[Un peu plus long que prévu

Enjoy!]
J'interrompt le récit de mon interlocuteur en levant la main et, non sans rajouter un peu de d'hypnose dans la manœuvre pour le forcer à s'arrêter séchement, je ne peux m'empêcher de démontrer une forme d'incrédulité ; "Tu essaies de me dire, Hanzo, que vous n'êtez pas foutu de prendre une femme en filature sans être remarqué, alors que j'ai pris les mesures pour m'assurer que vous ne soyiez pas interrompu?"
Je vois qu'il essaie de me répondre, et je brise le contact visuel pour le laisser délier sa langue.
"Peu… peu… peut-être que… qu'on a été repéré parce qu'il n'y avait personne d'autre…"
"… Brave de ta part de rejeter le blâme sur ton patron," dis-je en prenant une autre gorg--- ah, non, il n'y en a plus.
Super.
Et cela va sans dire que je vais devoir prendre une soirée, aller jusqu'aux appartements dans l'ouest de la ville pour me refaire un stock. Je ne peux m'empêcher d'avoir un brin d'envie à l'égard de mes ancêtres du moyen-âge; assurément, les Tremere de l'époque avaient suffisamment de sous-fifres pour faire le travail à leur place. Si mes semblables de l'époque devaient trouver la tâche laborieuse, ils ne pouvaient pas imaginer à quel point il deviendrait difficile de se nourrir dans l'ère moderne; des caméras partout, des policiers semi-compétents et surtout des gens qui sont prêts à tout pour trouver quelque chose d'anormal pour combattre la banalité du quotidient.
Hanzo s'agite nerveusement.
"Non, non, boss, je ne veux pas dire qu…"
"Ça va, ça va," dis-je en levant la main. "Il y a du vrai là-dedans. C'était peut-être une mauvaise idée. Allez, finis ton histoire."
***
"Putain! Elle a tué Ken!"
"Espèce d'enfoi—"
En l'espace d'un instant, devant les yeux effarés de Hanzo, deux hommes étaient déjà tombés. Il ne savait par quelle diablerie elle les avait changé en pierre, et il n'était pas en mesure de confirmer si elle était réellement responsable ou si elle avait un Mage dans ses connaissances qui l'aurait protégé, mais toujours est-il qu'ils la pourchassèrent dans la rue transversale. Il leva son arme pour tirer, mais alors qu'il se concentrait pour lui loger un tranquilisant sur un endroit quelconque de son anatomie, alors qu'il se focalisait sur la jeune femme, il remarqua quelque chose, au moment où Yato s'apprêtait à lui mettre le grappin dessus; ses cheveux se muaient, et une mèche s'envola pour le frapper au cou, laissant derrière quatre petits trous sanglants.
Il avait côtoyé des vampires depuis assez longtemps pour reconnaître un effet surnaturel, et donc il donna l'ordre d'utiliser le sac. Fort heureusement, Okito parvint à faire passer le sac sur la tête de leur victime alors que Hanzo courait pour l'assister, et jeta la femme sur son épaule alors que l'autre s'affairait à garder le sac sur la tête. Il passa à côté des statues, en se demandant comment il allait bien pouvoir expliquer ça au patron, mais décida de laisser quelqu'un d'autre s'en charger. Il en profita, cependant, pour ramasser le sac de la jeune femme et l'embarqua prestement dans la fourgonnette, grimpant dessus pour lui ramener les mains derrière le dos tout en aboyant à Okito de prendre le volant avant que les flics ne rappliquent.
Il parvint tout juste à attacher les mains et à se relever que, dans la foulée, il se prit un coup de pied dans l'abdomen, et le talon aiguille y resta figé. Il rugit, mais se retint de frapper la captive, mais il entendit quand même Okito ricaner. Il arracha le talon aiguille de son ventre, et le jeta à sa droite avant d'agripper les pieds de la jeune femme et les attacher avec des liens de serrage.
***
Je continue de regarder Hanzo avec deux grands yeux rouges écarquillés de surprise.
"Elle t'a empalé avec son talon?"
Il hoche de la tête.
"Un petit bout de femme?"
Il hoche encore.
"Mais c'est qui, cette fille, Jane Wick?"
Aucun commentaire de la part de Hanzo, qui pince simplement les lèvres. Je me dis qu'il n'est peut-être pas un grand amateur de cinéma. On dirait presque mon engendreur; lui non plus n'appréciait pas les subtilités de la culture populaire, et je ne sais pas si c'est un résultat de ma condition, mais c'est également une partie que je perds graduellement moi-même; le cinéma, l'opéra, les concerts de musique, les bars, les musées sans les braquer… comme si être vampire me forçait à consacrer mon temps de façon plus significative.
