La supérette de nuit brillait comme une petite luciole au bout de la rue, baignée d’une lumière jaune un peu tristoune qui faisait danser des ombres familières sur le bitume. Dans cette partie animée du quartier, elle était un repère discret, un refuge modeste, là où les âmes en décalage avec les heures normales venaient chercher un semblant de chaleur, un café, une clope ou bien un châle comme c’était le cas pour les deux jeunes gens.
Ils s’y dirigeaient d’un pas tranquille, leurs souffles visibles dans l’air froid. Rika marchait à son rythme, le châle encore imaginaire dans un coin de sa tête, imaginant déjà sa texture, sa couleur… Un détail matériel pour oublier, juste un instant, la lourdeur de la vie qu’elle portait, un détail qui réussit même à lui arracher un doux sourire comme une enfant imaginant son cadeau au réveil de noël. Pendant leur marche jusqu'à la supérette, Nora tourna la tête vers la demoiselle à la chevelure de feu et lui posa une question simple. Ce n’était pas intrusif, c’était même une questionnette des plus banales. Mais pourtant, la jeune femme sentit le regard du jeune homme s’ancrer au sien, son coeur s’emballant sans raison apparente, comme lors d’un premier rendez-vous quand on cherche à découvrir l’autre.
Elle tourna doucement les yeux vers lui, son sourire doux accroché au coin de ses fines lèvres rosées, un regard toujours aussi tendre en plongeant ses yeux dans les siens.
« Tu veux savoir si je viens souvent ici ? »
Demanda-t-elle avec une lueur amusée dans la voix, comme si la question l’avait surprise par sa douceur. Puis, Rika tourna ensuite la tête, son regard observant un instant la devanture, les néons, les reflets sur le trottoir mouillé, le tout en souriant toujours avec douceur. Puis elle reprit d’un ton plus calme, presque pensif alors qu’elle continua d'admirer les alentours.
« Oui, assez souvent, en fait. Après une mission, ou quand j’ai besoin d’un peu d’air. Ce quartier est vivant, bruyant, presque étouffant parfois… Mais bizarrement, je m’y sens libre. Et puis il y a le parc, juste à côté. Quand j’ai envie d’échapper au bruit, de disparaître un peu… Je vais m’asseoir là-bas, dans un coin tranquille. »
À force de marcher et papoter, ils finirent par arriver devant les portes coulissantes de l'établissement, qui s’ouvrirent dans un chuintement discret. L’intérieur, modeste mais bien éclairé, diffusait une chaleur bienvenue. Mais malgré ça, Rika frissonna légèrement. Le froid de l’extérieur s’accrochait encore à elle, comme une brume sur sa peau nue, ce qui ne manqua pas de laisser apparaître une légère chair de poule sur sa peau de porcelaine. Sa chemisette blanche à manches courtes et cette robe verte à la coupe fluide qu’elle avait choisie presque par défi ce soir, n’étaient pas faites pour une telle fraîcheur, surtout en cette soirée automnale.
Nora la quitta un bref instant silencieusement tandis qu’elle se dirigeait vers le rayon des accessoires textiles. Quand il la rejoint après un petit instant, il avait dans les mains deux boissons chaudes, lui signalant qu’il en avait pris une pour elle. La belle demoiselle leva les yeux vers le séduisant brun, souriant avec tendresse touchée par son geste, ses doigts venant entourer le gobelet qu’il lui tendait chaleureusement.
« Merci… »
Murmura-t-elle avec douceur, une voix émue tout comme son regard brillant de gratitude en le regardant, serrant délicatement le gobelet entre ses doigts comme si c’était quelque chose d'extrêmement délicat.
« Tu es vraiment gentil… C’est… Adorable. Merci Nora… »
Elle porta ensuite la tasse à ses lèvres, soufflant doucement sur la surface fumante, avant d’y coller ses lèvres et de goûter le délicieux breuvage chaud qui faisait du bien à son petit corps en manque de chaleur. C’est d’un nouveau et tendre sourire que la belle rouquine souria au jeune homme, touchée par son geste et heureuse de ce cadeau qui lui faisait aussi réchauffait autant son cœur que son être.
