Fin de journée [ Pv CDC ]

Je la regardai se précipiter vers moi alors que je sentis le feu me consumer l'estomac. Joli choix de flacon, la douleur était assez intense et le feu difficile à contenir. Avant que je ne puisse le recracher, je la vis enduire sa main d'un autre philtre, dégager les vêtements de mon ventre et me la poser dessus. La douleur diminua immédiatement même si le feu n'était toujours pas éteint et continuait de me ravager de l'intérieur. Enfin, c'était un peu atténué, mais j'allais faire croire à la jeune femme qu'il n'y avait plus rien pour la surprendre plus tard.

Apparemment, je l'avais amusée par mon petit numéro. Bien, au moins elle ne me prenait pas pour un frapadingue à coller à l'asile comme plusieurs mortels dans le temps. Je fus par contre stupéfait par ses paroles. Elle allumait son feu avec un philtre ? C'était bien plus facile et bien moins couteux en temps et en composants de le faire à la main, mais bon, je n'allais pas commencer à critiquer son mode de vie. Je vis le sourire sur son visage et le rire dans ses yeux et mon visage arbora une expression chaleureuse pour la première fois de la journée. Un léger sourire étira mes lèvres. En effet, j'étais imprévisible, et c'était tant mieux ainsi.

Wicked ! Ça c'était du philtre ! Un petit arrière gout de pommes par contre.

J'allais dire quelque lorsque je me rendis compte que le feu commençait à faire un peu trop de dégâts pour mon bonheur. Je mis ma main devant ma bouche et fermai les yeux avant d'éternuer. Enfin, faire semblant. Les flammes jaillirent de mon nez et de ma bouche et enveloppèrent ma main. Le contrôle que j'avais en tant que dieu fit que les flammes se rejoignirent rapidement en une petite boule de flammes lévitant à quelques centimètres de ma main et je regardai mon hôte avec un sourire.

Tu as du potentiel Young-ling, ces flammes sont impressionnantes.

Puis je souris avant de jouer distraitement avec la boule de feu dans ma main.

Mais oui, comme tu l'as remarqué je suis imprévisible... surtout quand je m'ennuie... et malheureusement, ça arrive souvent... l'inconvénient de l'immortalité.

La jeune femme porta sa main à sa bouche, étouffant un rire.

-   Dire que la plupart des gens veulent être immortels …

Elle retira sa main, toujours souriante, et eut un rougissement en entendant le compliment qu’il venait de lui faire. C’était plaisant à entendre, ce genre de choses. Que l’on dise qu’elle soit compétente, entre autres, lui réchauffait le cœur. Elle se savait douée pour les philtres, mais pas au point qu’un dieu lui-même lui fasse ce genre de remarques. Soit … elle se gratta la nuque, un peu mal à l’aise du silence qui tombait, et le regarda ensuite, à nouveau.

-   Je n’aime pas l’idée que vous puissiez vous ennuyer ici, ajouta t’elle d’un ton franc. Pas chez moi, non, chez moi on ne s’ennuie pas !

Elle avait dit cette dernière phrase en levant l’index, d’un air faussement outré. Elle eut un nouveau sourire, décidément plus à l’aise qu’elle ne l’était au début de sa soirée. Dehors, la nuit était bien tombée, seul son jardin illuminait, à cause des philtres qu’elle avait versés sur les plantes, dont les fleurs brillaient comme une infinité de lucioles.
C’était beau. Elle admira un instant ce paysage enchanteur, puis se retourna vers son invité.

-   Bienvenue dans la demeure d’une jeune magicienne, dit-elle en souriant. Ce n’est pas le grand luxe, mais je m’en sors. C’est sûrement pour cela que je ne veux pas retourner aux Enfers, sans doute. Pour continuer d’exploiter mon « potentiel ».

Autant plaider en sa faveur et en rajouter une couche pour convaincre le dieu qu’il ne fallait pas la ramener là où il vivait.

