Un autre homme se serait foutu des baffes à l’idée de laisser passer une aussi belle nana… Un aussi beau lot, une peau sombre, chocolatée, qui vous faisait penser aux Caraïbes, au coucher du soleil, à toutes ces danseuses hawaïennes vous accueillant avec un collier de perles… Et, bien sûr, sa beauté était loin de se résumer simplement à sa couleur de peau. Non, en fait, pour autant qu’Eiki le sache, cette femme était
parfaite. Tout, dans son corps, de ses cheveux à ses jambes fuselées, suscitait en lui une armada de fantasmes et de désirs pervers en tout genre. Il les voyait défiler dans sa tête, vrillant son esprit… Il lui léchait les pieds dans les plus doux d’entre eux, il se masturbait sur ses seins ou lui violait sa belle petite bouche dans d’autres… Mais ce n’était que des idées, que des fantasmes. Était-ce par amour qu’Eiki repoussait cette femme ? Était-ce par l’amour sincère et honnête qu’il ressentait pour Mashi ? Était-il comme Harry Angel dans
Angel Heart ? Jessica était-elle la succube censée le faire définitivement basculer dans les vices infernaux ? Si c’était le cas, alors, en la voyant tourner les talons, il aurait dû ressentir une profonde satisfaction personnelle… Comme un sentiment d’accomplissement, avec cette certitude infinie d’être un paladin résistant à la Tentation… Pourtant, en voyant Jessica tourner les talons, Eiki n’avait qu’une envie : l’attraper par l’épaule, l’embrasser, et la prendre fougueusement contre le mur, réveiller l’être bestial et sauvage qui était en lui, réveiller la bête, réveiller l’être préhistorique qui sommeillait dans les tréfonds de son âme…
Mais ça, c’est ce qu’un autre homme aurait fait. Eiki se contenta de serrer les poings en voyant Jessica s’écarter. Il voyait l’air de déception sur le visage de son élève, mais il ne fit rien pour la retenir. À cet instant, son esprit était comme un shrapnel qui aurait explosé, les pensées disloquées dans tous les sens. Était-il juste fou de songer à faire
ça avec
SON élève ? Même sans parler de Mashi, le simple fait d’éprouver du désir pour une élève était profondément choquant… La majorité étant à l’âge de 20 ans, il n’y avait tout simplement aucune chance pour que Jessica soit majeure, et ce même si, physiquement, elle présentait tous les attributs d’une fleur ayant libéré toutes ses pétales.
*
Est-ce là tout ce que tu souhaites, Eiki ? Que ta vie se résume à celle d’un pervers pédophile ?L’amour de Mashi représente-t-il si peu d’importance à tes yeux pour que tu t’empresses de t’envoyer en l’air avec la première salope qui te tombe sous le nez ? Tu n’as qu’à aller aux putes, ça sera encore plus honnête !Tu es idiot de la laisser partir… Regarde cette silhouette, ces formes ! Et tu sais ce qu’elle va faire, pas vrai ? Une fille comme ça, elle a qu’à taper dans un lampadaire pour que dix queutards lui tombent sous le nez ! Elle était pour TOI, Eiki !*
Un schrapnel de pensées… Mais, parmi ces pensées, deux idées subsistaient : il avait une trique de tous les diables, et la seule idée d’imaginer un autre homme pénétrer Jessica, en ce moment, lui était insupportable. Oui, il aurait dû la rattraper… Au lieu de ça, il s’enferma dans un mutisme coupable et honteux, la tête baissée, les dents serrés. Elle partit, le laissant seul avec son érection, et, presque machinalement, sa main retourna en pilotage manuel. Ses doigts se posèrent sur son sexe, et glissèrent dessus. Sa tête bascula lentement en arrière, et il soupira silencieusement, imaginant, non pas le corps de Mashi, qui était alors bien éloigné, mais celui, infiniment plus jouissif, de Jessica. Il la voyait danser dans ses rêves, telle une nymphe sauvage et exotique, il la voyait entre ses cuisses, là, son corps sous son bureau, prenant son vit entre ses lèvres pour y appliquer sa science légendaire… Elle était là, hantant ses rêves, les fertilisant, et c’est en pensant à elle que la crème jaillit, éclatant sur le rebord du bureau.
*
T’as joué et t’as perdu, mon salaud. Regarde-toi, maintenant…*
Il soupira à nouveau, et se redressa. Son pantalon était ouvert, et sa verge n’était plus qu’un pneu crevé, un organe flasque et mou.
*
Qu’est-ce que j’ai fait ?!*
Eiki avait repoussé cette femme… Est-ce qu’elle allait se mettre à parler ? Il savait ô combien la vengeance d’une femme pouvait êtrte terrible, mais il rejeta rapidement cette idée. Non, il ne voyait pas cette Australienne venir en parler aux autorités, et ce tout simplement parce qu’elle craindrait qu’il fasse la même chose. Et elle ne voulait sûrement pas d’un scandale sexuel qui aurait pu amener l’administrartion à la renvoyer chez elle… Eiki la pensait sincère quand elle disait vouloir lui faire l’amour, et c’était ça le plus terrible, car il savait qu’il était en train de se chercher des fausses excuses… Il voulait l’imaginer monstrueuse et vicieuse pour se donner l’idée de quelqu’un qui avait réussi à ne pas succomber, mais la réalité était infiniment plus simple.
