La voix d'Erwan agissait, non pas comme un somnifère, mais plutôt comme... Une berceuse ou un truc du genre. Les souvenirs pénibles, étouffés par l'alcool, ne semblait pas resurgir de nouveau alors qu'elle l'écoutait attentivement. Un sourire éclaira son visage. C'était... Touchant ce qu'il disait. Serrant toujours sa main, de retour dans l'auberge ou presque, elle chercha dans les plis de sa toge la petite bourse en cuir contenant ses pièces d'or. Romaines, peut-être, mais de l'or reste de l'or pour un marchand. Elle deserra me cordon avec deux doigts et piocha une pièce brillant à la lueur des lampes à huiles de l'auberge. Elle la fit rouler sur ses doigts, avant de la poser au centre de la table pour la pousser doucement vers le jeune homme.
- Alors peut-être vaut-il mieux que je rembourse celle que je viens de vous... Piquer...
Elle garda toutefois sa main dans celle du garçon, avalant une nouvelle gorgée. Ses joues, déjà rosées, la chauffait un peu. Et la chaleur se répandit à nouveau dans son corps, comme une traînée de feu. Un feu purificateur peut-être, car son esprit s'éclaircit et nul sombre souvenir ne vint le troubler.
- Non... Pas vraiment... Enfin... Si, peut-être... C'est très... Récent. Sans doute temporaire. Je n'en sais rien encore...
Mais ce qu'elle savait en tout cas, c'est que même si elle ne restait pas sur Nexus, elle ne pourrais jamais retourner d'où elle venait. Tout était détruit, brûlé. Tout était fini. Un pan de sa vie venait de partir en fumée, tout comme la villa, le ludus et tous les gladiateurs de son père. Une larme perla, glissant doucement sur sa peau d'albatre, et s'écrasa légèrement sur le bois de la table. Mais ce fut la seule. La seule qu'elle s'autorisa. Elle n'était pas fragile. Elle ne voulait pas l'être. Plus l'être. Ces derniers temps, elle n'avait été que l'ombre d'elle-même. Il était temps qu'elle se reprenne.
Le sourire d'Erwan la réconforta par ailleurs. Lui donna la force de chasser une nouvelle fois ce dont elle ne voulait pas se souvenir tout de suite. C'était trop frais pour qu'elle n'éclate pas en sanglots. Sa main libre se leva, alors qu'elle se redressait légèrement, et vint glisser sur la joue du jeune homme, légèrement, comme pour être certaine qu'il n'était pas un rêve, un fantasme. Mais le toucher qu'elle avait, sa peau tiède sous la pulpe de ses doigts, c'était à coup sûr réel. Elle lui rendit son sourire, avant de boire à nouveau. Elle lécha sa lèvre inférieur où restait une goutte d'alcool, et déposa la bouteille à présent vide devant elle. Entre eux.
- Vous... Ne semblez pas venir d'ici... Mais vous y êtes à l'aise... Vous y venez souvent ?