait faire voler aussi loin que possible son imagination dans ce genre de profession. Sa créativité serait mise à l’épreuve et serait exposée. Son imagination allait de paire avec toutes les annonces qu’elle lisait. Mais l’une d’entre elles attira plus son attention que les autres. L’école des Beaux Arts de Seikusu recherchait des modèles humains pour des cours. Était-ce là pour du nu ou non ? Qu’importe. Cette annonce emballa la demoiselle, lui arrachant un magnifique sourire. Elle n’avait que faire de la rémunération ou autre. Elle aurait l’occasion de rentrer dans cette école et de voir ce qu’il se faisait dedans. Occasion de voir aussi comment se dérouler un cours d’art. Un numéro de téléphone sur le journal, un seul coup de fil, et c’était fini. Lucie allait servir de modèle pour un cours des Beaux Arts.

En revenant chez elle ce jour-là, Lucie prit soin de noter son rendez-vous aux Beaux Arts dans son calendrier. Elle n’allait pas l’oublier c’est sûr et certain, mais c’était un moyen de se rassurer qu’elle irait à ce cours. Étourdie qu’elle était, la jeune rousse avait toujours peu d’oublier les choses le jour venu, c’est pourquoi elle notait tout. Enfin, qu’importe…Elle avait prit soin également d’appeler la crèche qu’elle ne pourrait faire son service, ayant autre chose de prévu bien plus important et qui ne pouvait être remis à plus tard. Ce soir-là, elle s’était allongée dans son lit, vêtue de sa chère nuisette, les joues rouges et un sourire d’excitation sur le visage. Ses yeux pétillaient d’impatience jusqu’à ce fameux jour.

Un jour. Ce jour. Il arriva enfin, au plus grand plaisir de Lucie. Elle était devant le grand bâtiment principal de l’école, cette école d’arts qui la faisait soudainement rêver. Son cœur battait frénétiquement de joie et d’impatience. Elle avait hâte d’être installée en tant que modèle et de voir ce cours. Pour l’occasion, elle s’était vêtue d’une jolie robe printanière, d’un vert gai, lui tombant au-dessus du genou. Elle portait de petites ballerines, n’aimant guère les hauts talons. Elle s’avança dans le bâtiment, passant la grande porte principal, pour enfin trouver l’accueil de l’école.

- Bonjour Madame, excusez-moi, mais je dois participer à un cours. Je suis modèle. Pourriez-vous m’indiquer dans quelle salle je dois me rendre, s’il-vous-plaît ?

- Ah, on vous attendait ! Vous pouvez vous installer sur un des bancs là-bas. Quelqu’un doit venir vous chercher pour vous y emmener.

- Merci beaucoup. Bonne journée à vous.

Oui, Lucie était très polie. Ses parents l’avaient éduquée ainsi. Aujourd’hui, tout cela se perd. Bref…Lucie s’installa sur un banc un peu plus loin de l’accueil, attendant patiemment qu’on vienne la chercher. Elle aurait très bien pu aller directement dans cette salle si la femme de l’accueil lui avait indiqué le chemin. Mais Lucie n’eut pas longtemps à patienter sur le banc froid de l’entrée : une assistante vint la chercher, la saluant et l’amena jusque devant la salle. La rousse s’inclina doucement en remerciant l’assistante, qui s’en alla juste après. Elle était seule maintenant, devant cette porte, le cœur battant à mille allures. Sa main fermée se mit à taper contre la porte. Elle entendait des voix mais aucune qui lui dirent d’entrer. Cependant, elle prit son courage à deux mains et finit par ouvrir la porte, ouvrant grand les yeux de surprise de voir autant de monde pour un cours.

- Bonjour, excusez-moi de vous déranger…Je suis le modèle.

Maintenant, rester à savoir si elle était dans la bonne salle et ce qu’elle allait devoir faire.

Le jeune professeur se retourna au moment où la porte s'ouvrir, accueillant la personne qui servirait de modéle avec un sourire chaleureux. Lui n'avait jamais vécu une telle situation, étant donné qu'il n'avait jamais servi de modéle vivant - mise à part pour une petite amie, à l'époque ... - mais il devinait son incompréhension. Ainsi, le jeune homme s'approcha d'elle, lui faisant signe de le suivre jusque derrière une tenture, suspendue dans le fond de la salle. Cette tenture délimitait un espace assez grand, où le modéle pouvait se mettre à son aise, y déposer des vêtements, se changer ... Cette pièce n'était pourtant détachée de la salle dite " de dessin " que par un grand morceau de tissu, comme un rideau. De l'autre côté, on pouvait entendre les discussions des éléves, anxieus et hâtifs de dessiner.
 
Christ se racla la gorge, cherchant ce qu'il pouvait bien lui dire ...

- Je vous remercie d'avoir accepté de poser ici, pour nous ...

