Je vais vous conter l’histoire de l’Étoile d’Or de Melinka, l’histoire d’une jeune femme qui ne pouvait mourir, condamnée à voir tout ce qu’elle aime disparaître avant elle...
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Stella Saafanu avait 8 ans. Comme tous les enfants de son âge, elle jouait dans les rues avec ses amis. C’était le coeur de l’hiver, la région était couverte d’une épaisse couche de neige et le petit village de Lassa s’était transformé au cours de la matinée en un véritable champ de bataille. De chaque coin de rue sortait de temps à autre un enfant armé d’une boule glacée, qu’il lançait à un camarade mal caché pour marquer un point de plus. Les adultes restaient à l’écart, ils savaient qu’aucune interférence n’était tolérée dans ce jeu.
-Psst, Stella ! On fait équipe, comme on a dit hier ?Une fillette aux cheveux verts comme les sapins entre lesquels elle s’était cachée ramassa un peu de neige pour compléter son projectile. Elle hocha silencieusement la tête à la proposition de son ami. La veille, ils avaient passé toute la soirée à mettre au point un véritable plan d’attaque. Car la fille aux yeux dorés était une stratège en herbe, elle savait mettre à profit le placement de ses “adversaires” pour compenser un désavantage tactique comme, ici, le fait qu’ils étaient à deux contre tout le reste des gamins du village.
Liam Krow sourit largement et alla se replacer derrière un talus grossier, où il avait entreposé d’autres boules de neige. Il attendait le signal. Signal qui ne tarda pas à venir : d’un coup, Stella sortit de sa cachette, brandissant une branche comme s’il s’agissait d’un étendard, sa boule de neige dans l’autre main.
-Pour Lassa ! Hurla-t-elle, avant de se précipiter à travers la rue vers un garçon de l’autre côté. Bien sûr, d’autres profitèrent de ce qu’elle était à découvert pour tenter de l’attaquer, mais l’allié de la demoiselle était d’une redoutable efficacité, un tireur d’élite qui ne manquait que rarement sa cible une fois qu’il l’avait vue. Enfin...à hauteur des capacités des enfants d’entre 6 et 12 ans... Mais l’imagination débordante de cette tranche d’âge les faisait s’imaginer en plein coeur d’une bataille épique plus grandiose encore que celles des livres de contes.
Tandis que le garçon abattait à distance tous ceux qui se montraient trop menaçants, la fille se jetait dans ce qui était maintenant une joyeuse mêlée où l’on entendait plus de rires que de cris, fort heureusement. Elle en ressortit victorieuse et hilare.
-La Justice triomphe, une fois encore ! L’Étoile d’Or ressort toujours victorieuse de ses batailles !-Eh, pourquoi toi t’as un surnom ? Geignit une autre fillette, jalouse.
-Parce que je suis la meilleure à la bataille de boules de neige, j’ai droit à un surnom parce que les légendes en ont toutes un, rétorqua Stella en tirant la langue
.Les autres n’eurent pas l’occasion de répliquer, puisqu’un cri retentit. Un cri d’adulte, mais surtout, un cri de terreur. Tous se figèrent.
-Ils arrivent ! Cria quelqu’un.
Ils arrivent, cachez-vous, vite !“Ils”, c’étaient les soldats d’Ashnard, tout le monde le savait. Comme Lassa était à moins d’une heure de la frontière, ses habitants servaient souvent de cibles d’entraînement à ces brutes ashnardiennes. Impossible de savoir si c’était voulu par leur chef ou s’ils agissaient sans ordres, mais le résultat était là : environ une fois tous les deux mois, ces soldats venaient traverser le village au triple galop et tuaient tous ceux qu’ils voyaient sur leur chemin. Un triste sort auquel Lassa s’était résigné.
Cette fois fut différente. Les Ashnardiens s’arrêtèrent au milieu du village, piétinant sur leur passage toutes les constructions des enfants qui, terrifiés, se cachaient dans les bras de leurs parents. Mais devant eux se dressait une personne. La seule à ne pas avoir peur. Était-ce de la folie ? De l’inconscience ? Non, Stella Saafanu, orpheline passant de famille en famille, était simplement courageuse. Elle espérait, de tout son petit coeur d’enfant, que son courage suffirait à faire reculer les assaillants.
