En cette fin de matinée là à Seikusu, une pluie légère venait embrumer le ciel, plongeant sur le paysage un fin brouillard. De fines gouttelettes frappaient contre les vitres de la salle de classe, laissant résonner de fins tintements en semblant presque sourds, avant de se laisser glisser le long de la paroi vitrée en perles cristallines au tracé aqueux.
Assis au fin fond de la colonne centrale, à cette place stratégique car schématiquement la plus éloignée du champ de vision du professeur, Oliver se laissait se perdre dans ses songes. Le regard porté sur la vitre de l'autre côté de la colonne latérale, il s'intéressait plus aux fleurs de ce cerisier blanc qui, fébriles, résistaient un temps aux volutes de vent sauvage avant de se résigner pour mieux se laisser porter et entamer l'élaboration de toute une chorégraphie avant de rejoindre enfin le sol de béton, à quelques mètres de distance.
Lorsque le professeur modifia l'intitulé de leur exercice pour passer d'un travail oral à une oeuvre écrite, le jeune homme remarqua bien du coin de l'oeil le mouvement de foule, tout ce chahut mouvementé pour sortir un livre et un stylo, mais il n'en teint aucunement compte. Préférant demeurer ancré au plus profond de ses logorrhées réflectives, il ne bougea d'une once, maintenant sa tête penchée sur le côté, trouvant appui sur son poing dressé, coude sur la table, tandis que son autre main demeurait accrochée à la poche de son pantalon, les jambes étendues sous la table, légèrement de travers. Il ne cherchait pas à être insolent, bien au contraire, d'être insolent serait revenu à chercher à porter l'attention sur lui, ce qu'il tentait tant bien que mal au contraire d'éviter.
Et puis, il sentit sur sa nuque un regard insistant. Il releva alors le sien en direction de ce regard pour le plonger sans ne s'en rendre réellement compte au plus profond de celui de la jeune femme aux cheveux châtains. Il aurait pu en être gêné mais il n'avait jamais été réellement impressionné par ses supérieurs. Ce n'était en aucun cas un manque de respect, bien au contraire, c'était même faire preuve d'un profond respect que de les admirer pour leurs qualités véritables et non pas pour leur simple statut de professeur. Aussi avait-il appris à faire preuve de déférence et de politesse lorsqu'il avait à converser avec eux, tout en restant parfaitement à son aise dans la situation. La jeune femme semblait tenter de le décrypter de son seul regard, comme voulant comprendre ce qui se tramait à l'intérieur de son crâne. Oliver n'en prit compte en rien, retournant machinalement son regard à la fenêtre. De toute façon, au sein de son cerveau, il n'y avait rien de bien intéressant. Rien de spécial, rien que du profondément banal.
Son regard était déjà reparti se perdre au plus profond de ses songes lorsque la sonnerie retentit. Sans trop ne réfléchir au mécanisme de son acte, Oliver se leva. C'était un automatisme pour le moins adopté désormais. Il venait en cours, il s'asseyait, il attendait et, lorsque la sonnerie retentissait, il sortait. Mais le garçon n'eut pas le temps de faire plus de quelques pas que déjà le professeur l'interpellait, le sommant de rester afin d'avoir une conversation. Le jeune homme poursuivit tout de même son mouvement d'écart vis à vis de sa table, modifiant seulement sa trajectoire afin de se diriger en direction de la femme mais, voyant qu'elle venait déjà à sa rencontre, il s'arrêta à hauteur d'une table sur laquelle il s'assied, jambes tendues au sol, prenant finalement plus appuie sur la planche de la table qu'autre chose.
Et puis, une fois la jeune femme arrivée à sa hauteur, il releva le regard pour le plonger droit dans le sien, l'interrogeant sans un mot afin de comprendre la raison de cette entrevue.