Un nouveau sourire, et il la toisa. Cette femme avait un physique harmonieux, quoi qu'on puisse en dire.

- C'est un cours de modéle vivant, c'est à dire que ... Vous devez poser nue. Mais si cela vous gêne, vous pouvez garder quelques vêtements durant la première séance, je comprendrais.

Le jeune homme jeta un oeil derrière la tenture, la soulevant pour surveiller certains éléves. L'un d'eux s'était allumé une cigarette ... Il l'imita, et s'en alluma une à son tour. Voir quelqu'un fumer lui donnait une envie incontrôlable de faire de même.

- Vous pourrez vous changer ici ... Et, au moindre problème, n'hésitez pas à me demander. Je ne mords que très rarement.

Christ quitta certte pièce de fortune pour rejoindre ses élèves, les sommant de se préparer. Il réalisa qu'il ne connaissait même pas le nom de ce modéle ... Tant pis, je verrais cela après. Cette femme avait l'air aimable et charmante, en tout cas. Il avait déjà eu affaire à des modéles pénibles, par le passé, et espérait que cela ne se reproduise jamais.

Finalement, c’est un jeune homme, ayant à tout cassé l’âge de la rouquine, qui vint l’accueillir. Il avait là un look un peu décalé par rapport à la mode d’aujourd’hui, mais cela n’était pas pour déplaire à Lucie. Les dictats de la mode, il n’y a rien de pire…Il l’accueillit avec un petit sourire, qu’elle répondit également par un léger sourire aux lèvres. D’un signe de la main, il demanda à Lucie de le suivre derrière un rideau épais, ce qu’elle fit. Passant derrière ce mur de tissu, les élèves semblaient impatients de commencer leur cours. Un peu intimidée il faut l’avouer, la jeune femme répondit gentiment à cet homme, sûrement professeur pour la classe présente.

- Mais je vous en prie. C’est un plaisir de participer à ce genre de cours…

Un nouvel échange de sourire…Lucie était quelqu’un qui souriait facilement, mais toujours sincèrement. Elle ne regrettait pas d’être ici, même si le jeune homme lui avoua que c’était un cours de modélisme nu, et donc, que la jeune femme devait se déshabiller intégralement, ou bien qu’elle pouvait garder quelques vêtements si cela la gênait. Lucie se mit à rougir légèrement, le feu prenant un peu les joues. Alors que le professeur regarda derrière le rideau épais, puis s’alluma une cigarette tranquillement. Ce lieu, derrière cette tenture, allait lui servir de cabine de déshabillage. D’ailleurs, le jeune homme passa derrière le mur de tissu pour rejoindre ses élèves, laissant tranquille Lucie pour qu’elle puisse se préparer.

Lucie s’approcha d’une chaise qui avait là, déposant son sac aux pieds de celle-ci. Elle porta son poing gauche fermé tout contre son cœur qui semblait palpiter un peu trop vite à son goût. Elle retira un premier et unique vêtement qu’elle avait réellement, sa robe, la déposant sur le dossier de la chaise. Désormais en sous-vêtements, après s’être mise nu pieds, elle s’était arrêtée comme cela. Elle ne bougeait plus. En réalité, elle ne savait pas quoi, ou plutôt, plus quoi faire. Rester ainsi, en sous-vêtements, ou se dénuder entièrement ? Le jeune homme avait bien précisé qu’elle pouvait choisir comme bon elle le semblait. Elle se reprit bien rapidement, passant ses mains dans son dos pour défaire les accroches de son soutien-gorge, le posant sur la chaise. Elle fit doucement tomber sa culotte le long de ses jambes, jouant l’équilibriste pour la retirer, et également la poser, histoire d’accompagner les autres bouts de tissu.

Voilà, elle était enfin nue, de la tête aux pieds. Juste avant hésitante, elle s’était dit que si elle avait postulée pour ce cours, en étant modèle humain, elle savait pertinemment, ou presque du moins, qu’il allait s’agir d’un modèle nu. Une serviette de bain avait été mise à disposition dans cette pièce improvisée pour ne pas que le modèle prenne froid en allant sur la table de modélisme. Lucie enroula son corps nu à l’aide de la serviette, et sortit enfin de derrière ce mur de tissu. Les élèves la regardèrent, impatients. Elle savait à peu près où elle devait s’installer. Sur la table au centre de tous ses personnes. Elle avança doucement, et s’installa sur la table, où une couette chauffante avait été installée pour l’occasion. Oui, il ne fallait pas laisser le modèle mourir de froid non plus. Assise, elle déroula la serviette, révélant son corps à tous, sans néanmoins avoir le visage rouge et un sourire un peu gênée. Juste une question la tracassait.

- Je…Dois-je prendre une position particulière ?

Elle laissa tomber au sol cette serviette, dernière barrière de tissu qui lui restait, allongeant son corps légèrement sur cette table.