-Qu’est-ce qu’elle veut, la mouflette ?-Vous êtes vraiment méchants de venir tout le temps pour tuer des gens. Y en a pas assez dans votre pays, c’est pour ça que vous venez jusqu’ici ?Ils rirent, bien entendu. Cette gamine n’avait certes pas froid aux yeux, mais il fallait la remettre à sa place. Liam vint se placer timidement à côté d’elle, pour lui montrer qu’elle n’était pas seule.
-Allez-vous en ! Juste pour cette fois, s’il vous plaît ! On veut juste jouer, mais vous gâchez toujours tout.-Et en plus la dernière fois tante Lisa râlait parce qu’elle arrivait pas à nettoyer les taches de sang.Ce qui devait arriver arriva... Le chef du groupe, mort de rire, ordonna à ses hommes de raser tout le village.
-De toute façon, ça fait longtemps qu’on voulait le faire, mais la mouflette est allée un peu trop loin. Vous pouvez la remercier, c’est grâce à elle qu’on va arrêter de venir...parce que ça sert à rien de venir trancher des cadavres pourrissants !Le carnage fut terrible. En quelques heures le dernier adulte tombait, la neige était teintée de pourpre où qu’on pose le regard. Et au milieu, deux enfants horrifiés. Liam était en larmes, Stella était simplement trop choquée pour réagir. Le chef ashnardien vint les toiser d’un oeil mauvais.
-Regardez, les marmots... Regardez ce que ça fait de s’opposer à quelqu’un de plus fort que soi... Maintenant vous allez vivre toute votre vie en vous rappelant que c’est votre faute si tout le monde est mort. Vous serez les deux coupables, et les deux survivants.La troupe partit, laissant les deux enfants avec les conséquences de leur élan de courage...
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-Stella ! Stella !La jeune fille ouvrit les yeux, sortant brutalement d’un cauchemar qui la laissa tremblante de peur, haletante et en larmes. Son regard quitta le souvenir de ce qu’elle venait de voir pour se poser sur son ami, penché au-dessus d’elle, la mine inquiète. En voyant qu’elle reprenait ses esprits, il soupira de soulagement et se rassit.
-Tu m’as fait peur, j’arrivais pas à te réveiller.. C’est encore le même rêve ?-... Oui... Encore le même souvenir.Ce rêve, elle le faisait souvent. Trop souvent. Et pourtant elle n’était toujours pas parvenue à s’y habituer, chaque fois il était aussi réel et insupportable que les précédentes. Elle se redressa et écarta quelques mèches vert sapin de devant ses yeux. Ils avaient bien poussé, ces satanés cheveux, à tel point qu’elle était obligée de les attacher quand elle bougeait un peu. Mais, ne raffolant pas des coiffures féminines complexes, elle se contentait d’une demi-queue de cheval (juste la première couche de cheveux) et de deux tresses avec les mèches qui encadraient son visage. C’était joli, c’était facile à faire, et ça la gênait beaucoup moins que de garder sa longue tignasse décoiffée en offrant prise à tout ce qui passait.
-Un jour il va vraiment falloir que tu partes à l’étranger chercher un mage capable de t’enlever ça de la tête, fit remarquer Liam
.Stella lui jeta un regard offusqué.
-Tu plaisantes j’espère ? Si j’oublie, il me reste quoi ? Je ne suis pas comme toi, j’ai besoin d’un point d’ancrage pour pouvoir avancer, je ne navigue pas vraiment avec le vent en poupe depuis le massacre.L’adolescent baissa la tête. Sept années, sept longues et douloureuses années, avaient passé depuis que les ashnardiens avaient rasé leur village. Mais ça n’avait pas été aussi facile d’aller de l’avant pour Stella que pour lui. Là où le garçon avait puisé dans sa volonté pour se défaire de la culpabilité, son amie ne vivait plus que par cette dernière.