Il avait
envie d’elle, et c’était pour ça que l’idée de la voir avec quelqu’un d’autre lui était, pour l’heure, insupportable…
…Et elle le serait encore dans quelques jours.
Non, ça va, les élèves sont plutôt sympas
Ils ne t’ont pas encore volé tes mangas ?
Je me réserve cette arme de destruction massive si jamais je n’ai aucune autre option…
lol
Je n’ai jamais douté de tes capacités pour éduquer ces fortes têtes ;-)
Eiki ferma les yeux en soupirant, et bascula la tête en arrière. En débardeur blanc et en short dans son appartement, il n’avait pas grand-chose du séduisant professeur.
Coldplay tournait sur YouTube, et, sur Facebook, il parlait avec Mashi… Une soirée normale, normale comme n’importe quelle autre soirée… Et, pourtant, rien n’était normal. Internet était une véritable mine d’or, et, tandis qu’il discutait avec elle, il surfait volontiers. Il avait commencé par quelque chose de classique : il avait googlé le nom de Jessica, mais n’avait rien obtenu, sinon son profil Facebook… Et son cœur avait battu la chamade à l’idée de voir son statut. Il savait qu’il n’aurait pas supporté de voir un «
EN COUPLE » s’afficher sur l’écran. Il en aurait ressenti une bouffée de jalousie instantanée.
Maintenant, il était comme Walter Mitty, face à la page Facebook de Jessica, de cette femme qui l’avait fait jouir, et qui lui avait fait des avances sexuelles ne souffrant d’aucune équivoque. Juste un clic, rien qu’un seul clic à faire… Mais il savait pour quelle raison il ferait ce clic. Tout cela défilait dans sa tête à toute allure, et il avait le sentiment que, en appuyant sur le bouton, en cliquant dessus, il scellerait sa destinée. C’était encore plus terrible actuellement, car Mashi lui parlait, lui demandant sa journée. Là, face à la page, il était en pleine hésitation.
*
Un simple clic, ce n’est pas la mort…Il faut être ferme, Eiki ! Ne te laisse pas distancer ! Sois fort et droit !*
Fort et droit… Tout ce qu’il se disait, en vain, comme un leitmotiv abandonné, comme une vieille rengaine usée, comme cette comptine politicienne que les gens n’écoutaient plus, à force d’en être bassiné dans tous les sens. Et, pendant ce temps, Coldplay chantait, et lui écoutait. Il bascula à nouveau la tête en arrière, s’écartant un peu de son bureau.
Be my miror, my sword, my shield, my missionnaries in a foreign field… Classiquement, il associait ces paroles à Mashi, mais, au fur et à mesure que la chanson s’élançait, comme une formidable comptine d’amour et de joie envers la vie, ce n’était plus avec Mashi qu’il dansait dans les étoiles et leurs pieds dans la mer… Il voyait Jessica, il imaginait son corps, son fessier, ses seins, sa bouche, sa voix… Elle défaisait sa veste, elle filait dans les champs, et lui la suivait. C’était un amour intense, où son épée jouait avec son bouclier pour forcer le passage de son château. Les violons dansaient et Chris Martin poussait de longs cris lointains, et il se voyait avec Jessica, l’embrassant longuement, tandis que tout chantait autour d’eux, comme un immense feu d’artifice qui éclaterait dans le ciel…
…Puis ses doigts se retrouvèrent à nouveau maculés de sperme, et il bascula la tête en avant, sortant de son absence, hagard, épuisé comme s’il venait de faire un marathon. Mashi venait de matraquer sa page, et, d’une seule main, l’autre n’étant pas vraiment en état de toucher quoi que ce soit, il releva la page :
Enfin, c’est cool que ça se passe bien avec tes bambins
Ça ne pourra qu’être la même chose quand on aura les nôtres :-P
Non ?
Eiki ??!!!!
Tu t’es endormie ? Allô ?!!!
*
Merde, merde…*
Il s’extirpa de son fauteuil, et alla ouvrir le robinet de la cuisine, aspergeant de l’eau sur sa main, en grommelant. Il s’était masturbé sans même trop y penser, toujours en pensant à Jessica… Il fallait vraiment qu’Eiki exorcise ça… S’ils avaient été sur Skype ce soir, au lieu de traîner sur Facebook…
*
Merde, merde !*
Il n’avait rien fait de mal, et, pourtant, il se sentait coupable… Il fallait qu’il oublie Jessica, il fallait qu’il l’oublie !
Eiki retourna sur son poste, décidé à demander, dès demain, la possibilité d’avoir une nouvelle classe, ou de trouver un moyen de déplacer Jessica ailleurs. Il risquait d’avoir quelques questions, mais, pour lui, c’était amplement préférable au risque de gaspiller sa vie avec elle. Eiki était remonté comme une pendule, mais, ce qu’il ignorait, c’était que, pendant sa « transe », il avait enfoncé le clic gauche de sa souris… Et, parfois, il suffisait d’un seul clic.