Il allait falloir trouver un moyen de se débarrasser de lui... Félicia pouvait toujours fuir par la fenêtre avec son lot de consolation, mais les documents comptables et autres éléments dans le coffre-fort étaient trop importants pour qu’elle abandonne aussi facilement. Les Guramu faisaient partie des fondateurs de Seikusu. Depuis les origines, ils avaient marqué l’histoire de cette ville. Les premiers Guramu de Seikusu avaient été des
Bakuto, un terme désignant les joueurs professionnels, ceux qui contrôlaient les jeux de hasard, et qu’on trouvait dans les villes et les foires. Au Japon, les jeux de hasard avaient toujours été très importants, et la fortune initiale des Guramu avait commencé là-dessus, dans les troquets, avant de progressivement se développer et s’étendre. Aujourd’hui, leur influence s’étalait à travers tout le Japon, et même au-delà. Ils étaient devenus une organisation internationale, une mafia aussi influente que les autres grandes mafias japonaises, comme le clan Yamaguchi, comprenant plusieurs dizaines de milliers de Yakuzas. Les Guramu étaient une menace prioritaire, et ce d’autant plus qu’ils avaient développé un nouveau trafic, de la contrebande dimensionnelle, à partir de produits venant de Tekhos, comme des armes. Dans ce coffre-fort, il y avait peut-être des indices déterminants pour ébranler cette nouvelle activité, qui était désormais le fleuron des Guramu, et qui avait permis au clan de se hisser au premier plan de la criminalité internationale, notamment en faisant du commerce avec les grands groupes criminels du monde, que ce soit les terroristes islamistes au Proche-Orient, les cartels de la drogue sudaméricains, les vastes gangs de rues états-uniens, les seigneurs de guerre africains... La liste était longue, et, même si Félicia se définissait comme une simple cambrioleuse, et ne s’intéressait donc pas à ce genre d’histoires, elle n’avait pas spécialement envie que des tyrans et des bouchers africains se retrouvent avec des exosquelettes et des fusils-lasers.
Elle n’allait donc pas laisser un simple comptable l’embêter, et, alors que la Chatte Noire comptait agir, le mystérieux chaton fila dans le bureau... Félicia ne put pas l’empêcher de partir, et le vit filer par la porte entrouverte.
*
La fidélité des chats n’est plus ce qu’elle était...*
La Chatte Noire regarda encore autour d’elle, puis alla près de la fenêtre. Elle pouvait rejoindre le toit, ou descendre le long du mur à l’aide de ses griffes. Tout ce qu’il fallait, c’était attendre que l’homme parte rejoindre sa famille... Quand elle entendit du bruit et un soupir venant du bureau, comme des bruits de lutte. Félicia allait se rapprocher quand la porte se rouvrit, et le mystérieux chat apparut à nouveau. Cette fois, Félicia s’arrêta, et le regarda se rapprocher. Il tenait, entre ses canines, un trousseau de clefs, et la bague.
*
Ça, ce n’est pas normal...*
Qu’était donc ce chat? Le chat de James Bond ? Surprise, Félicia s’approcha de lui, et récupéra du bout des doigts le trousseau de clefs. Il y avait sûrement la clef du coffre-fort... Elle observa ensuite le chat, sur un ton soupçonneux.
«
Toi, tu n’es pas normal, hein... Qu’est-ce que tu me caches, mon mignon... ? »
Elle ne s’attendait pas spécialement à une réponse... Mais, après tout, ce n’était pas la première fois que Félicia verrait un magicien prendre l’apparence d’un chat*. Tout était possible dans ce monde, et il était même possible que ce chat soit une espèce de
kami, ces esprits japonais positifs assimilables à des divinités dans la mythologie japonaise, et qui pouvaient prendre des apparences animales.
L’heure n’était pas à la réflexion, et Félicia se releva. Le cuir crissait à chacun de ses pas, et elle retourna dans le bureau, puis ouvrit rapidement le coffre-fort, après une brève inspection du comptable. Il dormait profondément, et elle nota la présence de deux trous à hauteur d’un de ses bras, comme si on l’avait... Mordu. Après cela, elle ouvrit donc le coffre, et vit, à l’intérieur, un écrin. Elle l’ouvrit, et vit à l’intérieur un magnifique saphir, qu’elle inspecta pendant quelques secondes.
«
Celui-là, il vaut son pesant d’or... »
Elle le nicha entre ses seins, et inspecta ensuite les documents se trouvant dans le coffre-fort. Il y avait plusieurs dossiers, qui comprenaient des relevés comptables, des numéros de comptes dans différents paradis fiscaux : des banques suisses, monégasques, aux Caïmans... Et d’autres, encore, sur des paradis fiscaux encore plus confidentiels sur leurs clients : le Botswana, le Brunei, le Guatemala... Elle comprit que certains de ces comptes bancaires, par exemple ceux en Suisse, étaient des leurres, et que les vrais étaient les autres. Elle n’avait pas le temps de tout analyser, et décida donc de tout prendre. Félicia allait chercher un sac à dos quand la porte s’ouvrit sur deux hommes en costume.
«
Boss, nous... »
Surprise, Félicia se retourna vers eux, et vit que l’un des deux avait pointé un pistolet vers elle.
«
C’est qui, cette salope ?! »
L’imprévu, comme toujours...
* :
Cf. RP « Miaou ? ».