-Et tu sais bien que ça ne me plaît pas... Tu portes le poids des morts, et tu refuses toute aide. Je sers à quoi, moi ? Hein ? Ça me fait mal de te voir cauchemarder tous les trois jours, de devoir te réveiller parce que tu pleures toutes les larmes de ton corps, de voir que malgré tout le temps qui passe rien n’allège ce fichu fardeau que tu persistes à vouloir porter toute seule !-Tu as réussi à te relever, je ne veux pas que tu replonges à cause de moi. Oublie cette idée. Et puis bon, si j’allège mon fardeau et que je commence à oublier, je baisserai ma vigilance et d’autres horreurs similaires arriveront. Il n’y aura pas de deuxième Lassa si je garde le poids de nos morts sur mes épaules.Elle n’avait pas entièrement tort, mais elle n’avait pas non plus raison d’agir de cette manière. Liam soupira. Il ne la ferait jamais changer d’avis, il le savait bien, c’était une vraie tête de mule. Un des points négatifs de son caractère. Un autre, plus difficile à percevoir, était sa peur panique de ne pas pouvoir gagner. Quand, dans n’importe quelle situation, elle avait le sentiment d’être en trop grand désavantage -ce qu’elle pouvait facilement déterminer avec son sens stratégique- et qu’elle ne se voyait aucune issue de secours, elle restait paralysée de terreur. La plupart du temps, c’était heureusement facilement évitable, mais les quelques autres fois il avait dû intervenir pour la calmer ou l’aider.
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A l’aube d’un jour comme tous les autres, Stella Saafanu était morose. Pas de cauchemar cette nuit, mais un sommeil en pointillés. La fatigue avait donc fait remonter la mauvaise humeur de la jeune fille et elle ressassait des pensées sombres.
“Bien le bonjour, belle dame, permettez que je m’adresse à vous par télépathie...” fit une voix moqueuse dans son esprit, la faisant sursauter. Elle se reprit rapidement et répondit par la pensée :
“Qui êtes-vous ?
Je me nomme Dacaël, démon vengeur. J’ai appris récemment pour ce qui est arrivé à votre village, et croyez bien que je suis navré de la mort de tous vos proches autant que je me réjouis de pouvoir vous être utile.”Un démon... Bien avant que les Melians ne s’y installent, ces terres étaient réputées pour être un point d’accès facile vers les Enfers, le royaume des démons. Il n’était donc pas rare d’en apercevoir quelques manifestations de temps à autre. Mais ils montaient rarement jusqu’au monde des mortels, ainsi parler avec un être démoniaque relevait plus du conte pour enfant que de la réalité en temps normal.
“Démon vengeur, hein ? Heureusement que vous m’avez pas dit messager, je vous aurais ri au nez, parce que ça fait sept-huit ans que ça s’est passé. Vous dites que vous pouvez vous rendre utile. Quelles raisons j’ai de vous croire ?
Je m’engage, par un pacte de sang si vous le désirez, à vous assister dans votre vengeance, jusqu’à ce que le dernier des responsables de la destruction de votre village soit passé au fil d’une lame, si possible la vôtre. En contrepartie...
Stop ! N’en dites pas plus.” l’interrompit brusquement Stella. Elle n’aimait pas l’idée de se fier à un démon, mais l’offre était bien trop alléchante et elle n’en pouvait plus de cauchemarder à répétition à cause de cet événement qui lui gâchait réellement sa vie.
“J’accepte vos conditions, démon. Quelles qu’elles soient. Prenez mon âme si ça vous chante, de toute façon je n’ai déjà plus vraiment l’impression d’en avoir une.
... Très bien. Faites couler votre sang et prononcez mon nom pour sceller le pacte.”Aussitôt, l’adolescente porta son index gauche à sa bouche et en arracha un lambeau de peau qui entraîna avec lui un peu de sang. Comme elle ne savait pas si ça suffirait, elle agrandit la petite plaie, sous le regard surpris de Liam qui venait de la rejoindre.
-Dacaël ! Cria-t-elle tandis qu’une goutte rouge partait éclater sur le sol à ses pieds et se transformait en un tourbillon d’énergie duquel apparut le fameux Dacaël dans toute sa splendeur.
