Mais ce qu'est-ce que c'est que ça?
Décidément, elle n'a pas finit de le surprendre... Compte tenu son passé, il l'aurait cru moins douée en mensonge. Heureusement pour lui, même si elle peut l'écraser contre le mur et lui briser la nuque si l'envie lui prend, le mensonge est un terrain ou elle ne le battra pas. Le fait qu'il soit encore en vie après 5 ans de carrière en est la preuve... Ce n'est pas la réaction qu'il espérait. Il aurait voulu qu'elle ait le cran de lui sauter à la gorge et de lui dire ses quatre vérité. Manifestement, une part d'elle même l'a deviné, et elle a évité le piège. Maintenant, il ne lui reste plus qu'à improviser.
Il fait tomber son masque d'amabilité. Finit la politesse, finit les minauderies. Regard froid, vide de tout sentiment. Visage dur et impassible d'un professionnel, et voix claire, précise comme le tranchant d'un couteau.
-Arrêtez cette comédie, Marine. Tout de suite.
Il la contemple, le corps parfaitement immobile depuis l'autre coin de l'ascenseur.
-Je connais votre passé, je sais qui vous êtes. Je sais parfaitement que personne, jamais, ne vous a invité à dîner. Que vous êtes seule, complètement seule. Déconnectée de tout et tout le monde... Qu'est-ce que vous croyez? Que je ne vous comprends pas?
Sa voix est glaciale, maitrisée. Il ne fait qu'exposer des faits. Des faits déplaisants.
-Et bien dans ce cas j'ai un aveu à vous faire, pour que nous soyons à égalité : Moi non plus, je ne suis jamais allé à un dîner galant. Moi non plus je n'ai pas eut mon lot de promenades romantiques, de baisés sous les étoiles et dieu sait quoi encore. Moi non plus, là, maintenant, je n'ai pas la moindre idée de ce que je fais.
Il se rapproche d'un pas, son regard vissé dans celui de Marine.
-Si je suis venu ce soir, ce n'est pas pour vous mentir ou vous manipuler. Croyez-moi, je le fais bien assez pendant mon travail. Tout ce que j'espérais, c'était une chance, rien qu'une chance de m'arracher à ma solitude. De donner et de recevoir un peu de chaleur humaine... de m'oublier pour une nuit, passer un peu de temps dans la peau de quelqu'un qui n'est pas... moi. Je voulais juste un dîner. Un simple dîner avec une jolie femme.
Arrivé à moins d'un mètre, il s'arrête et détourne son regard. Sa voix se fait un rien plus lointaine.
-Et croyez-le ou non, je voulais que vous soyez cette jolie femme. Vous et personne d'autre. Je pensais que je vous aimais, d'accord? Que vous étiez... différente. Si je me suis trompé, je vous présente mes excuses. Mais ce que je ne ferai pas, c'est vous laisser jouer avec moi comme vous essayez de le faire. Pas cette fois.
Ses yeux reviennent à Marine. La clouent contre le mur. Il détache chacun de ses mots, implacable.
-Maintenant, le choix est votre. Si comme vous dîtes votre vie est si terrible. Si vous croyez que vous avez connu le fond de la noirceur du monde juste parce que vous avez tué un homme ou deux... Si vous êtes une femme vide au point de ne plus pouvoir briser sa solitude... Je pense que oui, il vaut mieux que vous remontiez. Et c'est une promesse, vous n'entendrez plus jamais parler de moi.
L'orage est passé. Ses traits se détendent, et sa voix s'adoucit. Ses yeux deviennent profonds, rêveurs.
-Ou alors vous pouvez descendre. Partager un repas, discuter, rire. Le temps d'un simple dîner.
A côté d'eux : le clavier de l'ascenseur. Elle n'a qu'à tendre la main pour lui faire connaitre sa réponse. Regard sombre du beau jeune homme, tandis qu'il lève timidement la main pour glisser délicatement une mèche de cheveux derrière l'oreille de Marine. Sourire triste.
-On m'a dit que leurs boulettes de viandes étaient délicieuses.
Il est tout près, maintenant. Assez pour qu'elle sente son souffle, assez pour qu'il puisse l'embrasser. Assez pour qu'elle puisse lui briser la nuque.