Les deux femmes entrèrent dans la forge. Elle était assez grande, comprenant de multiples articles. Évidemment, Gulrus en personne ne se trouvait pas là, et toute la question était, désormais, de savoir comment le trouver. Dans l’absolu, il suffisait à Rhian de reprendre sa réelle apparence, mais, en ce cas, la stratégie d’Eris n’aurait pas servi à grand-chose. Elle laissa la femme observer les armes sur les présentoirs. Gulrus forgeait des armes relativement élégantes, loin du cliché ambulant qui affirmait que les nains ne savaient faire que des hanches. En matière de métallurgie, d’armement, le savoir-faire nain dépassait celui des elfes et des humains. Vu leur petit gabarit, els nains avaient appris à faire des armes qui étaient à la fois légères et tranchantes, petites et coupantes. Eris s’intéressa notamment à deux articles, les caressant du bout du doigt, tout en proposant à Rhian de lui en acheter une, pour l’entraîner ensuite.
«
Pour être honnête... Mon frère m’a appris à manier l’épée, mais... Je suis moins douée que lui. »
Son père n’avait jamais voulu que Rhian apprenne à se battre, estimant que ce serait une perte de temps, car elle n’aurait pas à commander les armées. Mais Herebos, son frère, avait eu une vision très différente, estimant qu’il ne pourrait pas faire de mal à Rhian de savoir se battre, et manipuler une épée. De fait, Rhian avait emmené avec elle la dague qu’Herebos lui avait fait forger, ce qui lui donna alors une idée. Elle avait encore, avec elle,
sa précieuse dague, qui avait été forgée spécialement par Gulrus.
*
Un moyen efficace de prouver que je suis une personne de valeur pour une rencontre avec leur chef...*
Eris fit apparaître une bourse, et, assez rapidement, un commis se présenta vers elles.
«
Bonjour, Mesdames. Ce sont de très bons choix que vous avez pris ! »
Le nain attrapa délicatement les épées, les observant attentivement, comme pour en évaluer le prix, et les rangea ensuite dans leurs fourreaux. La forge étant proche de la banque, elle était très bien administrée, et, pour chaque achat, les nains édictaient une facture, permettant d’avoir une comptabilité solide. C’est ce qui avait fait la fortune de ce peuple, leur rigueur et leur organisation. Les nains ne laissaient rien au hasard, et consignaient dans leurs carnets toutes les transactions. Une pratique résultant de leur forage, où, pour éviter les vols, les contremaîtres, à chaque fin de journée de travail, ordonnait aux mineurs de vider leurs affaires, et de consigner avec précision le nombre de pépites qu’ils avaient extrait.
Tandis que le commis traçait la facture sur un parchemin, écrivant sur du papier carbone, afin d’en réserver une copie à l’acheteuse, Rhian attendit patiemment... Et, quand le nain leur tendit la facture, elle intervint :
«
Nous souhaiterions voir Gulrus. »
Un peu étonné, le nain l’observa en clignant des yeux :
«
Oh, vraiment ? Mais... Monsieur Gulrus ne reçoit que sur... »
Rhian posa alors la dague sur le comptoir. Le nain écarquilla les yeux devant cette précieuse arme.
«
Monsieur Gulrus va nous recevoir maintenant. »
Le nain resta coi pendant quelques secondes, puis finit par leur demander de le suivre. Eris récupéra les lames qu’elle venait d’acheter, et le duo se retrouva ensuite à traverser un couloir, pour rejoindre un élégant salon.
«
Je vais aller prévenir Monsieur Gulrus, je vous prie de bien vouloir patienter... »
Rhian hocha la tête, et le nain fila ensuite précipitamment. Elle se retourna ensuite vers Eris, et lui montra alors sa dague.
«
Herebos a fait forger cette lame en personne auprès de Gulrus, c’est notre passe-droit ici. »
Elles n’eurent pas à attendre longtemps, car, au bout de seulement une minute, un autre nain va les chercher, et les guida jusqu’au bureau du maître des lieux. Elles entrèrent ainsi dans un agréable bureau en acajou, avec une bibliothèque au fond abritant quantité de livres.
«
Ah ! Navré de vous avoir fait attendre, Mesdames ! Puis-je voir votre dague ? »
Gulrus était bien là, et observa attentivement la dague de Rhian pendant quelques secondes.
«
Hmmm... Oui, je me souviens... Mais... Je ne savais pas que vous aviez tant de cheveux blancs, Princesse. -
Je voyage discrètement pour retrouver mon frère. »
Gulrus regarda alors Eris. Le nain âgé semblait empreint d’une certaine forme de sagesse, et ses yeux fixèrent en tout cas avec sagacité Eris, avant qu’il n’enchaîne :
«
Et vous ? J’imagine que vous n’êtes pas l’une de ses servantes... »