Difficile de savoir qui des
quatre silhouettes qui se dessinaient étaient le vrai démon. Pire encore, les quatre parlèrent en même temps, dans un terrifiant écho :
-Stella Saafanu, à partir de maintenant ton destin m’appartient. Tu ne mourras pas avant d’avoir accompli ta vengeance, et quand ton âme quittera enfin ton corps je la prendrai et tu deviendras l’une de mes incarnations. En vertu du pacte que tu as scellé avec moi, tu es mienne désormais !Liam était sous le choc. D’où ce démon sortait-il ? Pourquoi parlait-il ainsi à Stella ? Avait-elle vraiment fait un pacte avec lui ? C’était insensé... Mais son amie acquiesça aux paroles du monstre, qui disparut. Stella s’évanouit d’épuisement.
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Quelques jours plus tard, les premiers effets de l’aide du démon se firent voir : les deux amis, au cours de leurs grands voyages pour fuir le souvenir de leur village, croisèrent un groupe de mercenaires idéalistes qui se faisaient appeler les Garde-Frontières. Leur chef John, qui se faisait appeler la Lame Écarlate, avait vu Stella et Liam mettre en déroute un petit groupe d’apprentis brigands de grand chemin, sans armes ni rien du tout, et demanda sans détour à ce qu’ils rejoignent sa troupe, en échange bien sûr d’une formation au combat et d’un équipement complet. Les deux jeunes acceptèrent.
Bientôt, les Garde-Frontières comptaient deux membres officiels de plus, dont la renommée ne se fit pas attendre : l’Étoile d’Or, la fille qui pouvait renverser le cours d’une bataille rien qu’en la parcourant de son regard si atypique, et la Flèche, l’archer dont la réputation clamait qu’il tuait des lapins à 100m en pleine forêt, au crépuscule. C’était faux, bien sûr, mais Liam avait tout de même un talent non négligeable avec un arc dans les mains.
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Stella avait 20 ans. Le mois dernier, la troupe avait fêté la majorité de la jeune femme, à grand renfort de vin et autres boissons plus ou moins douteuses dans une taverne réputée pour la puissance de ses alcools. Le tout payé par le chef, bien sûr... Après la récompense qu’ils avaient reçue pour avoir terrassé un gros monstre, ils pouvaient bien se mettre une petite fête. Ils en avaient même fait une double pour s’excuser de ne pas avoir fêté convenablement l’anniversaire de Liam, à la même période.
Mais maintenant, plus personne n’avait l’esprit à la fête. Les Garde-Frontières étaient dos à dos, lames dégainées, encerclés par une bande criminelle qui en avait assez de ces paladins en armure dorée (simple expression, ils n’avaient pas de bonnes armures) qui leur mettaient toujours des bâtons dans les roues. Huit contre vingt-cinq. La situation était critique.
-John, reste à côté de Liam, il va vite être débordé sans assistance, conseilla Stella qui avait déjà analysé ce qui n’allait pas tarder à se transformer en champ de bataille
.L’affrontement débuta. Violent, sanglant, et surtout mortel. Les Garde-Frontières n’avaient pas prévu une chose concernant leurs adversaires : ceux-ci étaient accompagnés d’un sorcier venu d’Ashnard. L’homme leur lança d’office une gigantesque boule de feu qui tua sur le coup l’un des leurs. Stella essaya évidemment de le charger pour le neutraliser, mais un coup de hache à l’épaule lui fit lâcher son arme. Elle se démena pour combattre malgré tout. Mais après quelques minutes, et quelques morts des deux côtés, il fallut se rendre à l’évidence : ils ne pourraient pas gagner. Et au moment où la jeune femme voulut recommander une retraite, ses mots se transformèrent en un hurlement de colère mêlée de désespoir : Liam venait de s’effondrer, décapité net. Un voile noir recouvrit ses sens.
Quand Stella reprit ses esprits, elle était seule. Autour d’elle se tenaient trente-deux cadavres sanguinolents. Dans sa mauvaise main, une épée qui ne lui appartenait pas dégoulinait d’un sang qui n’était pas non plus le sien. Elle vit alors la tête de son ami, figée sur une expression effrayée. Elle lâcha aussitôt son arme et alla prendre dans ses bras le dernier souvenir de son enfance, brisé par un coup d’épée qu’elle n’avait pas vu venir. Elle n’avait pas pu le protéger... Elle n’avait pu protéger personne... Au final, toutes ses compétences n’avaient servi à rien... Stella fondit en larmes, serrant contre elle la tête du seul homme qu’elle avait jamais aimé, à jamais immobile.
