«
J’te garantis que tu vas passer une super soirée, Jess’ ! -
Mais M’man Carol... -
Rooh putain, Jess’, t’as plus cinq ans, quand même ! -
Je te garantis que tu vas t’éclater ! »
Se pinçant les lèvres, Jessica pencha la tête vers la fenêtre de sa chambre. Au téléphone,
Mility et l’une de ses amies, qui était aussi une amie de Jessica,
Caroline, essayaient toutes les deux de convaincre Jessica de faire le mur pour les rejoindre ce soir au «
Moonlight Beam », une boîte de nuit branchée le long des avenues huppées et techno de Tekhos Metropolis. Malheureusement, le dernier relevé de notes de Jessica n’avait pas été très brillant, et Maman Carol s’était énervée, estimant que Jessica était trop oisive, et qu’elle passait trop de temps à sortir en soirée avec Mility et l’autre bande de «
jeunes droguées nymphomanes ». Jessica avait eu beau tenter de plaider sa cause, face à une mère Carol en mode «
dragon de niveau 50 », elle avait autant de chance de la convaincre que de soulever à mains nues le GeoTower, l’imposante tour servant de siège social à GeoWeapon Corp.
Jessica avait eu pas mal de sorties autorisées ces dernières semaines. Suite à la mort de Beth, elles avaient estimé qu’il fallait que Jessica sorte un peu. C’était l’une des rares fois où Maman Kelly s’était opposée à Maman Carol, et où le Dragon avait plié. Jessica était sortie en boîte, alternant ainsi entre des virées nocturnes et des visites chez la psychiatre, qui suivait couramment Maman Carol... Ce qui avait été un choc pour Jessica. Apprendre que sa mère, qui semblait aussi inébranlable qu’un roc, suivait une thérapie, ça avait de quoi changer vos perspectives ! Malheureusement, les notes de Jessica s’écroulaient, et le Dragon commençait à fulminer. Jessica avait été privée de soirée, et elle ne pouvait évidemment pas dire la vérité à ses mères.
La vérité, c’est que, si Jessica révisait moins, ce n’était pas tant parce qu’elle sortait avec Mility, que parce qu’elle s’amusait à faire la justicière. Elle enfilait son costume, et volait dans les airs de Tekhos Metropolis pendant des airs, venant en aide aux personnes qui avaient besoin d’elle. On avait même parlé d’elle aux informations nationales ! Quand Carol avait entendu ça, alors qu’elle était affublée sur ses notes, et que Kelly préparait la cuisine, Carol s’était contentée de grogner devant ces phénomènes de foire, ces
freaks qu’il faudrait enfermer. Jessica avait eu honte, tout en étant secrètement excitée par cela. Elle ne saurait trop dire pourquoi, mais désobéir à sa maman provoquait en elle un frisson d’excitation intense... Mais c’était risqué, toujours risqué, et c’était bien pour ça qu’elle hésitait, et que, au téléphone, Mility et Caroline cherchaient à la convaincre.
«
J’ai un contrôle demain, tenta de plaider Jessica.
Et je suis pas à jour sur mes équations différentielles... Si je me foire, Maman Carol va... -
Rooh, mais Jess’, sérieux ! Tu as pas envie de finir mathématicienne, non ? Je te propose de t’éclater en écoutant de la trans’ toute la nuit, et tu me parles de machins imbuvables ! 9a te passionne tant que ça, les équations sectorielles ? -
Différentielles ! Et... -
On s’en fout, c’est du pareil au même ! Sérieux, Jess’, tu peux pas rester enfermée. Ta maison, c’est pas le couvent ! Tes parents doivent apprendre à te lâcher la grappe, et tu dois apprendre à grandir ! -
Oui, mais... »
Et elles continuèrent à palabrer, tandis que le soleil se couchait. Finalement, Mility raccrocha, en lui disant de faire comme elle l’entendait, mais que ce serait vraiment génial si elle venait, parce qu’elle tenait beaucoup à elle, et que Jessica devait apprendre à s’éclater un peu. Jessica mit fin à la communication, et se retourna vers son bureau, soupirant en observant ses équations différentielles.
*
Il n’y a rien à faire, j’y comprends rien...*
Soupirant à nouveau, elle regarda la fenêtre. Aller à cette soirée, ce serait vraiment cool, mais, si ses parents l’apprenaient... D’un autre côté, elle devait patrouiller, aussi. Jessica secoua la tête, et se replongea à nouveau sur ses exercices de préparation. Dans sa tête, elle revoyait sa combinaison, qui l’attendait dans son placard. Elle se mordilla les lèvres.
*
Concentre-toi sur tes études, Jess’ !
Il faut que tu patrouilles, il y a une recrudescence de criminalité en ce moment... Et la police ne peut pas être partout. Seulement un petit quart d’heure, tes Mamans n’y verront rien !
Jess’ ! Ce n’est pas en étant oisive que tu arriveras à te montrer fière d’elles !
Il y a peut-être une vie en danger en ce moment, Jess’... N’est-ce pas le plus important, finalement ?
Tu dis juste ça pour pouvoir faire le mur ! Tu n’es pas la police ! Bosse !*
Facile à dire... mais une vie était effectivement
peut-être en danger en ce moment-même.
Ils la virent dans le métro, seule, solitaire, belle et désirable. Une belle femme à la longue chevelure blonde, au corps athlétique, aux formes généreuses. À Tekhos, les hommes étaient mal vus. Ils ne constituaient plus que 20% de la population, et s’entassaient dans des ghettos masculins dans des zones isolées de la ville, où on les voyait comme des pestiférés, des abominations génétiques. Et certains choisissaient de se venger à leur manière. C’était le cas pour ces quatre ou cinq hommes, qui zonaient dans le tramway aérien de Tekhos Metropolis. Bien que la ville comprenne aussi un système de métro souterrain, il y avait aussi un tramway, qui avait été bâti pour diluer la masse importante de citoyens empruntant les transports publics. Le tramway aérien comprenait plusieurs circuits, et ils étaient après l’heure de pointe. Ils étaient tranquillement assis quand la femme arriva. Ils lorgnèrent sur ses fesses, parlant à voix basse entre eux.
«
Elle est bonne, cette pute... -
Sûrement une autre salope lesbos’... -
Raison de plus pour la niquer. »
Ce n’était pas la première personne qu’ils violaient. Ils estimaient que les Tekhanes avaient besoin d’une bonne petite leçon, et de se rappeler que les mâles existaient. Ils n’étaient pas vraiment des enfants de chœur. Ils zonaient dans les transports en commun à la fin de la journée, quand il n’y avait pas beaucoup de monde, et en profitaient pour racketter les femmes, voire, selon leur humeur, les violer, les capturer, et les tuer ensuite. L’un des hommes continuait à lorgner sur le cul de la belle blonde, et finit par se lever, lorsque, après un arrêt de station, ils se retrouvèrent seuls dans le tramway, qui approchait du terminus.
«
Hey, chérie ! lâcha l’homme à voix forte.
Tu prends combien ce soir ?! »
Les autres ricanèrent grassement, comme s’ils trouvaient cette réplique drôle, mais, dans leurs yeux, on pouvait lire la même chose que dans le regard de celui qui avait parlé. Une envie lubrique... Et, pendant ce temps, le tramway approchait de la station, n’en étant plus qu’à quelques secondes.