« Oui, Whisley... Bien sûr, Whisley. Je les ai, oui, oui... »
La voix grave de l’homme parlait dans l’habitacle du petit bureau. Portant un impeccable costume taillé sur mesure par une boutique spécialisée, l’homme raccrocha son téléphone portable après sa communication avec l’homme. Il se pencha ensuite sur le dossier médical étalé sur le bureau devant lui. Il contenait ce que l’homme recherchait : les résultats des examens sanguins réalisés sur la jeune femme amnésique que l’hôpital avait soigné cette nuit. De tels examens étaient tout simplement stupéfiants, et l’homme comprenait l’émoi du docteur en charge du bilan médical.
*Bandes d’amateurs... Ils n’ont pas réussi à la tuer, et, maintenant, même sans le vouloir, elle continue à foutre la merde...*
Douglas Seagels était venu aussi vite que possible quand Whisley l’avait appelé. Il lui avait dit, avec l’euphémisme et le ton calme et froid qui caractérisait l’homme, qu’il y avait eu des complications quant à l’élimination de « la petite peste ». Les tueurs envoyés par Akihiro avaient échoué, et la police surveillait l’hôpital. Akihiro avait préféré ne pas attaquer un hôpital public, peinant à voir l’importance que cette femme avait aux yeux de Whisley et de l’organisation. Maintenant, il fallait faire le ménage, afin de s’assurer que le SHIELD ne vienne pas en personne se mêler de leurs affaires. Whisley voulait que cette affaire soit réglée rapidement et sans faire de bruit, et, pour ça, il avait fait appel à Seagels. Ce ne serait pas la première fois que Seagels couvrirait les traces de l’organisation, en dispensant de faux indices pour les guignols et les cow boys du SHIELD. L’HYDRA faisait toujours office de suspect idéal. L’agent Seagels n’avait pas peur, il espérait juste retrouver rapidement la fille. D’après ce que l’équipe médicale lui avait dit, la police l’avait pris sous son aile, mais ils n’avaient pas l’identité de l’agent s’étant occupé d’elle, juste que c’était une femme.
Autrement dit, Seagels allait devoir reprendre contact avec ce gros incapable d’Akihiro, afin que Guramu utilise son réseau au sein de la police pour savoir où ils avaient logé la petite Mélinda. Ensuite... Et bien, un regrettable accident arrivait toujours. Seagels aimait celui de la fuite de gaz, car il ne laissait aucune trace, et permettait de faire des blagues sexistes sur les ménagères. C’était toujours amusant. Certes, il devrait déplorer la mort d’un agent, d’une policière... Mais ce ne serait pas la première fois.
Pour l’heure, il avait récupéré le dossier médical, et sortit du bureau, croisant, dans le couloir, le chirurgien s’étant occupé de l’opération.
« Ces prélèvements... Ils...
- Comme je vous l’ai dit, Docteur, ce dossier médical est désormais couvert par le secret de l’instruction. Autrement dit, poursuivit l’homme en sortant des lunettes de soleil Ray Ban Aviator, toute information que vous ferez concernant le contenu de ce dossier, ou les informations relatives à votre désormais ex-patiente, feront l’objet de poursuites disciplinaires et pénales.
- Ne me sortez pas le couplet, je le connais !
- Nous ne sommes jamais trop prudents, Docteur. Certes, je ne suis pas dans ma juridiction, mais les évènements qui se passent ici sont liées à une enquête fédérale en cours depuis plusieurs années aux États-Unis. Le simple fait de mentionner ce qui s’est passé cette nuit peut conduire nos suspects à partir, et à effacer toutes les preuves dont nous pourrions avoir besoin pour mettre fin à ces odieux trafics. »
Quand il s’agissait de mentir, ou de calmer la curiosité des civils, Seagels était bon. Il n’était pas fondamentalement cynique. Au contraire, il pensait que menacer quelqu’un était souvent contreproductif. Par expérience, il savait que jouer sur la conscience citoyenne des individus hauts placés était souvent efficace. L’argent et les menaces, c’était aux pauvres qu’il fallait les réserver, à la lie de la société.
L’agent fédéral sortit de l’hôpital.
La piste Warren était froide, mais il était un fin limier. Il la trouverait. Et il règlerait définitivement le problème, à sa manière.
« Hihi ! Toi, t’es trop mignonne ! »
Un sourire ravi sur les lèvres, Mélinda jouait à un jeu que les bébés, généralement, adoraient : l’avion. Elle tenait Kyoko entre ses mains, à hauteur des aisselles, et la soulevait alors très haut, faisant rire aux éclats le beau bébé, qui se tortillait de joie entre les doigts de Mélinda. Elle reposa la petite sur le sol, en lui faisant un sourire malicieux.
« Prête ? Attention au décollage. 1... 2... FFSCCHOOUUUUWWW !! »
Mélinda la leva très haut, et rigola avec Kyoko, avant de la tenir dans ses bras. Oui, la vue d’un bébé la remplissait de joie... Mais aussi, et sans qu’elle ne puisse se l’expliquer, d’une immense tristesse. C’était un sentiment très curieux, mais qui remontait dans sa poitrine, l’envahissant progressivement. Tessou n’avait rien trouvé sur ce bidule qu’on appelait l’Internet, et elle lui avait demandé de surveiller Kyoko... Ce que Mélinda avait accepté avec joie. Kyoko remuait dans tous les sens, et elle permettait à Mélinda de s’évader. Sa mémoire était comme un shrapnel, complètement fragmenté. Est-ce qu’elle aurait dû paniquer davantage ? La femme se sentait emprise d’un profond calme, d’une très grande maîtrise de soi, comme si, peu importe ce qui lui arrivait, elle était capable de l’endurer. Elle avait le sentiment d’avoir une grande confiance en elle-même, et beaucoup de personnes qui l’aimaient... Mais, alors, pourquoi se sentait-elle si triste ? Si seule ? Ce n’était pas lié qu’à son amnésie, mais plus un sentiment général quand elle réalisait sur elle-même sa propre introspection.
En voyant Tessou revenir, Mélinda reposa Kyoko dans son parc, et lui sourit un peu. Le bébé semblait très heureux, et Tessou suggéra à Mélinda de voir la télévision.
« Euh, d’accord... »
Curieusement, ça aussi, ça ne la tentait pas. La femme laissa passer quelques secondes, plongée dans ses pensées, puis regarda à nouveau Tessou.
« Est-ce qu’il serait possible de sortir en ville demain ? Je pense que me promener dans la ville pourrait m’aider à... À en savoir plus sur qui je suis, et d’où je viens... »
Mélinda joignit ensuite les mains dans son dos, laissant passer quelques secondes supplémentaires, puis reprit :
« Et... Je vous remercie pour votre aide, c’est très généreux de votre part, de m’héberger ainsi... »
Oui, cette femme était très gentille... Et elle avait un si beau bébé ! Alors, ça ne pouvait forcément être qu’une bonne personne !