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Après cet événement tragique, Stella Saafanu ne fut plus jamais la même. Elle se renferma sur elle-même, protégeant son coeur en ne s’attachant à rien ni personne. Sans pitié avec ceux qui s’opposaient à elle, elle parcourait les différentes frontières du pays, âme en peine à la recherche d’une deuxième vengeance s’ajoutant à celle qui lui avait déjà coûté son âme et sa mortalité. Combien de fois avait-elle souhaité mourir ? Combien de fois avait-elle tenté de mettre fin à ses jours, toujours stoppée par Dacaël qui, à son grand regret, tenait sa parole ? Elle ne mangeait presque plus, juste assez pour ne pas mourir d’inanition, et se mutilait d’elle-même quand elle n’avait pas eu de bandit ou de monstre à se mettre sous la dent depuis trop longtemps. Résultat, elle n’avait plus que la peau sur les os, et cette peau était recouverte de cicatrices plus ou moins profondes, plus ou moins bien entretenues selon son humeur le matin.
C’est dans cet état déplorable qu’elle rencontra le prince Jim Ë-Kabaria. Plus précisément, elle rencontra son alter ego, l’homme de la lune, alors qu’elle “affrontait” trois imbéciles qui s’étaient montrés...disons peu délicats. Elle achevait le dernier quand elle entendit un applaudissement lent, clairement sarcastique, derrière elle. Elle se retourna pour faire face à l’homme masqué qui se moquait d’elle.
-Bon travail...même si c’est parfaitement dégoûtant. Vous les avez réduits en charpie.-Ils l’ont bien cherché. Fichez le camp, vous êtes censé bosser du côté de Krayos vous, pas à Melinka.-Vous avez traversé la frontière il y a une heure, vous ne vous en étiez pas rendu compte ?Il y eut un bref instant de silence. Pour la première fois depuis longtemps, Stella réfléchit à autre chose que son malheur. Qui était cet homme ? Sans qu’elle sache vraiment pourquoi, il l’intriguait. Elle nettoya son arme sur l’un des cadavres et la rengaina.
-Non, je n’avais pas remarqué. Dites-moi, pour un Krayen, vous parlez drôlement bien le melian.-Je suis Melian de naissance. Mais merci quand même du compliment. A votre tour, maintenant, de répondre à mon interrogation. Que cherchez-vous ? Vous n’avez pas l’air d’une justicière ni d’un assassin, et votre regard au moment où vous avez tué ces hommes était celui de quelqu’un qui a un objectif précis en tête.La jeune femme hésita. Elle n’avait pas à lui répondre, mais elle avait étrangement envie de lui faire confiance. Peut-être était-ce à cause de son regard, où elle percevait une douleur semblable à celle qu’elle-même éprouvait...quand elle était de bonne humeur.
-Je ne sais pas si on peut dire que je cherche quelque chose. J’ai perdu ma raison de vivre le jour où j’ai perdu mes compagnons d’armes. Ça fait deux ou trois ans que je me balade sans trop savoir où aller, et quand je vois des types à tuer je m’en occupe, c’est tout.L’autre hocha la tête et sembla réfléchir.
-Vous êtes douée pour tuer, c’est indéniable. Mais à errer de la sorte vous finirez par tuer plus d’innocents que de vrais “méchants” et vous serez arrêtée et exécutée. Allez plutôt à la capitale, demandez à faire partie de la garde royale, j’ai entendu dire qu’ils recherchaient de nouveaux soldats, en ce moment. Ce serait l’occasion de vous défouler sans trop de risques.~Σ~Σ~
Sans trop savoir comment elle s’était laissée convaincre aussi facilement, Stella devint ainsi garde au palais de Melinka. Après une année de bons et loyaux services, elle était reconnue comme une des meilleures recrues de la garde, et son surnom qu’elle avait abandonné fut remis au goût du jour. Elle avait repris goût à la vie en côtoyant ces hommes et ces femmes avec lesquels elle vivait maintenant, et dont l’enthousiasme habituel était assez contagieux.
