Mais le monsieur ne semblait pas prêt de la lâcher de si tôt. Etait-ce sa gentillesse qui le poussait à vouloir prendre soin d'elle de la sorte ? Sauf que Miyoko n'aimait pas qu'on cherche à la priver de libertés, c'est ce qu'elle reprochait à Akira. Depuis toute petite, l'enfant avait appris à se débrouiller seule : son père était tout le temps fourré au travail et sa mère devait s'occuper de la maison et n'aimait pas avoir une gamine dans les pattes. Alors la petite fille sortait, partait se promener et ne rentrait parfois que tard le soir, avant le retour de son père tout de même. Il n'était pas bon de croiser son père ; le soir, son visage était toujours tout rouge, son regard était noir et méchant, et ses mains avaient tendance à frapper tout ce qu'elles rencontraient. Miyoko le savait et prenait soin d'éviter d'engendrer la colère de son père. Lorsqu'elle rentrait, sa mère était si heureuse de la voir qu'elle la cajolait, c'est pourquoi l'enfant gardait un bon souvenir de sa mère et des câlins qu'elle lui donnait. Cependant, ceux-ci n'étaient pas trop nombreux, c'est ce qui faisait qu'elle les appréciait, bien plus que ceux qu'Akira lui avait prodigué, même si elle ne s'en plaignait pas.
Mais l'heure n'était pas propice aux câlins et l'individu qu'elle avait en face d'elle lui rappelait trop sa brute de père. Pourtant, lorsqu'il lui proposa à manger, la gamine eut les yeux qui se mirent à briller. Depuis qu'elle consacrait toute son énergie à l'enquête, elle n'avait pas le temps de faire son travail quotidien qui lui apportait chaleur et nourriture. Son ventre gargouillait et sa salive emplit sa bouche à une allure folle rien qu'à l'évocation d'une miche de pain.
Néanmoins, elle avait du mal à croire qu'un homme d'une taille si grosse puisse avoir du mal à finir quelque nourriture que ce soit. A moins que la miche soit vraiment... gigantesque ! L'imagination de la petite partit au quart de tour. Déjà elle se voyait entourée de nombreuses miches de pain si gargantuesques qu'elles étaient plus grosses qu'elle. Elle déambulait entre les croûte et, de son petit pain, tapait dans l'une d'elle de toutes ses forces pour la casser. Elle y plongeait les doigts, la main, le bras... à l'intérieur, c'était chaud. La mie se resserait contre son membre et l'enveloppait dans une sensation de douceur.
La bouche de Miyoko s'entrouvrait au fur et à mesure que son rêve se développait. Son pouce sortit de sa bouche et sa langue semblait vouloir le suivre. C'est alors que l'enfant secoua vigoureusement la tête.
"Ce serait dommage de gâcher de la nourriture."
Sur ses dires, la gamine se leva. Elle ne s'approcha pas pour autant de Don et garda même ses distances. Elle continuait à trouver étrange qu'un tel homme soit gentil. Et jamais elle ne lui tiendrait la main : ses immenses doigts lui broieraient les siens, elle en était certaine. Alors pas question qu'il ne la touche, elle le suivrait, de loin, et prendrait un bout de pain une fois qu'il l'aurait posé sur la table devant elle. Ce n'était peut-être que le boulanger, bien que les boulangers aient souvent un gros ventre, ils étaient tous de taille imposante. Mais, ne sachant que penser, Miyoko préférait la prudence, comme le lui avait enseigné les filles de La Maison.