Je vis la jeune femme être amusée par mon dernier commentaire. En effet, les gens avaient peur de la mort et cherchaient la vie éternelle, une fuite constante. Mais une fois celle ci atteinte, on se rend compte après plusieurs millénaires que la vie n'a plus grand chose de nouveau à offrir. Oui, je savais qu'au fond de moi j'avais envie d'en finir, mais pas comme ces pauvres âmes aux Enfers, j'aspirais au néant, au repos éternel.

Et les immortels veulent mourir... pas se suicider bien sûr mais... Passons.

Je la fixai, les yeux dans les yeux et compris qu'elle était flattée et assez contente, malgré le début de soirée. C'était bien, je n'aimais pas avoir un "contact" qui me craignait. La loyauté par le respect est plus efficace que celui par la peur. Et puis sans considérer le côté utile, je n'étais pas fan de la terreur que j'inspirais, déjà à l'époque de la Grèce Antique.

Lorsqu'elle me déclara d'un ton décidé que je n'avait pas à s'ennuyer dans sa maison, un sourire amusé illumina mon visage.

Passer l'ennui d'un dieu ? Voila une ambition intéressante Young-ling, mais crois tu être à la hauteur ?

J'arborais un grand sourire en disant cela, afin qu'elle ne s'offusque pas et ne pense pas que je la rabaisse. Ce n'était qu'une taquinerie pour la pousser à faire de son mieux. Je la suivis lorsqu'elle s'avança vers la fenêtre. Le spectacle était, je devais l'avouer, assez intéressant. Son spectacle attirait les rares passants dans la rue et dans l'obscurité, je me rendis compte que son jardin pouvait très bien passer pour illuminé à la manière humaine, sans pouvoir quel que ce soit.

Joli... la discrétion laisse à désirer mais joli... Je note l'idée pour les Champs Elysées, j'espère pour toi qu'il n'y avait pas un copyright dessus...

Elle se tourna vers moi et ses paroles me firent sourire. Enfoncer le clou tant que l'on pouvait n'est ce pas ? Heureusement pour elle, lorsque je l'avais marquée j'avais en quelque sorte donné ma promesse, je n'aimais pas trop cette remarque... Enfin, chacun a droit à son lot d'erreurs. Je m'approchai d'elle et lui murmurai :

Évite ça à l'avenir, le choix est fait, ne me force pas à reconsidérer la question...

Puis, je m'éloignai d'elle et me retirai vers l'intérieur de sa maison, m'asseyant sur le dossier du canapé.

C'est joli, mais je m'ennuie toujours Young-ling. Peut être avais-je raison de ne pas te croire à la hauteur...

Le sourire amusé sur mon visage était ce qu'il semblait être. Une autorisation pour me surprendre, une invitation à faire mieux.

La jeune fille avait accrochée les paroles du dieu. Ah, il voulait jouer à ça ? Eh bien il allait voir de quoi était capable la jeune fille. Elle attrapa de la main le veston ôté plus tôt, l’enfila et ouvrit son armoire. Un flot de couleurs un peu criardes agressa les yeux d’Edge, mais elle s’y fit petit à petit. Elle attrapa de la main un, deux, cinq, huit, neuf bocaux, et vida la moitié d’un sur le sol. Aussitôt, les autres flottèrent dans l’air. C’était ingénieux, et très pratique. Elle s’avança ensuite vers le salon, suivit d’une ribambelle de flacons en tout genre, qui se rangeait sagement derrière elle en rang d’oignons.
Elle fit une petite révérence au dieu, et attrapa le premier flacon. En l’ouvrant, une petite poudre s’envola et se posa sur la table basse, faisant apparaître deux verres sculptés avec précision. Elle jeta une poignée du contenu du second flacon, et ils se remplirent d’un liquide étrange, qui changeait de couleurs. Elle eut un petit rire.

-   Certes, toutes ces fantaisies amusent la galerie, avoua t’elle, mais ce sont de vrais petits plaisirs.

