J’ai cette faculté de sentir quand ça va être une putain de journée de merde ou une bon jour pour être dans la peau de Sidonie Wilkins. Je ne sais pas. Un instinct qui me prend le bide dés le matin. Évidemment, quand je le dis à ma chère sœur, elle me fait remarquer que ce doit être la bile de ma haine tournée contre tout ce qui respire le même air que moi. Elle le dit avec un naturel tellement violent que c’est plus insultant que si elle me le crachait directement à la gueule de manière bien plus vulgaire. Mais c’est tout Sixtine ça. Elle sait piquer sans en avoir l’air, parce qu’elle veut rester la gentille fille. La bonne si bonne fifille à ses parents. Pétasse !
«Sidonie ? Tu faisais quoi dans le bureau de papa hier ?»
«En quoi ça te regarde ?»
«Maman n’aime pas qu’on y aille. Elle a condamné cette pièce et pense la faire brûler...»
«Maman est stone les trois quarts du temps. Qu’est-ce que tu vas faire chier avec ce qu’elle peut bien déblatérer ?»
J’ai la tête des lendemains de teuf. Trop de tout, pas assez de rien et je suis au fond du caniveau. Un réveil brutal, une gueule de bois que j’ai dégueulé dans les toilettes. Je ne sais pas. Je me dis à chaque fois «C’est la dernière fois que...» et j’entame à chaque nouvelle soirée, une «ultime dernière fois que...». J’aime me répéter, surtout quand c’est dans l’excès. Grosses lunettes de Soleil pour masquer la lumière à mes rétines fragilisées par les stroboscopes de la veille, je touille un café que je ne vais sûrement pas boire. Et Sixtine, toujours fraîche comme un gardon (c’est ça qu’on dit non ? Je ne sais même pas ce qu’est un foutu gardon), réveillée depuis l’aube probablement avec les poules, qui mastique son avoine «parce que c’est sain Sidonie et tu devrais prendre exemple et blablabla que je te fais chier dés le réveil», qui ne me regarde même pas. Plongée dans un bouquin qui a l’air d’être une bible. Un truc poussiéreux qui sent comme dans le bureau du notaire de la famille. QUI SENT comme le notaire de la famille en vérité.
«Ne parle pas comme ça de maman. Ce n’est pas facile pour elle et tu le sais bien.»
«Quedal. Elle se bourre de cachetons pour ne pas avoir a affronter ses rides et ses seins qui tombent.»
Et sur ces mots, la tête choquée de ma sœur comme baume sur mon coeur de fêtarde, je sors de la cuisine pour aller récupérer l’enveloppe que j’ai volée dans le bureau de mon chère papa. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs nous recevons encore son courrier. Cela fait bien des années que mes vieux ne vivent plus ensemble. Par caprice des services postaux ou parce qu’il pense encore que maman va lui faire parvenir son courrier lorsqu’il est en voyage ? Ou parce qu’il a besoin de faire sentir à ma génétrice qu’il est encore dans le coin ? Ou qu’il a une vie sans elle ? Va savoir. J’en sais rien et tant pis. Moi j’aime fouiller ses affaires, parce que je trouve parfois des pépites. Comme cette fois où j’ai pu me faire de l’argent grâce à un inconnu qui devait des sous à mon père et dont le courrier est parvenu ici, dans le bureau «condamné par maman...» pour finir entre mes griffes acérées. Une petite somme que j’ai brûlé dans la luxure et les drogues. Je retire mes lunettes, installée à plat ventre sur le lit pour décacheter l’enveloppe, en tirer un carton d’invitation. Vance Dax. Vance...oh mais. C’est le fameux Vance Dax ? Celui qui a fait fortune je ne sais plus comment (mon géniteur en parlait comme d’un sacré numéro qui savait vivre comme il faut…ce qui signifie : Sexe et clinquant, alcool et femmes j’imagine). Le carton jusque dans la calligraphie des lettres de cette invitation puent le fric à plein nez. Le nom sur l’invitation est «Wilkins». Pas de prénom. Parfait. Tout simplement parfait. La soirée se passe sur le yacht de Vance et comble du bonheur pour moi, loin d’ici. Et plusieurs jours ? Mais que demande le peuple je vous le demande !
«Sidie ? Ma chérie ?»
Oh non. La daronne s’est réveillée de son sommeil chimique. Fais chier.
«Quoi ? Je déteste quand tu m’appelle Sidie...»
«Je peux entrer ?»
«J’ai le choix ?»
«Sidi...Sidonie...ne sois pas comme ça, je viens juste voir comment tu vas.»