Puis, Rika reprit son exploration entre les étagères, se remettant à la recherche du fameux châle qu’ils étaient venus chercher en ces lieux. Ses doigts fins et graciles glissèrent le long des tissus : de l’acrylique rêche, du coton fin, quelques mailles plus épaisses... Puis soudain, elle le vit ! Un châle noir, simple mais élégant, avec une matière légèrement laineuse, douce et chaude au toucher, un vrai bonheur au contact de la peau. Sans tarder, elle le prit dans ses mains, le déplia à moitié, et s’arrêta un instant pour le contempler en souriant. La lumière accrocha la trame du tissu, révélant des reflets bleutés qui se mêlaient subtilement au noir profond, ce qui lui arracha un rire discret, comme une note légère dans l’air paisible du magasin.
« Oh… Celui-là… Il est parfait. Je l’adore… Regarde… »
Elle leva le tissu entre eux deux, le posant brièvement contre son épaule.
« Il a la couleur de tes cheveux mélangée à celle de tes yeux. C’est joli, non ? »
Son sourire s’adoucit encore, teinté d’une émotion plus discrète, d’un petit quelque chose qui faisait battre son cœur tout en l’enveloppant d’une chaleur des plus agréables, la faisant regarder avec tendresse le châle sur son épaule.
« Ce sera un joli souvenir de ce soir… De… De notre rencontre. »
Elle garda le châle sur elle toute heureuse, puis, se dirigea ensuite vers la caisse presque en fredonnant, sa boisson chaude toujours à la main et le tissu replié sur son bras. Rika salua le caissier avec un doux sourire, le paya puis lui souhaita une belle soirée avant de sortir avec Nora dans l’air nocturne, qui était plus froide encore qu’à leur entrée dans la supérette. Mais cette fois, la laine légère du châle enveloppait la demoiselle, couvrant ses épaules et son cou, la protégeant ainsi de la fraîcheur de la nuit. Tout en souriant avec douceur, la belle s’y blottit doucement, ramenant un pan contre sa joue avec un soupir soulagé qui était autant mignon qu’amusant à observer.
Nos deux jeunes gens reprirent leur marche dans les rues de Seikusu, sous les lueurs tamisées des lampadaires, les lumières des vitrines fermées qui dessinaient parfois des reflets sans forme dans les vitres noires. Ils marchèrent en silence, leurs pas lents, synchrones, presque silencieux. Mais, après quelques instants, Rika tourna doucement la tête vers Nora, sa douce voix trahissant une petite hésitation avant de prendre la parole.
« Et toi… Tu viens souvent ici ? »
Elle marqua une pause, puis ajouta rapidement, un sourire désolée et un brin de gêne dans la voix en riant un peu embarrassé.
« Je… Pardon, c’est peut-être indiscret. »
Après ce petit instant, ils arrivèrent enfin à destination, le parc maintenant devant eux. L’entrée de fer forgé grinçait doucement sous le vent et les arbres s’inclinaient comme pour les accueillir, le gravier crissant sous leurs semelles. Puis, les feuilles mortes tapissaient le sol comme un tapis vivant, craquant doucement à chaque pas, venant ajouter à la douce mélodie des graviers sous leurs chaussures. Les bancs, les sentiers, le petit lac paisible, tout baignait dans une lumière laiteuse offerte autant par la lune que les réverbères du parc.
Alors qu’ils pénétrent dans le parc, la demoiselle à la chevelure de feu s’arrêta un peu brusquement avant un embranchement, manquant de tomber mais se rattrapant discrètement en se redressant sur ses talons, regardant tour à tour les différentes directions qui se trouvaient devant eux.
« Nora… Tu… Tu préfères marcher un peu encore ? Ou… »
Sa voix était devenue presque timide, posée comme une plume, n’osant pas le regarder, caressant le bord du gobelet de sa boisson chaude encore en main avec le bout de son doigt.
« Tu veux qu’on s’assoie ? Il y a ce banc près du lac, avec les oiseaux, les carpes… C’est calme là-bas. Sinon… On… On peut prendre l’un des bancs plus haut, sur les sentiers. J’aime bien marcher aussi. C’est toi qui choisis… »
Elle releva ensuite les yeux vers lui, son regard aux couleurs d’orage qui le regardait timidement et avec douceur. Et malgré la fatigue visible au fond de ses yeux, malgré le froid qui les entourait, Rika souriait encore de ce même sourire discret, tendre et triste à la fois. Mais, ces yeux pétillaient de joie et d’impatience, venant se plonger dans ceux de Nora, attendant avec grande hâte sa réponse et souhaitant continuer à savourer la soirée en sa compagnie, se sentant pour une fois « normale » grâce à ce moment qu’ils partageaient tous deux ensemble ce soir.