Elle attrapa un verre et le tendit au dieu, avec toujours un sourire, avant de prendre le sien et de s’asseoir sur le canapé, à ses côtés. Elle posa au creux de sa main le liquide contenu dans la troisième fiole, et dessina une ligne sur le mur. Immédiatement, la pièce s’éclaira d’une lumière douce et un peu tamisée, qui semblait presque naturelle, comme si les murs étaient des minerais étincelants.

-   Voilà à quoi sert aussi ma science. A créer un autre monde, et ce au milieu d’une réalité parfois déplaisante …

Le quatrième pot ? Elle trempa son doigt dedans, et posa ce doigt sur un caillou qui se reposait allégrement sur la table basse. Instantanément, un chant émergea de ce caillou, fin et délicat, presque en sourdine. Elle leva son verre vers celui du dieu, tandis que les autres flacons flottaient toujours derrière elle .

- A votre santé … 

Je la regardai s'agiter et prendre plusieurs flacons dans son armoire avant de faire un curieux manège avec eux, lévitation, conjuration de verres, remplissage des-dits verres, d'ailleurs le liquide qu'elle allait m'offrir à boire en lui même semblait intéressant, avant de m'offrir le verre et de faire deux ou trois touches de décoration d'intérieur et d'ambiance. Sérieusement, c'était impressionnant ce que l'on pouvait faire avec des potions. Enfin, à chaque mage son médium. Certains c'étaient les sceptres, d'autres les baguettes magiques, et elle ses philtres.

Tout compte fait je vais peut être reconsidérer l'offre que je t'ai fait...

Je patientai quelques secondes, histoire de l'effrayer un peu avec mon air sérieux, avant qu'un grand sourire ne lui fasse comprendre que ce n'était qu'une blague.

Après tout, j'ai bien besoin de quelqu'un pour mettre l'ambiance dans mon palais, c'est un peu terne ces temps ci...

Avant de pouvoir avoir une quelconque réaction de sa part, je trinquai avec son verre tendu et goutai le curieux breuvage. C'était spécial, inédit, différent de tout ce à quoi je m'attendais. Bon, maintenant il me fallait lancer une conversation convenable... Autant commencer par les bases... Quoi qu'en fait que connaissais les bases... Aux Enfers, je jugeais les âmes entrantes en parcourant leur mémoire, et donc je connaissais celle de mon hôte. En gros, je connaissais autant de sa vie qu'elle... Ennuyeux pour lancer une conversation.

C'est excellent, c'est quoi ?

Ok, c'était pas très original, mais heh, on pouvais pas tout avoir...

-   C'est à dire que … Je l’ignore.

Elle eut un immense sourire, un peu gêné et très forcé. Elle était incapable de dire ce que c’était, elle avait trouvée la recette mais pas de nom ! Tant pis, tant que c’était bon, elle n’allait pas chipoter.
Mais elle du avouer qu’elle avait eu un pincement au cœur, une nouvelle crainte quand il lui avait fait cette fichue blague. Pour enfin se rendre compte, soulagée, qu’il plaisantait. Elle en faisait parfois trop, et elle qui semblait si calme possédait dans son armoire de quoi refaire le monde. Enfin, sans être trop gourmand, évidemment. Pour finir, elle prit une des fioles – la plus exquise, il fallait l’avouer, en verre soufflé et aux multiples arabesques qui rappelaient celles de son tatouage – et la montra au dieu.

-   C’est celle là qui m’a permise de m’enfuir de votre royaume, confia t’elle d’une voix sérieuse.

Délicatement, elle l’attrapa entre ses doigts fins et la fit voler devant le dieu.

-   Elle permet de vous rendre où vous le souhaitez. Et ce malgré certaines barrières qui semblent infranchissables.

La fiole remuait, comme si elle était vivante, dans les airs. Il en restait la moitié, et elle était, il fallait l’avouer, d’une puissance rare. Par chance, elle n’avait pas faillie mourir en l’utilisant puisque c’était déjà le cas.

