Amélie n’en croyait pas ses yeux. Mishi les avait encore foutues dans la merde ! Le pire, c’était que sa copine semblait complètement détendue, et visiblement guère inquiète à l’idée qu’elles soient poursuivies par une espèce de psychopathe qui avait hurlé dans le bus, et avait plus ou moins menacé de les violer. Mishi se contentait d’avancer en tête, vers la plage, mais, plus Amélie y repensait, et moins elle avait envie de faire la fête, maintenant. Les deux femmes longeaient le square sous la nuit tombante.
« T’en fais pas, Mél’, on y sera sous peu... C’est juste une dizaine de minutes à pied, et on pourra s’éclater toute la nuit. »
La Française ne répondit rien, encore perturbée. Mishi était sympa, vraiment. Elle prenait toujours soin d’elle, elle était là pour la réconforter, lui faire des câlins, elle trouvait des adresses faciles, mais pourquoi fallait-il toujours qu’elle se foute dans la merde comme ça ? Pourquoi fallait-il toujours qu’elle se retrouve avec des sales types ? Mishi marchait vite, comme si elle cherchait à fuir ses responsabilités, et Amélie voyait bien qu’elle n’osait pas la regarder. Mimi’ marchait vite, et Amélie se mordilla les lèvres. Elle ignorait qui était ce type dans le bus, mais elle avait bien remarqué qu’il n’était pas clair... Non, il ressemblait même à un foutu psychopathe, comme ceux qu’on voyait dans les films et les séries policières. Malheureusement, la police n’allait pas se déplacer pour deux squatteuses qui passaient leur temps à fumer, surtout quand l’une des deux était une prostituée notoire. Dans ce monde, les gens comme Amélie ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour espérer s’en sortir. Toute interprétation contraire était idiote, et ne serait qu’un moyen de foncer dans le mur. Amélie essayait de s’en convaincre, mais elle savait aussi que son raisonnement était faux... Zetsu, Mishi... Des gens qu’elle ne connaissait pas, et qui, à leur manière, cherchaient à l’aider. Mais le gouvernement ? La société ? Les flics ? Elle avait peur d’eux plus que du reste encore. Ils étaient tous corrompus.
Pour autant, Amélie restait en pétard contre Mishi, et se rapprocha d’elle. Elle posa une main sur son épaule, et la retourna.
« Merde, Mimi’, c’était qui, ce connard, à la fin ?! »
Mishi secoua la tête.
« Personne... Je t’assure, Mél’, c’était personne de vraiment important...
- Tu te fous de moi ? Merde, j’ai cru qu’il allait nous violer sur place, ce mec ! Il était complètement barje !
- C’est qu’un hasard, Mél’ ! Juste un mec à qui j’ai fait un câlin en échange d’un peu de fraîche, okay ? Rien de plus, rien de moi, c’est aussi simple que ça... »
Mishi soutenait son regard, et Amélie secoua la tête.
« Je... Je suis pas sûre d’avoir vraiment encore envie d’aller à cette fête, Mimi’... »
Mishi soupira, et posa alors une main sur la joue d’Amélie, la caressant, tout en lui faisant un joli sourire. Elle pencha la tête vers elle, et posa sa main sur son autre joue, puis se rapprocha, l’embrassant sur le front. Mimi’ se montrait câline, et elle sentit Amélie frissonner. Mishi savait qu’Amélie était peureuse, que la vie ne l’avait pas épargné, et qu’elle éprouvait une sorte de méfiance instinctive envers les autres. Forcément, un tel spectacle l’avait chamboulé, et Mishi couvrait son front de baisers.
« Tu vas pas laisser un sale con comme ça nous gâcher notre soirée, hein ? Il est parti, Amélie, tu risques rien... T’inquiètes pas, tu sais que je t’amènerai jamais dans un endroit dangereux, hein ? On est comme des sœurs, toi et moi, non ? Sœurs jusqu’à la mort, c’est pas ça qu’on dit ? »
Amélie répondit en hochant la tête, se blottissant contre Mishi, qui lui caressa les cheveux et le dos. C’est ainsi qu’Amélie accepta d’y aller.
La fête avait lieu à la plage, sur une partie de cette dernière, un coin tranquille où on avait mis des feux de camps. Il y avait des barbecues, des individus torse nus, des gyaru, et même un héritage des temps anciens, avec des bōsōzoku, des motards. De la musique s’échappait d’une sono, et l’endroit était suffisamment éloigné des immeubles pour ne déranger personne. Pour y aller, Amélie et Mishi remontèrent le long des promenades filant le long de la plage. La fête avait lieu derrière une digue, dans un coin tranquille, au pied d’une falaise... Et près d’une bouche d’égout abandonnée.
Un endroit charmant.