Ohlala. Ce ton pleurnichard qui m’insupporte. Et dés le matin ? (Bon ok. Il est passé 10h. Ok.) Je me redresse tout en glissant l’invitation sous mon oreiller, attendant que «maman» entre dans la pièce. Elle passe déjà la tête par la porte, alors que je ne lui ai pas vraiment dit oui. C’est tout elle. Elle demande, mais n’écoute pas la réponse et prend les devant parce qu’après tout «c’est chez elle aussi et surtout, c’est elle qui paie les factures dans cette immense baraque !» Ouin ouin ouin, je suis tout de même votre mère à toi et Sixtine, pourquoi n’es-tu pas douce comme ta sœur et je sais pas quoi, quelle ingratitude.
«Quelle ingratitude...»
Et elle approche dans sa robe de chambre qui ne cache pas grand-chose de son anatomie. Sa pudeur est égal à la mienne, égale à ZERO. Ses mains sur mes joues, tandis qu’elle m’embrasse le front et qu’elle se fait chasser d’un mouvement de tête par sa SIDIE…
«Maman, qu’est-ce que tu me veux en fait ?»
«C’est toi qui est aller dans le bureau de Aloysius ?»
«Moi ? Non...pourquoi ?»
Cette chienne de Sixtine à du vendre la mèche. Je vais lui faire passer l’envie elle va voir.
«Sixtine m’a dit que c’était toi.»
«Et parce que Sixtine le dit, c’est que c’est forcément vrai...»
«Je n’aime pas que vous entriez là...je vais brûler ce bureau et tout ce qui s’y trouve.»
«Oui oui. C’est ça oui.»
«Sidonie.»
Et elle s’assoit alors que je me lève, car je ne supporte pas son parfum et encore moins la crème qu’elle tartine sur sa vieille peau. Comme si ça allait ralentir le processus de vieillissement. Quelle conne.
«Tu peux me dire ce que tu fais ?»
«Cela ne se voit pas ? Je prépare mes valises.»
Et c’est le cas. J’ai ouvert un grand sac sur le sol et j’y met quelques tenues, un maillot de bain et diverses affaires, sans daigner lui porter l’attention qu’elle pense mériter. Elle tripote les lunettes que j’ai laissé sur le lit. Elle les met sur son nez, se regarde dans la glace tout en reprenant, comme si elle n’avait à nouveau pas écouté.
«Non, je n’aime pas que vous alliez dans ce bureau.»
«Tu l’as déjà dit. J’avais juste besoin d’un stylo, c’est tout.»
«Ah.»
Pourquoi elle reste là ? Elle me fais chier. Mes gestes sont de plus en plus agacés quand je fourre mes vêtements et mes affaires de toilettes dans le sac que je ferme d’un coup sec pour me retourner et enfin la regarder.
«Maman, tu n’as pas...je ne sais pas. La queue de ton mec à sucer ?»
«Sidonie ! Je ne te permets pas. Tu n’as pas à me parler comme ça...»
«Oh ça va ! En vrai, j’ai juste envie que tu me laisse préparer mes affaires et promis, je ne te parle plus aussi mal...»
Du moins jusqu’à ce que je te croise à nouveau.
«Bon, bon...je m’en vais...mais...dis moi, tu compte partir longtemps ?»
«Je ne sais pas...MAMAN. Je pars et je reviens toujours sans te prévenir. Qu’est-ce que ça change ?»
«Oh...c’est juste que...je ne sais pas.»
Tu veux faire la bonne mère ? Comme dans tes nombreux élans puériles pour faire style «Je suis une bonne petite maman» parce que tu l’as lu dans un de tes magazines à la con ? Ffff...elle me gave. Casse toi.
«Ma petite maman. Je pars quelques jours, je reviens d’ici...quelques jours. J’ai un ami qui m’a invité à séjourner chez lui et je me dis que cela me fera le plus grand bien. Ça te va comme ça ? Ma Petite Maman ?»
«Tu exagères...»
«Il faut savoir. Allez. Laisse-moi maintenant s’il te plaît. Vas donc t’assurer que ta Fille Chérie Sixtine n’est pas en train de s’étouffer avec son avoine de cheval !»
«Sidie !»
«Sors !»
Et elle claque la porte en reniflant fortement, comme si je venais d’insulter toute sa famille. L’âge ne lui va vraiment pas. C’est de pire en pire. Note à moi même, me tenir loin des Xanx, Vallium et autres merdes que les psychiatres filent à leur riche clients. Maintenant qu’elle est sortie, je peux appeler un taxi et préparer mon petit séjour au frais de la monsieur Dax. Je sors le carton de sous l’oreiller, la remet dans une enveloppe vierge, non sans avoir déchirer la petite note qui stipule que c’est Aloysius qui est invité et pas un ou une autre Wilkins. Allons...Vance. Une petite surprise ne te ferait-elle pas plaisir ? Une petite Sidonie ? Beaucoup plus amusante pour une fête que le vieux daron qui va te voler tes prises en mono kini ?