Un matin le prince Alexander la convoqua. De but en blanc il lui annonça qu’elle serait désormais affectée à la garde de son frère Jim, en raison du nombre aberrant d’atteintes à sa personne. Et la première chose qui surprit la soldate quand elle fut présentée à son nouveau protégé, ce fut son regard. Il avait les mêmes yeux que l’épéiste au masque... Le prince aussi fut surpris de la voir. Sitôt qu’ils furent seuls il lui fit promettre de ne jamais parler de sa double identité à qui que ce soit. Ce à quoi la réponse fut plus que claire :
“Tant que vous revenez en un seul morceau à chaque fois, je n’ai rien à y redire... Mais avisez-vous d’écoper d’une égratignure de trop et je vous enferme dans votre chambre. Et ne pensez pas à partir par la fenêtre, je resterai avec vous jour et nuit s’il le faut, quitte à ne jamais dormir.”~Σ~Σ~
Stella Saafanu, en résumé :
L’Étoile d’Or de Melinka est une humaine de 24 ans liée par pacte à un démon. Ce pacte l’empêche de mourir en échange d’une assistance totale de l’être infernal chaque fois qu’elle doit dégainer son épée. Et si vous voulez savoir, elle se soucie autant du sexe qu’un poisson de la température au fond d’un volcan (depuis la mort de Liam en fait...)
Physiquement, elle est remarquable, inutile de le nier. Ses cheveux, verts comme des branches de sapin, lui tombent jusqu’aux hanches. Elle ne les attache pas vraiment, se contentant d’une demi-queue et de deux petites tresses avec les mèches qui encadrent son visage. Autre détail impossible à manquer : ses yeux. Leurs pupilles son dorées et ont la forme de deux étoiles, ce qui lui a valu son surnom. La soldate mesure un mètre et soixante-quatorze centimètres, taille tout à fait honorable pour une femme, mais son poids est bien inférieur à la moyenne humaine, ce qui s’explique par sa période de dépression où l’action seule de Dacaël la maintenait en vie. En effet, avec quarante-cinq kilogrammes, Stella peut être qualifiée d’anorexique. Elle n’a donc que la peau sur les os, et cette même peau est recouverte de vilaines cicatrices. Pour la plupart elle les a faites elle-même en tentant de se suicider, en vain bien sûr.
Cependant le physique de la demoiselle dépend beaucoup de son mental, aussi nous attarderons-nous sur ce point. Ce qu’il faut savoir tout d’abord, c’est que les yeux de Stella n’ont pas pour seul avantage d’être beaux. Ils sont en effet capables d’analyser une situation périlleuse et d’en trouver l’issue la plus sûre, alias la victoire avec le plus petit nombre de pertes quelles qu’elles soient. La jeune stratège a toujours été forte de caractère, elle ne se laissait déjà pas marcher sur les pieds dès son enfance. Même après la destruction de son village, hantée par ses cauchemars, elle continuait de s’imposer envers et contre tout. Même si le soutien de Liam n’était clairement pas de trop. Et à la mort de ce dernier, tout a basculé. Stella a sombré dans la dépression, elle s’est laissée dépérir, allant jusqu’à ne plus se nourrir, espérant pouvoir mourir d’une façon ou d’une autre. Mais Dacaël ne la laissa pas faire. Chaque fois qu’elle tentait de s’ouvrir les veines avec son épée, il prenait possession de son corps pour l’en empêcher, chaque fois qu’elle s’évanouissait à cause de la faim il la forçait à avaler quelques fruits qu’il faisait apparaître. Elle aurait pu le haïr, mais elle n’en fit rien. Elle s’en moquait. Ce ut vraiment sa rencontre avec le prince qui la sauva. Suite à son conseil elle s’engagea en tant que garde au palais, et le contact de ses nouveaux collègues finit par lui redonner la joie de vivre qu’elle avait perdue. Désormais, elle vit pour les autres, et toute personne “sous sa responsabilité” (c’est un peu elle qui décide) est assurée d’avoir la meilleure des protections. Ses ennemis, en revanche... Stella ne montre aucune pitié.