Ça c'était la meilleure ! Elle m'avait donné un liquide qui avait bon gout mais dont elle n'avait aucune idée de ce que c'était. Ça pouvait être un philtre d'amour que ça ne m'étonnerait qu'à moitié, avec toutes les recettes étranges que l'on pouvait trouver dans des grimoires. J'hésitai quelques instant à lui faire part de mon étonnement face à cette négligence, puis me décidai à le faire, moins violemment.

Hum... tu donnes à un invité un liquide dont tu n'as aucune idée de ce que c'est ? J'espère au moins qu'il n'a pas un effet secondaire inattendu... Non que cela me dérange, au moins ça ferait un divertissement de plus...

Je bus tranquillement puis haussai un sourcil lorsqu'elle alla chercher une fiole et me la montra, une magnifique fiole sublimement sculptée. Le moyen qu'elle avait utilisé pour quitter mon royaume ? Voila qui était intéressant. Son explication me laissa sans voix. Elle sous estimait sa réussite lors de cette tâche apparemment. Il était temps de la détromper.

Tu te sous estimes, et tu ne comprends pas la nature des Enfers... Cette potion a fait bien plus que de te transporter d'un endroit à un autre. Tu vois, les Enfers sont situés dans un repli de cette dimension, seulement accessible sous un état incorporel que les humains appellent âme. Pour revenir sur Terre, il faut recréer un corps, et que l'âme l'investisse. En gros, ta potion est une potion de transfert intra et inter dimensionnelle avec ajustement du niveau d'existence de l'utilisateur en fonction de la destination d'arrivée. Splendide... J'en reste sans voix. Pour faire une comparaison, tu viens de réinventer mon moyen de transport...

J'étais honnête, cette humaine m'avait complètement laissé sans voix, enfin façon de parler... C'était impressionnant. J'attrapai la fiole et prenant sa main, je la mis dedans et lui fis refermer ses doigts autour, avant de la regarder droit dans les yeux et de dire.

Garde toujours ça avec toi. Au moindre danger, détruit là, au pire je te fournirai les ingrédients qui te manquent... Ah, et au fait, tu peux me tutoyer, ça me fait me sentir vieux d'être vouvoyé ainsi.

J'étais vieux, mais ça, je ne l'admettrais jamais, même sous la torture... La jeunesse est un état d'esprit.

Surprenant. Il n’y avait pas d’autres mots, cet homme était surprenant. Un dieu qui prenait ainsi ses aises, qui parlait d’une manière presque désinvolte. Elle récupéra la fiole, et lui ordonna d’aller se ranger dans l’armoire d’un claquement de doigts. Elle la rangeait avec les autres, histoire de tromper quiconque voudrait s’en emparer, faisant croire qu’elle n’était pas plus puissante que les autres. Ce qui était un mensonge éhonté, évidemment. Edge avait eut un frisson en sentant qu’il lui touchait la main, et constata qu’il avait une peau humaine, après tout. Une découverte, pour elle.
Elle sourit à nouveau.

-   Dans ce cas, tu es si jeune que ça ? le taquina t’elle.

Ah, les dieux n’avaient pas d’âge, du moins c’était ce qu’ils déclaraient presque tous. Pas d’âge, pas de compte à rendre avec le temps. C’était un statut parfait, il fallait l’avouer. Mais un immortel n’avait pas d’âge concret, et cela était presque prouvé. Hades devait bien avoir ... 1000 ans ? Non, plus, 10 000 ans ? Et pourtant, il gardait ce physique agréable du dieu jeune mais mature.
«  Non mais ça va pas de parler ainsi d’un dieu ? lui hurla sa conscience ».
«  J’ai rien dit de méchant, lui répliqua t’elle intérieurement. »
«  Physique agréable, hein ? »
«  Et alors ! »
Elle envoya paître sa conscience, pour se re-concentrer sur son invité de marque.

-   Vous me gênez, je ne suis pas si fabuleuse que ça, dit-elle. Je n’ai pas su me préserver de ce qui m’a tué autrefois !

Le feu. Elle eut un frisson en y repensant. Elle détestait mourir.

