Sunday Bloody Sunday s’échappait du jukebox du bar, alors que, dans une atmosphère chargée en alcool, les clients du bar parlaient entre eux, essayaient de suivre le match, ou jouaient autour de la table de billard. C’était une soirée importante : le match retour de la deuxième demi-finale de la Lige des Champions opposait Chelsea à l’Atlético Madrid. Après un match aller décevant, qui s’était conclu sur un 0 – 0, on pouvait dire que ce match-ci envoyait du pâté, et la majeure partie des clients du bar étaient agglutinés devant le bel écran, à suivre la deuxième mi-temps. L’Atlético menait par 2 à 1, et, si elle gagnait ce match, la finale promettait d’être étonnante, du jamais vu depuis presque un demi-siècle : une finale d’une compétition européenne qui opposerait les deux clubs d’une même ville ! L’Altélico face au Real, deux clubs de Madrid. Le football n’avait jamais vraiment été un sport traditionnel au Japon. Il avait été importé par les Anglais au 19
ème siècle, et avait progressivement atteint ses lettres de noblesse. Lors de la dernière Coupe du Monde, les
Samourai Blue avaient réussi à se qualifier, perdant
in extremis face au Paraguay, lors des tirs au but.
Il y avait donc des Japonais dans le bar, suivant le match, mais il fallait bien admettre qu’il était surtout envahi par les Occidentaux. C’était un bar européen, et même un pub’. Il était tenu par un Irlandais, Dwayne, et, comme tout bon Irlandais qui se respecte, le traiter d’Anglais était la meilleure manière d’être jetée dehors. Il était plus tolérant envers les locaux. Après tout, les Japonais réagissaient de la même sorte si on venait à les traiter de Chinois. Carol le savait, et elle ne commettrait jamais cette erreur. Dwayne était un homme sympathique, qui avait repris ce pub des mains de son père, et qui était inscrit à Seikusu. Il y avait grandi, vécu, mais n’avait jamais oublié ses racines. De temps en temps, il revenait au pays, en Irlande, mais la boutique ne fermait jamais.
Carol était à la table de billard, en train de jouer, en compagnie de deux hommes. Certains en profitaient pour loucher sur ses formes, mais personne n’aurait osé le lui dire ouvertement. Ils savaient qu’elle était une militaire, et pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. La belle Américaine se détendait, tout simplement, et tapa dans la boule blanche. La boule fila comme une fusée, heurta la boule verte, et elle la logea dans le trou.
«
Droit dans le trou, Doug’, prends-en de la leçon ! »
Elle le raillait, et Doug’ esquissa un léger sourire.
«
’T’en fais pas, chérie, y a des trous que j’loupe jamais. »
Carol sourit légèrement. Elle portait un jean, une veste, et un débardeur, dissimulant ainsi son costume, mais on pouvait voir qu’elle avait des gants. Un côté glamour qui permettait aux hommes de fantasmer sur ce qu’il y avait dessous. Carol profitait de sa soirée, tout simplement. Elle travaillait toujours auprès du SHIELD, et en était à se dire qu’elle allait devoir démissionner de son boulot à l’épicerie. Elle en avait marre de son patron, un pervers, et chaque jour qui passe était, pour elle, une tentation lancinante et croissante de commettre un meurtre.
Miss Marvel se rapprocha de la boule blanche, à côté de Doug’, et tapa dessus. La boule blanche heurta une autre boule, mais cette dernière mangea le mur, cette fois. Carol se mordilla les lèvres, et se redressa.
«
À ton tour, Kenji. »
Le Japonais hocha lentement la tête. Carol s’écarta un peu, et regarda autour d’elle. Le bar était plutôt agréable, et la table était sur une sorte d’estrade en hauteur, au milieu des tables, près du comptoir. Le jukebox était dans un coin, la télé dans un autre. Carol voyait des visages habituels, généralement affalés au comptoir, mais, alors qu’elle observait les gens, son regard se porta sur une jeune femme. Apparemment seule.
*
Elle, je ne l’ai jamais vu...*
La curiosité s’empara de Carol, qui leva la main vers elle, la saluant brièvement. Elle était proche, et Carol se pencha contre la balustrade entourant la table de billard, et haussa le ton, pour se faire entendre.
«
Salut ! Tu t’appelles comment ?! »
Elle était mignonne comme tout.