« N'est pas mort pour toujours qui dort dans l'éternel
Mais d'étranges éons rendent la mort mortelle »
Loskar, en ces temps lointains, avait été une immense cité. Une cité futuriste, où les habitants avaient réussi à se débarrasser de la plupart des grands fléaux de l’humanité : la pauvreté, la famine, les maladies, les religions, et même la criminalité. Oh, les criminels existaient toujours, mais l’administration de Loskar les bannissait au-delà des frontières de leur Puissance, dans les Terres Abandonnées, par-delà de hauts murs, où on disait que vivaient les barbares et les sauvages, de manière anarchique, loin de la Puissance.
La Puissance, c’était le terme officiel pour désigner les pouvoirs publics gérant Loskar. Les Puissants vivaient au Siège, une île plantée au milieu de la grande Loskar, cité gigantesque composée de multiples gratte-ciels et d’immeubles géants. Une cité heureuse, qui devait régulièrement défendre le Mur, une immense fortification s’étalant sur des milliers de kilomètres, et qui protégeait Loskar et ses richesses contre les barbares des Terres Abandonnées. Régulièrement, ces derniers tentaient d’envahir Loskar en attaquant le Mur, et le Mur était devenu une impressionnante superforteresse, visible depuis l’espace.
Cependant, en ce jour, ce fut une autre menace qui préoccupa Loskar et ses habitants. Alors que les Puissants commençaient à coloniser les satellites environnants et les planètes proches, les ressources naturelles ayant disparu sur Terre, leurs puissants satellites, ainsi que leur observatoire sur la Lune, observèrent une curieuse masse apparaître, se rapprochant rapidement.
«
Quelle est cette chose ? s’inquiéta-t-on dans le Grand Observatoire.
-
Je n’en sais rien, Puissants. Tout ce que nous savons, c’est qu’elle se rapproche... Très rapidement. »
Les Puissants exploraient maintenant l’espace grâce à de puissantes sondes, et savaient donc qu’une attaque extraterrestre était possible. Il y a quelques mois, l’une de leurs sondes avait justement, étrangement, perdu toute communication. En inspectant les dernières images envoyées par la sonde, les astroscientifiques avaient révélé d’étranges tentacules semblant flotter dans l’espace. Ces images avaient été classifiées, et les Puissants comprirent vive que cette
chose les avait vus.
«
Armez les missiles nucléaires et préparez le canon solaire. »
Le vote fut voté à l’unanimité. Pour se défendre, Loskar avait depuis longtemps envoyé ses têtes nucléaires dans l’espace, et avait également développé, à l’aide de panneaux solaires, un immense canon solaire, dont le but était de concentrer par endroits la lumière. Le principe de base avait été de s’en servir pour détruire les Barbares, mais tout cet arsenal allait maintenant trouver une nouvelle utilité.
Le premier affrontement fut donc spatial. Une vingtaine de missiles nucléaires filmèrent vers la cible, les Puissants voyant, avec horreur, une créature indéfinissable. En la voyant s’approcher, plusieurs vomirent. C’était un immense et cosmique amas de tentacules parcourus de multiples yeux. Les bombes atomiques éclatèrent à sa surface, pulvérisant ses immenses tentacules, mais d’autres jaillirent.
«
Comment telle abomination peut-elle exister ?! »
Cette créature n’avait ni tête, ni jambes, ni bras. Où commençait-elle ? Où se terminait-elle ? Des spores jaillirent du corps du monstre, et les stations spatiales furent détruites. Le canon solaire s’enclencha alors, mais ses panneaux furent arrachés en quelques secondes, tandis que des milliers et des milliers de spores filaient du corps du monstre, traversant l’atmosphère de Loskar pour venir s’étaler à peu près partout. L’une de ces spores transperça un gratte-ciel, et s’écroula dans un parking en hauteur, libérant une flopée de
monstres indescriptibles, des
créatures cauchemardesques.
Loin de là, dans les Terres Abandonnées, Nok-Tar’, Gran-Chaman du Clan des Sacs d’Os, leva fièrement son bâton, tandis que le ciel crépusculaire s’illuminait de tous ces tirs célestes.
«
Et réjouissez-vous, ô amis, car le Jour Tant Attendu arrive enfin ! La Prophétie se réalise ! Que nulle peur ne vienne étreindre vos cœurs ! Embrassez avec joie et amour votre Transcendance, car, enfin, ô Amis, nous sortons de vos faibles enveloppes de chair pour rejoindre l’Éternance et la Félicité ! »
Les rêves de Nok-Tar’, qu’il réalisait depuis plusieurs mois, venaient de se réaliser. On l’avait pris pour un fou, au début, mais, quand les éclaireurs avaient vu les créatures célestes broyer et massacrer le clan des Têtes de Bronze, ils avaient compris que les rêves de Nok-Tar’, et la voix qu’il entendait, n’étaient pas le fruit de sa folie, mais le résultat de divinations. Comme quoi, le fait d’avoir mangé de la chair d’enfant et de cadavres avait eu pour effet de le doter de pouvoirs supérieurs.
«
J’espère que nous n’arrivons pas trop tard... »
Ils flottaient en l’air, descendant à toute allure, telles des flèches de lumière. Flamboyante dans son armure,
Iranaël, Ange du Jugement, ne faisait qu’exprimer ses doutes à l’idée que tout espoir ne soit vain. Malheureusement, le temps de repérer les incursions des Tyrans, les Anges avaient toujours un décalage variant entre quelques heures et quelques mois. Ici, Azathoth avait envahi ce système depuis plusieurs jours, mais s’était déjà manifesté il y a quelques mois, auprès des tribus barbares et sauvages de ce monde corrompu. Les barbares avaient amené l’armée loskarienne à se concentrer sur leur odieux Mur, et les séides d’Azathoth avaient déferlé dans le cœur de Loskar, massacrant et collectant les gens.
«
Je le sens, commenta un autre Ange,
l’Hérésie a commencé à se répandre. -
Les habitants sont désespérés, et, sous la désespérance, les vieux démons refont surface. L’adoration, l’idolâtrie, les sacrifices... »
Plusieurs temples avaient été érigés à Loskar, car, au sein des habitants massacrés et torturés, des « prophètes » se dressaient pour dire que l’envahisseur ne venait pas les massacrer, mais pour les délivrer, ou, alors, qu’il était là pour les punir de leurs exactions. Ces temples sauvages se dressaient dans les ruines de la ville.
Finalement, les nuages partirent, et les multiples Anges aperçurent la ville, en feu. La bataille continuait à faire rage dans les rues de la ville, mais elle était désespérée. Le ciel lui-même s’était noirci, recouvert d’immenses tentacules, avec une infinité d’yeux rouges qui observaient Loskar, comme s’ils pouvaient voir tous vos péchés... Ce qui n’était pas faux, car les Tyrans, à proprement parler, étaient télépathes.
«
N’oubliez pas notre quête ! Repoussez ces monstres, et escortez ces gens vers des terres plus propices. Il ne nous incombe point de les juger. Sécurisons la ville, puis partons. -
Nous ne l’attaquons pas ? -
Imperius a été formel. Il nous faut en savoir plus sur ces choses avant de perdre encore plus d’Anges. »
Et il ne comptait pas discuter les ordres, et personne ne discuterait les siens... Car il était le Porteur de Lumière.
Il était
Lucifer, et ceci était son heure de noblesse, pour celui qu’on considérait comme étant le plus pur des Anges.