- Si je revenais à mourir, tu me permettrais de revenir sur terre, lui demanda t’elle d’un ton faussement innocent, en le regardant d’un air presque implorant.

Heh, elle comptait jouer avec moi, me taquiner sur mon âge. A moi de lui rendre la pareille. J'étais un dieu donc j'avais un large spectre de métamorphoses personnelles à ma portée. Mes cheveux s'allongèrent alors que ma peau pris une couleur plus humaine. Mes traits et mes formes devinrent plus féminins et d'une voix douce et mélodieuse... et définitivement féminine, je lançai, amusé.

Tu as beau être une femme, c'est malpoli de demander à une dame son âge !

Puis je repris mon apparence normale et lui fis un grand sourire. Elle ne m'aurait pas à ce jeu, ça non. Mes yeux semblèrent percer les siens et je sentis qu'elle était troublée par une raison. Lorsqu'elle reprit la parole, je compris. Elle avait mal prit sa mort... En même temps qui pouvait bien prendre un tel évènement. Mourir asphyxié et brulé vif n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler une mort paisible. Il faudra que je travaille sur ce point. Le plus tôt possible. Je soupirai lors de sa question. Elle était vraiment traumatisée, il fallait agir le plus vite possible pour la débarrasser de ce point faible.

Je ne te permettrai pas de revenir sur Terre... Par contre, je ne te surveillerai pas. Après tout, pourquoi surveiller des âmes qui ne peuvent pas quitter les Enfers hmmm ?

Je lui souris chaleureusement et espérai qu'elle avait compris le message. A chaque fois qu'elle mourrait, je lui laisserais refaire son élixir sans la contraindre d'aucune manière... Sauf si elle me trahissait, mais je supposais qu'elle n'était pas folle à ce point.

Par contre on doit travailler un point qui me tracasse.

Je disparus et l'instant d'après j'étais derrière elle, les deux mains sur les côtés de sa tête.

Fais face à tes peurs, fais face à la mort. Je ne tolèrerai pas que tu perdes tes moyens à cause d'un simple traumatisme.

La pièce était intacte, mais pas pour elle. Elle ne pouvait pas bouger, et immobilisée elle voyait les flammes lécher les murs de sa maison et les meubles. Une simple illusion, un simple tour de passe passe. Elle allait avoir peur, elle allait se débattre, vouloir fuir peut être. Elle ne pourrait pas, et verrait les flammes venir jusqu'à ses pieds pour la consumer, l'air se raréfier et la fumée l'étouffer, mais sans qu'aucun dommage ne soit fait à son corps. J'allais combattre la peur par la peur, et lui faire comprendre que même si elle devait mourir, ce ne serait que partie remise. Lorsqu'on tient l'immortalité entre les mains, il faut cesser d'avoir peur de la mort et vivre.

Son petit tour de magie avait amusée Edge.
Mais le deuxième tour qu’il présenta l’amusa beaucoup moins. Le voir ainsi disparaître et réapparaître la fit sursauter, et quand il posa ses mains sur les côtés de sa tête, elle se douta qu’elle n’allait pas aimer cela. La dernière personne lui ayant fait ça était sa mère, qui la berçait d’illusions afin qu’elle s’endorme en paix, en ayant l’impression de voir des planètes flotter devant elle. Et venant du dieu des Enfers, ça n’allait pas être une partie de plaisir. Elle voulut attraper ces mains et lui ordonner de la lâcher, mais trop tard. Elle voulue, aussitôt, remuer, courir, en apercevant le feu revenir vers elle.
Elle savait que c’était une illusion, mais en vint à en douter finalement. Le dieu voulait-il la tuer ? Elle sentit son cœur battre violemment, au point de rebondir partout en elle, et son souffle s’accélérer.  Les flammes s’approchaient, et l’air se faisait très rare. Elle voulut hurler, mais aucun son ne parvint à sortir de sa bouche. Elle sentit son esprit s’agiter.

-   Non, non … Cessez …. balbutia t’elle.

