Sursautant en entendant le petit raclement de gorge de l'Endormi, qui ne l'était visiblement plus, Alecto se tourne les mains trempées barbouillées de mousse. Les bulles de savon tombent au sol alors qu'elle s'essuie à la hâte, désolée de n'avoir pas entendu plus tôt l'éveil de son petit Invité. Elle l'observe en penchant la tête, le trouvant intrigant, et un peu mignon lorsqu'il ronronne.
Dans ses souvenirs, elle n'avait jamais eu de relation particulière avec les animaux. Petite, elle avait peur de toutes les bestioles qu'elle pouvait croiser, notamment les insectes, nombreux dans les cellules des Sœurs. Mais avec le temps, elle avait dû s'y habituer, pas le choix... Les rats et les rongeurs restaient néanmoins très effrayants pour elle, puisqu'il représentaient à loisir, soit les maladies, soit les nuisibles de cuisines. Les oiseaux avaient sa sympathie, sauf lorsqu'elle devait s'assurer qu'ils ne dévorent pas les semis des potagers du Monastère. Les chiens, les plus gros surtout, la terrifiaient et leur morsure était un risque qu'elle ne voulait pas prendre. Quant aux chats... Hé bien, elle avait côtoyé quelques matous errants venant trouver quelques caresses ou bols de lait au Temple, et elle s'était rendue compte qu'ils étaient tout à la fois adorables, dangereux, et utiles.
Naturellement, songeant ceci, Alecto s'en voulu... Venait-elle de comparer les chats de gouttière qu'elle avait croisé dans sa vie à cette créature métamorphe ?
Avec un petit sourire, attendrit il faut l'avouer, la jeune Esclave s'accroupit pour essayer d'être plus à sa hauteur. Cela devait être épuisant de lever la tête tout le temps pour regarder les gens, non ?
"Avez-vous bien dormi, Messire Yazill ? Je doute que ce soit aussi confortable qu'un bon matelas, ici... Désolée de vous y avoir abandonné..." Dit-elle en désignant son lit de fortune où étaient restées ses quelques possessions.
"Il est tard..." Elle sembla un peu gênée. "L'Auberge a fermé." Examinant ce qui tenait lieu de visage, et notamment ces grands yeux d'ambre, Alecto osa proposé. "Il semblerait que vous soyez enfermé ici jusqu'à demain matin." Elle lâcha un petit rire, qu'elle espérait malicieux, comme lui, mais qui devait être assez enfantin.
Elle se redressa en faisant craquer ses articulations et grimaçant, et se dirigea jusqu'au baluchon. "Si ma Maîtresse vous voit ici, Monsieur Yazill, elle va me disputer." Rien que d'y penser, elle eut un frisson qui remonta le long de sa colonne vertébrale, et elle replaça un pan de voile sur son épaule, comme pour tenter de se rassurer.
Alecto se gratta la joue avec nervosité et, timidement, se pencha pour prendre le petit sac. Dans sa main, bien que fine, ces modestes affaires semblaient étrangement réduites.
"... Mais je me ferais assurément disputer aussi, si je vous offre une chambre." Ahhhh quel dilemme... Elle fit une moue mal à l'aise. "P... Pensez-vous que..." Elle se racla la gorge. "Je vais vous laisser ma chambre, à la cave. Je me sentirais coupable s'il vous arrive quoi que ce soit dehors, avec ce malotru qui rôde pour vous estourbir."
Elle s'apprêter visiblement à le conduire au sous-sol. Lui lançant un regard mal assuré, elle n'osa pas attraper la hallebarde du Chat, et se contenta de porter ses affaires, pour le soulager. Il faudrait traverser la salle principale, vide et rangée par ses soins, pour, à l'opposer, emprunter la trappe et les escaliers grinçants, jusqu'à la cave. Après une immense pièce de stockage, où barils et tonneaux s'entreposaient, une porte de bois ouvrait sur une petite pièce. Un soupirail permettait, de jour, de laisser passer la lumière du soleil, donnant sur un petit bureau d'un bois bon marché, où étrangement, se trouvait un très joli nécessaire à écrire. De belles plumes uniquement, un encrier modeste, du parchemin vierge d'une qualité médiocre.
Contre un mur, son petit lit, aux draps frais, cependant. Elle possédait un vase, emplit de fleurs des champs, plusieurs livres posés à côté de celui-ci, tous de théologie. Enfin, à l'opposé, se trouvait un hôtel consacré à Dieu, où encens et cierge trônaient en bonne place. En réalité, Alecto semblait ne passer que peu de temps en ce lieu, à part pour prier...