Après tous ces évènements tragiques qui parurent s'enchainer sans les laisser respirer, ni elle ni lui, vint un moment de silence. Pas un silence qui laissait sous-entendre qu'une discussion lourde de sens et de confessions allait arriver, mais un silence véritablement vide. Il lui caressa les mains lorsqu'elle les plaça sur les siennes, et partagea ce petit regard, empli de mélancolie et de complicité. Un éclair lui traversa son esprit, et il se demanda comment une aussi jolie femme pouvait être seule, sans attache ni personne ne l'attendant chez elle. Masaru esquissa un petit sourire, afin de lui souhaiter la bienvenue dans son non-modeste appartement. Il se retint d'être plus expansif, car cela aurait été particulièrement hors de propos dans des circonstances pareilles.
Elle bondit d'un coup du canapé, comme pour rompre avec ce qui venait d'arriver et pour essayer de passer à autre chose. Et elle avait bien raison. L'instinct de Masaru lui disait la même chose, qu'il ne fallait pas rester dans une espèce de torpeur post-traumatique, mais qu'il fallait aller de l'avant. Il n'avait envie de rien, absolument de rien. Ni de manger, ni de jouer, ni de bosser, ni de rien. Il avait simplement envie de contempler au final, de se baigner dans une atmosphère qui le changerait d'endroit, pour quitter cette tour afin d'être transporté ailleurs, là où la vue serait simplement belle.
Personne n'a jamais eu besoin qu'on lui définisse ce qu'est le Beau, en tant que sensation. On ne trouve pas tous le beau au même endroit, de la même façon ni de la même manière, mais on sait tous ce que c'est. Sans jamais qu'on ait eu à le définir, on est tous d'accord sur ce que c'est. A la manière de l'Amour, ce sont ces valeurs qui sont universelles. Et Masaru avait envie de toucher à quelque chose d'aérien et non de terrien. Il avait besoin de ça. Une vue, un son, quoique ce soit. Le temps était trop clair et le coucher de soleil trop lointain pour qu'il puisse admirer le crépuscule ou bien même les étoiles. Une jolie rousse à l'accent russe serait son paysage, et cela lui allait parfaitement au final.
Il ne lui répondit pas tout de suite, il prit quelques secondes pour revenir du fin fond de ses pensées alors qu'il la fixait, debout à gesticuler et à s'agiter. Ses esprits revinrent d'un coup et il se leva tout doucement, pour quitter aussi ces instants pénibles dans un geste qui, pour lui, avait beaucoup de signification.
-Oui tu as raison je pense aussi. Il montra la cuisine d'un coup d'oeil, avant de reprendre. Tu peux te servir à volonté, tout ce qui est à moi est à toi, alors si tu as envie de quelque chose fais toi plaisir. dit-il doucement, reprenant ce qui était pour certains de la galanterie, et pour d'autres de l'hospitalité, comme une bouée le ramenant à la normalité. Enfin ce qui en restait.
Masaru montra la porte tout droit derrière le canapé sur lequel ils étaient assis et continua. Là tu as la salle de bains, qui fait aussi WC. Si t'as envie ou besoin de prendre une douche hésites pas. T'as des serviettes et des gants de toilette sous le lavabo. J'ai des brosses à dents neuves dans un des tiroirs aussi du coup, donc fais comme chez toi. fit-il en souriant en coin, se disant que le fait d'avoir fait des stocks de provisions d'à-peu-près tout il y a deux jours allait servir, et pas seulement satisfaire son côté maniaque.
Cette porte-ci, c'est ma chambre, y a rien de passionnant dedans mais si tu veux jeter un coup d'oeil, à ta guise, fit-il enfin.
Ah et pour répondre à ta question, pour les feuilles, sers-toi sur ma pile de brouillons sur mon bureau, tu trouveras des stylos qui traineront. Et j'ai que des "vieilles" consoles sinon, mais elles marchent toutes bien et sont branchées. Les jeux sont dans le tiroir de la table basse.
Effectivement, on pouvait voir des consoles anciennes générations bien ordonnées dans le meuble-télévision. Une Atari 2600 qu'il a récupéré à sa mère, une Nintendo 64 et enfin une Gamecube, toutes avec deux manettes. Il les avait emmenées plus par nostalgie que par passion, en fait il y jouait très peu, sauf quand une lubie le traversait. Il ressortait d'une période The Legend of Zelda: The Wind Waker et on pouvait le voir à la jaquette du jeu posée sur le dessus de la console, ainsi qu'à la manette étant un peu sortie, contrairement aux autres posées de manière parfaitement parallèle et rangée, son côté Monk, sans doute.
Il saisit sa guitare et commença quelques arpèges qu'il pouvait jouer sans avoir à trop réfléchir. Il voulait simplement changer un peu l'atmosphère et profiter de ce dont on peut encore profiter quand on a l'impression d'avoir perdu un bout de son humanité.