Elle sentait la chaleur du feu contre elle, la fumée qui lui piquait les yeux, l’air toxique qui entrait dans ses poumons. Et même, des larmes sortirent de ses yeux pour venir rouler sur ses joues rougies. Il fallait qu’elle … attrape ses philtres. Non, c’était impossible. Elle ferma les yeux brusquement, essayant d’imaginer qu’elles n’étaient pas là, qu’elles étaient loin d’elle, qu’elles allaient disparaître, mais son rythme cardiaque dépassait l’entendement et allait à son rythme effréné.

Elle faisait une crise de panique. Normal la première fois... Je fermai les yeux et, toujours derrière elle, l'entourai de mes bras pour la calmer alors que je faisais disparaitre l'illusion. Je ne voulais pas lui faire de mal, mais c'était nécessaire pour qu'elle puisse apprendre à surmonter sa peur. Il valait mieux pour elle faire face à une illusion et être paralysée qu'à la réalité dans cette même occasion. Je collai la jeune femme contre moi et lui murmurai doucement à l'oreille.

Chhhh, ce n'est qu'une illusion, calme toi. Oublie ta peur, oublie que ces flammes peuvent te blesser. Tu es théoriquement immortelle maintenant, la mort ne dois pas t'effrayer.

Je la serrai contre moi et essuyai ses larmes d'une main.

Désolé mais je vais recommencer jusqu'à ce que tu résistes à la peur. Même si tu peux sortir de mon domaine, ce n'est jamais une expérience agréable... Être paralysée devant un danger n'est vraiment pas la meilleure façon d'agir. Maintenant tu risques de me détester, de me haïr, mais lorsque tu feras face au flammes la prochaine fois, tu me remercieras.

Mes mains se posèrent une fois de plus sur le côté de sa tête et je recommençai, je recommençai, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle résiste.

Quand l’illusion s’arrêta, elle laissa un long soupir s’échapper de sa bouche. Elle sentit ses bras qui l’enserrait, et se sentit soudainement mieux. Elle laissa son cœur se reposer, et reprendre son rythme normal, et savoura l’instant de calme, répondant par un sourire à cette main qui essuyait ses larmes. Mais quand il lui annonça qu’il comptait bien recommencer, elle voulut objecter et le supplia du regard. Cependant, il ne comptait pas en rester là. Alors qu’il reposait ses mains sur la tête, elle se crispa en voyant les flammes revenir, d’abord timides, puis violentes.
Il du recommencer quatre fois pour qu’elle comprenne la leçon. Au fur et à mesure, elle craignait moins ces flammes qui se rapprochaient, cet air qui devenait lourd, cette tempête autour d’elle. Au fur et à mesure, elle acceptait son sort, sachant très bien comment faire pour ressusciter ensuite. Lors de la quatriéme tentative, elle se contenta de contempler les flammes, presque inerte, imaginant tout un orchestre qui menait ces flammes. Une mélodie se dessinait dans sa tête, donnant une musique à l’instrument de sa mort.

L’illusion disparut aussitôt. Elle resta immobile, comme clouée sur ce canapé, se frotta les yeux vivement.

-   Tu es … dément. C’est de la folie … murmura t’elle avec un sourire, tandis qu’elle vérifiait si son cœur tenait toujours la route.

Elle se retourna vers le dieu.

Quatre fois, c'était à la fois beaucoup et assez peu. Heureusement le traumatisme n'était pas trop ancré en elle. Ça me faisait plaisir de la voir progresser ainsi, prendre les armes face à sa peur. Bien sûr là elle restait calme face aux flammes en attendant la mort, mais c'était cet état qui était le plus préférable pour sa survie. Réfléchir calmement face au danger, ne jamais paniquer, voila la clé de la survie. Dément ? Sans doute.

Tu sais, je me suis toujours dit que la santé mentale est une qualité dont on surestime la valeur...

