La nuit, la capitale n’était pas sûre. On avait beau se trouver au sein de l’Empire, dans une ville où il y avait plus de gardes que de civils, si on ne connaissait pas bien la ville, on pouvait se promener dans les quartiers dangereux. Plus généralement, la capitale avait une urbanisation précise, concentrée autour du Palais Impérial. Elle se composait de grands boulevards reliant les corps de garde de l’entrée de la ville au Palais Impérial. Chaque boulevard menait au Palais, et le cœur de la ville se trouvait le long de ces boulevards. Le harem de Mélinda, par exemple, se trouvait sur l’un de ces boulevards. Entre les boulevards, il y avait les quartiers (ou districts), certains étant plus riches que d’autres. La capitale comprenait aussi ses bas-quartiers, un ensemble de ruelles étroites, de taudis, de masures sinistres aux toits escarpés. Mélinda évitait souvent de s’y rendre, mais, pourtant, ce soir, une calèche s’avançait dans les rues sombres. Elle s’arrêta près d’une maison, et Mélinda en descendit, pénétrant dans une enseigne discrète.
Elle arriva dans un couloir sombre, un manteau à capuche la recouvrant. Dans son dos, Bran la suivait, et elle grimpa les marches d’un escalier en bois. Des marches branlantes, avec des toiles d’araignées, et des lézardes le long des murs. La vampire arriva au premier étage, et toqua à une porte. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit sur un homme au crâne rasé, tandis qu’une délicieuse odeur d’encens et des lumières rouges chatoyantes l’accueillirent. L’homme la laissa passer, et Mélinda pénétra dans la pièce. Le garde, un esclave à qui on avait arraché la langue, referma la porte derrière eux.
«
Ma chère amie… »
La voix séduisante de la femme venant de s’exprimer amena Mélinda à tourner la tête vers elle.
Lady Hotwanna était une femme toujours aussi belle, avec un parfum très agréable. Mélinda abaissa sa capuche, et lui sourit.
«
C’est toujours une joie de vous revoir, Lady Hotwanna… »
Hotwanna, la noble Vaporéenne, esquissa un léger sourire. Elle faisait partie de la caste des Négociants, les marchands de Vapeur, ceux qui sortaient du Mecanicae Imperium pour se rendre dans les contrées de Terra. Les Négociants étaient une caste importante de l’Empire de Vapeur, car, de ce que Mélinda avait compris, c’était eux qui étaient à l’origine des contrats d’exploitation permettant aux Vaporéens d’obtenir leur précieux Solticium. C’est dans cette optique qu’Hotwanna avait été à Ashnard, un Empire vaste, très grand. En ce sens, elle allait en-deçà de la majorité des Négociants, qui préféraient se rendre à Nexus. Ashnard et sa politique agressive, hégémonique, attiraient peu les Vaporéens, mais, pour Hotwanna, l’Empire de Vapeur ne pouvait pas décemment se revendiquer neutre dans le conflit entre les deux grandes puissances, s’il ne négociait qu’avec une seule des parties.
Lady Hotwanna était une femme discrète, qui était venue à Ashnard pour faire des négociations, mais sans trop se faire remarquer. Elle s’entretenait à la capitale avec de hauts-fonctionnaires impériaux, et venait souvent se détendre dans le harem de Mélinda. C’était de cette manière que les femmes avaient fini par se rapprocher.
Délestant son manteau, Mélinda s’assit sur un fauteuil, dans sa belle robe dorée, face à elle.
«
Saviez-vous que, contrairement à ce qu’on dit, les distilleries ashnardiennes fournissent de très bons alcools ? Désirez-vous un peu de vin ? »
Qu’est-ce que Mélinda faisait ici, avec une Vaporéenne ? La réponse, en réalité, était fort simple. Hotwanna savait que la vampire comptait fonder un clan, et qu’elle était en train d’étendre son activité commerciale, en se rapprochant d’autres maisons closes, ou en en achetant. Or, Vapeur avait aussi des maisons de joies, et Hotwanna avait proposé à Mélinda de l’aider à ouvrir un établissement là-bas. En échange, Mélinda aidait Lady Hotwanna à se rapprocher des hauts-fonctionnaires impériaux, comme Samara, et à obtenir des contrats d’exploitation minière avantageux, avec la possibilité d’obtenir des avantages fiscaux. Le seul moyen d’obtenir du Solticium, c’était de creuser dans les mines, de chercher dans les gisements abritant des cristaux magiques des gisements de Solticium.
Elles se rendaient donc ici pour négocier un peu…
…Et, dehors, Décatis se rapprochait précisément de cette maison. Il était difficile de louper cette maison, car la calèche posée devant avait une torche.