Les vacances... Quelle plaie ! Et, malheureusement, Mélinda ne pouvait rien en tirer de plus, car son adresse ne figurait pas sur le profil visible. Mais, au moins, avait-elle son nom... Mélinda Warren. Warren... Elle ferma les yeux, s’attendant presque à ce que ce mot déclenche un déclic, comme une madeleine de Proust. Cependant, il ne se passa rien, absolument rien, si ce n’est un soupir de frustration de la part de la jeune vampire, qui secoua lentement la tête, continuant à réfléchir.
*Je n’en sais toujours pas plus... Raah, mais que c’est pénible !*
Tessou lui expliqua que les tantes de Kyoko fréquentaient aussi le lycée, soit les nièces de Tessou. Leurs noms n’évoquèrent cependant pas grand-chose à Mélinda, qui, en voyant leurs photos, eut vaguement l’impression de les connaître, mais avec, là encore, ce blocage en elle. Ainsi, pendant que Tessou était en train de changer Kyoko, afin de l’emmener à la garderie (ou ailleurs, Mélinda n’en savait rien, et avait presque oublié qu’elles allaient juste se promener au parc), cette dernière se battait avec la machine. Elle utilisait les flèches directionnelles pour faire bouger les images, voyant des noms s’afficher, défilant sous ses yeux, mais sans que cela n’évoque rien en elle. Au bout de quelques instants, dépitée, et aussi un peu frustrée, elle soupira, et se retourna, quand Tessou l’invita à sortir.
Elle ne savait pas si elle avait des origines occidentales ou non... C’était possible, vu son teint. En tout cas, suite à la question de Tessou, et pendant qu’elle avait récupéré les photos, elle avait réalisé quelque chose, qu’elle expliqua à Tessou avant de répondre à sa question.
« Je sais que je viens de loin, Tessou... Enfin, que je ne suis pas originaire du Japon. »
C’est sur cette parole que les filles sortirent. L’appartement de Tessou était construit à la japonaise, de telle sorte que la porte menait directement dehors, le « couloir » de sortie étant en réalité une sorte de terrasse avec les escaliers à l’extérieur. Mélinda fronça les sourcils en voyant que le soleil était bien haut, et brillait plutôt fort.
« On va au parc, alors ? C’est là où les urgentistes m’ont retrouvé, non ? »
Qui sait ? Se rendre au parc lui permettra peut-être d’aller mieux, ou, en tout cas, de déclencher des souvenirs, même si, à l’idée de découvrir ce qui lui était arrivé, Mélinda se sentait... Un brin nerveuse.
« Le SHIELD va se renseigner sur nous...
- Je sais... C’est pour cette raison que nous devons conserver notre marge d’avance, avant qu’ils n’effacent toutes les traces. »
Seagels et Whisley se tenaient dans un ascenseur, dans d’impeccables costumes trois pièces noirs. Des caricatures d’agents secrets, qui disposaient avec eux de toutes les autorisations administratives nécessaires. Des autorisations fausses, bien entendu, mais, le temps que les policiers le réalisent, eux auraient pleinement l’occasion de retrouver Warren, et d’en finir pour de bon. Il y avait eu un raté cette nuit, et il était impératif de la retrouver avant les autres. C’est donc en suivant cette idée que Seagels et Whisley se rendirent dans le commissariat central de Seikusu.
Ils avancèrent ensemble, rejoignant un guichet, où une secrétaire les accueillit rapidement, avant de froncer les sourcils en voyant leurs plaques, ainsi qu’un document froissé que Seagels sortit de la poche intérieure de sa veste. Il était tamponné du sceau du ministère de la justice.
« Je vois... Que voulez-vous, Messieurs ?
- Nous vous remercions pour votre coopération, Madame. L’agent Seagels et moi-même, comme vous avez pu brièvement le lire, sommes à la poursuite d’un réseau pédophile international. Nous remontons la piste depuis les États-Unis, et sommes convaincus qu’une jeune fille est la victime de ce réseau, qui, outre kidnapper des enfants pour en faire des esclaves, pratique la pédopornographie.
- Oh mon Dieu... »
La secrétaire semblait horrifiée. Seagels et Whisley avaient depuis longtemps compris que, dès lors qu’on touchait aux enfants, les humains changeaient, comme si, naïvement, ils pensaient l’âme d’un enfant plus noble que celle d’un adulte. Leur raconter une histoire sordide était donc une bonne manière d’éviter trop de questions.
« Cette jeune femme, fit Seagels, en montrant une photo de Mélinda Warren, a tenté hier de s’échapper, et a été blessée. Nous nous sommes rendus à l’hôpital dès que nous avons entendu parler d’elle, mais...
- Il semblerait que vos services aient déjà choisi de la protéger, compléta Whisley. Nous aimerions rapidement retrouver la personne chargée de sa protection, car nous savons que les individus ayant attaqué cette jeune adolescente recommenceront encore. »
La secrétaire hocha lentement la tête, puis attrapa le téléphone, en leur demandant de patienter quelques instants. Les deux acquiescèrent, et s’écartèrent un peu. S’ils étaient nerveux, ils le dissimulaient bien. Les faux-papiers étaient parfaits, mais il suffisait d’un coup de fil à l’Ambassade américaine pour qu’on leur indique qu’aucun agent spécial n’avait été envoyé à Seikusu pour enquêter sur un réseau pédophile international.
Au bout de quelques minutes, un capitaine de police vint finalement les voir.
« Bien, Messieurs... Je suis le Capitaine Kisuma. Veuillez me suivre dans mon bureau. »
Il avait l’air soucieux, et avança rapidement. Siegels et Whisley se regardèrent brièvement, avant de le rejoindre, s’enfermant avec lui dans un agréable bureau, toutefois très impersonnel.
« Je dois admettre que votre démarche est très... Inhabituelle. Je n’ai reçu aucun document officiel de la hiérarchie m’informant de la présence d’enquêteurs américains, alors que c’est normalement la démarche normale, la procédure...
- Les circonstances sont exceptionnelles et justifient... »
Kisuma secoua négativement la tête, une mine contrariée sur le visage.
« Je ne veux pas entendre de ces conneries, Messieurs. Il serait temps que ces types du FBI comprennent que le Japon n'est pas un État vassal, et que nous avons des lois, des procédures, une souveraineté à respecter. »
Sur le bureau, Kisuma tenait le document montré à la secrétaire. Cependant, Siegels et Whisley comprirent rapidement que ce fonctionnaire entêté allait vite les gêner. Fort heureusement, les stores du bureau étaient fermées.
« Et je ne peux pas balancer comme ça le nom d’un de mes agents, alors... »
*PLOC !*
Aussi discret qu’un bouchon de champagne qui sauterait, la balle traversa la tête du capitaine en plein élan, et son sang alla décorer le mur, tandis que sa tête bascula en arrière, son corps se renversant sur le fauteuil. Un tir millimétré, émanant du pistolet de Siegels, pistolet recouvert d’un silencieux. L’homme rangea ensuite son arme, tandis que Whisley, écartant sans ménagement le fauteuil du capitaine, se pencha sur son ordinateur.
Ils eurent très rapidement le nom qu’ils recherchaient.
Tessou Tsuzuri...