Je me lève donc de ma chaise, contourne mon bureau, et je marche jusqu'à lui en lui agrippant le bras qui cachait sa blessure. Je l'examine un moment, puis je lâche le plus long des soupirs, avant de lui planter cinq ongles autour de son troisième orifice, et je manipule sa chair pour refermer le trou, non sans également m'assurer que ses organes internes ne sont pas affectés.
"Tu ferais bien de me remercier, Hanzo, je viens de t'économiser près d'un million de yens. Allez, elle est où, cette amazone?"
"Alors… quand on est arrivé, on est passé par le garage, on l'a descendue au sous-sol en évitant de passer par la zone surveillée, puis on l'a enfermée dans le B202."
"Okay, okay. Pas mal, pas une mauvaise idée. Fort bien. Euh… comment dire… tu prends la soirée, hein. Même chose pour Okito. Je m'assurerai qu'un bonus vous soit accordé."
En résumé, je lui demande de me libérer le plancher, que le reste ne le concernait plus. Je sais bien qu'il a des aspirations de monter en grade, mais si perdre quatre hommes sur un enlèvement est le mieux qu'il peut m'offrir, il serait probablement plus prudent de le garder dans sa position, ou de le tuer. Mais je n'ai pas envie de tuer ce soir. Non, ce soir, je veux plus que satisfaire mes pulsions de tueur; je veux satisfaire ma curiosité, d'abord et avant tout.
***
Une heure plus tard, et je descend au sous-sol par l'ascenseur du fond. Dans mon établissement, il y a deux sous-sol; le premier est un garage. Un deuxième, cependant, est dissimulé, n'apparaissant même pas sur les plans de construction, et ne peut être accédé qu'avec la clé qui autorise l'accès à mon étage, et une combinaison de touche que seuls moi-même et ceux qui ont accès à mon domaine clandestin connaissent.
Je passe devant le B201, et j'ouvre la porte qui mène au B202.
Le B202, comme les pièces adjacentes, était globalement une chambre d'hotel. Par un caprice, je me suis toujours dit que mes invités infortunés seraient plus à même de m'offrir plus volontairement leurs oreilles s'ils n'étaient pas simplement jetés dans une pièce vide avec une lumière agressante et comme seul siège une chaise en plastique.
Cypress avait été placée sur un fauteuil, les bras liés aux appuis-bras et les jambes aux pattes de la chaise. Je referme la porte derrière moi, en laissant le mécanisme de verrouillage faire son effet; trois loquets d'acier frappent lourdement dans leur socle, pour bien laisser comprendre au prisonnier qu'il n'y avait qu'une façon de sortir, et c'était par moi.
Je marche donc jusqu'au bureau de bois posé dans un coin de la pièce, sur lequel repose le sac à main de la jeune femme, et je l'ouvre pour en tirer deux choses; premièrement ses lunettes négligemment jetées à l'intérieur, ainsi qu'un porte-feuille, duquel je tire une carte d'identité, moins pour me rappeler le nom de ma victime que pour m'assurer que les autres cons ne s'étaient pas planté de personne.
Je prends la parole, passant du japonais utilisé avec Hanzo pour l'anglais américain.
"Cypress Thornwood. Un nom singulier. Étudiante à l'Université de Seikusu, département des langues, spécialisée dans les langues mortes."
Je me tourne donc vers la jeune femme et je me mets sur un genou et, à l'aide d'un ongle, je tranche l'attache qui tiennent ses jambes à la chaise.
"Je vous présente mes plus sincères excuses pour le manque de manière de mes hommes de main, miss Thornwood. Vous savez comment c'est, nul doute; il est toujours difficile de trouver des gens capables d'effectuer les tâches demandées selon nos critères. Je n'ai pas pour habitude d'avoir mes invités accumuler les bleus."
Je regarde vers le sac posé sur sa tête.
"Maintenant, je vais retirer le sac, mademoiselle. Je vais cependant vous demander de conserver un modicum de calme, bien que je me doute que vous deviez être terrifiée, et de ne pas crier. Non pas que je crains que vous ne soyez entendue, mais simplement, j'ai les bruits en horreur."
Et propre à ma parole, je m'approche du sac. Je remarque des mouvements anormaux, probablement ces cheveux mouvants dont Hanzo m'a parlé.
"Il est inutile, je suppose, de vous dire qu'il vous est recommandé de ne pas chercher à me blesser ou de me tuer. S'il venait à m'arriver malheur, je crains que vous ne restiez ici pour le reste de votre vie qui, sans l'assistance de mes gens, risque de vous être très courte."
Il ne fait jamais de mal de laisser une menace de mort ou deux s'infiltrer dans la conversation, juste pour rappeler que c'est toujours sur la table.
Le sac tombe, et révèle le visage de la jeune femme, à laquelle j'offre un sourire qui se veut courtois.