Elle se retourna vers moi et je ne pus m'empêcher de plonger mon regard dans le sien. Elle avait fait preuve de nombre de qualités que j'admirais chez les femmes, et cela ne la rendait que plus attractive à mes yeux. Je ne voulais pas la brusquer ou la blesser, mais mon côté divin m'ordonnait de prendre l'initiative, de faire mienne cette mortelle que je désirais. C'était le même genre d'instinct qui m'avait fait enlever Perséphone.  Mon ichor qui brûlait dans mes veines, embrumant mes pensées. Cette mortelle avait attiré mon attention, et une part de moi me hurlait de la prendre.

Cependant, je n'était pas une brute, et s'il y avait bien quelque chose que les années m'avaient fait comprendre, c'était bien la patience et la maîtrise de mes pulsions. Elle m'attirait donc j'allais lui offrir un choix. Si elle disait non, je me savais capable de me contenir.

Je me penchai vers elle et lui murmurai doucement à l'oreille.

Pardonne moi.

Puis avant qu'elle ne puisse comprendre, mes lèvres se collèrent aux siennes pour un court baiser. A elle de faire le choix. Continuer ou ne pas continuer.

Edge eut en sourire en entendant sa remarque sur la santé mentale. Ah, là, il fallait bien avouer qu’il avait bien raison. La santé mentale d’une personne n’était pas – selon elle – un des plus grands critères. Elle préférait même la folie à la raison, parfois. Et l’acte suivant du dieu fut nommé aussitôt de folie par la jeune femme. Non, pas cette folie qui mérite qu’on l’abatte, mais plutôt cette folie qui vous invite à danser, et devant laquelle on est bien obligée d’accepter. Parce qu’elle nous plaît tout simplement, et que la quitter nous est impossible. Une folie qui vous entraîne dans sa spirale, terrassant la folie sans aucune pitié.
Aussi, quand le dieu l’embrassa, avec une sorte de légèreté désinvolte, elle n’eut pas d’autre réflexe que de poser sa main droite sur la nuque pour se rattacher à lui et l’empêcher de partir, lui rendant un baiser plus long, certes, mais tout aussi doux. Elle se recula ensuite, lentement, non sans détacher son regard de celui du dieu.

-   Tu as sans doute raison … C’est sans aucun doute la folie, la meilleure de toute, ajouta t’elle d’un ton calme et tendre.

Elle se releva, se mettant à genoux sur canapé pour être à sa hauteur, et fit glisser sa main le long de sa nuque, noyant ses doigts dans ses cheveux, pour l’embrasser à nouveau, mais sans le brusquer. Elle était d'une personnalité parfois un peu trop passionnée, mais était bien décidément à user de tendresse pour cette fois-là. Elle n'aimait pas qu'on la prenne pour une furie.

Elle avait choisi la folie, pour mon plus grand bonheur. Ses lèvres avaient le gout de la boisson que nous venions de boire, mais un autre goût que je ne reconnaissais pas, bien plus enivrant. Je sentis le contact de ses doigts chauds contre ma nuque et frissonnai un peu. Mes mains glissèrent sur ses épaules au moment où elle détacha ses lèvres des miennes. Je souris à son commentaire et ajoutai, juste avant qu'elle ne recommence.

Tout est folie dans ce bas monde, certaines sont juste plus agréables que d'autres...

Elle se mit à ma hauteur et glissa sa main dans mes cheveux, me procurant d'exquises sensations, avant de m'embrasser de nouveau tendrement. Je sentais son souffle sur ma peau et fermai les yeux, profitant de l'instant. C'était une des rares choses dont je ne me passais jamais, les femmes. Mes mains glissèrent lentement le long de ses épaules, une allant se glisser sur sa nuque et l'autre dans le creux de son dos. Le baiser continua quelques secondes avant que je ne le brise. Mes yeux plongèrent dans les siens quelques instants, puis mes lèvres allèrent trouver le creux de son cou, avant de remonter lentement sur le côté de sa tête, picorant la peau de baiser avant de prendre entre mes lèvres le lobe de son oreille et de le mordiller.

Quelques secondes après, mes lèvres se collèrent à nouveau aux siennes, dans un geste délicat, et ma langue se darda, osant demander l'entrée dans sa bouche.