….
Et me voilà, fin prête, à bord de l’appareil apprêté pour mon papa. J’ai dû me justifier auprès de je ne sais combien de personne qui me disait que c’était monsieur Wilkins qui était attendu. J’ai refusé de dire qui j’étais vraiment, mais ai dit que si j’avais cette invitation, c’est que j’avais le droit d’être là. Et puis merde. Depuis quand le personnel fait chier comme ça ? Mon père, de toute manière, est dans les Caraïbes avec je ne sais plus quelle petite pétasse qu’il traîne en ce moment. On ne va pas le déranger pour lui demander s’il est d’accord que je sois là à sa place si ? Non. Personne ne veut le déranger, parce que c’est un grand homme d’affaire. Les avantages de l’argent, encore une fois. Et du nom. Je me suis donc installée confortablement, excitée à l’idée de pouvoir faire la fête sur un yacht pendant trois jours. Avec un peu de chance, je trouverai un vieux type pour m’entretenir après ce séjour, qui acceptera de m’emmener dans d’autres fêtes du genre. Je m’ennuie trop en ce moment avec les gens de mon âge. Ils sont...inutiles, puériles et ne pensent qu’à se poudrer le nez et taper de la pattes dans des boîtes lugubres, tout ça parce que c’est devenu «La mode».
Le vol se passe plutôt bien et nous arrivons en vue du Yacht. Un machin énorme, qui doit être un genre de symbole phallique au vu de la taille. Je crois que je n’ai jamais vu un yacht de cette taille, du moins, autre part que dans les films. Et pourtant j’en ai vu des choses. Lorsqu’on se pose enfin, je descends avec un sourire immense aux lèvres. Ce petit séjour promet d’être vachement...ouhla...Vance Dax n’a pas l’air très content de me voir lui...hahaha. Cela risque d’être encore plus sympathique ! Et c’est toujours le sourire aux lèvres que je le rejoins, suivit par un type qui porte mon bagage. Je relève les bords de mon chapeau lorsque j’arrive à la hauteur du géant qui possède ce titan des mers.
« Sidonie. Quelle surprise ! Je pensais avoir explicitement invité votre père. Est-ce que je peux savoir ce que vous fichez là ? »
«Ce que je fais là ? Mais voyons, je viens faire la fête, quelle question ! Papa est entre les cuisses humides de quelque pimbêche en ce moment. Il n’aurait pas pu venir.»
Je minaude un peu face à Vance, lui tendant quand même ma main parfaitement manucurée, comme toujours. J’ai déboursé une petite fortune pour la tenue que je porte et je refuse de repartir d’où je viens. C’est donc pleine d’aplomb que je lui dis, non sans une douceur charmeuse :
«Allons. Ne faites pas cette tête ! Je suis certaine que je vais pouvoir vous montrer les avantages de m’avoir ici plutôt que mon patriarche. J’ai mis ma plus belle
tenue pour vous faire honneur et mon parfum le plus luxueux...ne me faites pas regretter ces achats...et puis...je suis venue jusqu’ici pour...eh bien, s’il y a des informations importantes à délivrer à papa, je me ferai sa messagère. Promis...je suis meilleure en persuasion que papa. Il vous le dirait sûrement.»
Et c’est vrai ! Même si je papillonne, sors le grand jeu, c’est totalement vrai, cette partie là. Papa aime quand je vais voir ses collaborateurs, sachant que mes yeux bleus et mes longs cils font plus d’effet que ses muscles. Intérêt à ce que ça fonctionne, sinon je tape un scandale et je fais de ce séjour un enfer. Je n’aime pas forcément aller jusque là, mais parler à mon père de comment on m’a traitée, c’est quelque chose que je ferais dés lors que Vance Dax me dira de retourner foutre mon petit cul et mes seins siliconés dans l’hélicoptère.
«Offrez moi un verre et arrêtez de bouder, cela va vous laisser des tas de rides...ce serait...dommage. Non ?»
Je lui prends le bras, espérant qu’il ne me fasse pas retourner d’où je suis venue avec un pied au cul. Je dois enfoncer le clou.
«Votre engin est impressionnant, Vance...»
Toujours, complimenter le gros engin des hommes. C’est un fait, même si on parle là de yacht. Les caresser dans le sens du poil et s’il le faut, écarter les cuisses et ouvrir la bouche. J’ai appris mes leçons par coeur...croyez-moi.