Extrait 2
Le Seigneur des lieux avait certes fêté avec ces vaillants amis le retour dans son domaine, mais il avait aussi pleuré la perte de trois des frères, dont seul un camarade nain affligé de remords et de douleur avait survécu.
Malgré toutes leurs disputes de gamins d’autrefois, la vie sans ses trois compagnons semblait bien ennuyeuse à Jaress, qui avait offert à la sépulture de chacun de ses camarades une douche de bière, réalisant ainsi la promesse de Marcuss, alors qu’ils combattaient sur le champ de bataille. Ivre, il donna un coup de pied sur la pierre tombale de son ami, les larmes aux yeux, tout orgueil loin de son cœur en ce moment de tristesse et de solitude.
-C’était toi qui était supposé payer cette bière… geignit l’abandonné.
Kamui ne put le laisser seul, de crainte qu’il ne s’ôte la vie pour aller rejoindre ces braves hommes dans la mort. Il s’assit avec le Nain et lui tendit une chope de bière. L’homme de petite taille ne se fit pas prier, et il but à la santé des êtres vivants et morts de Meisa, avant d’avaler goulûment sa chope en compagnie du plus grand seigneur qu’il eut la chance de servir. Ces deux hommes éprouvés par la vie chantèrent ensemble, burent ensemble et pleurèrent ensemble tous leurs malheurs, chassant enfin les effets douloureux de la guerre avec un mélange de joie et de tristesse. La guerre n’était pas quelque chose qui devrait être. Tout ce qu’elle fait, c’est apporter davantage de malheur à tous et chacun.
Abel, le mari de l’elfe Ivana. Sa mort avait été très dure pour tous, car homme très apprécié aux champs et dans les fêtes, mais la plus atteinte fut sans aucun doute la pauvre Ivana, qui aurait voulu s’enlever la vie, mais finalement, à force d’insistance de la part de Kamui, s’était retrouvée sous la garde du Maître, pleine de souffrance, mais aussi investie de la responsabilité d’un enfant de son mari, enfant qu’elle n’avait pu lui déclarer, qui grandissait en elle, et qui dépendait encore d’elle pour transmettre aux générations futures la grandeur d’âme d’Abel le Bon.
La vie avait lentement reprit son cours, là où elle l’avait laissé, avec un entrain renouvelé, mais Kamui de Meisa était encore jeune, et le désir de retourner à son poste de gérant des terres ne l’intéressait pas autant qu’autrefois.
Meisa n’était pas le but réel de Kamui, et il le savait. En fait, il n’avait absolument aucun intérêt pour ce territoire. S’il l’avait récupéré, c’était seulement et uniquement pour ses fils et ses filles, nés de son union avec Fiela, Taya et Selene, les femmes qui ont capturé son cœur au fur des siècles, ces femmes qu’il avait aimé à un point où toute moralité n’était rien comparé aux sentiments si puissants qu’il éprouvait pour ces demoiselles merveilleuses qui, malgré les moments de tristesse, lui ont accordé de tendres moments de pur bonheur, ces moments qu’il n’échangerait pour rien au monde.